dimanche 29 septembre 2013

Méditer, jour après jour, de Christophe André



 Mentionnée, en bien, dans des ouvrages aussi divers que celui-ci, celui-ci ou encore celui-ci, objet d'un dossier dans Cerveau et Psycho qui parle de bénéfices (prouvés scientifiquement of course) dans des domaines tels que la concentration, la résistance à la douleur ou encore la lutte contre la procrastination (ce serait donc possible!), les arguments ne manquent pas pour se mettre à la méditation. Et, franchement... ça tombe bien! Henry Plée (pionnier du karaté en France, selon un avis personnel non scientifique ses livres -surtout celui sur les techniques de secourisme- peuvent plaire même à ceux qui ne s'intéressent pas du tout aux arts martiaux) évoque dans son livre sur les points vitaux des techniques d'entraînement qui, bien qu'efficaces, sont souvent snobées par les pratiquants parce que pas assez gratifiantes. De la même façon, la méditation de pleine conscience (celle à laquelle Christophe André nous initie), "dont l'apprentissage est simple et rapide, mais dont la maîtrise demande des années (comme tout ce qui importe dans nos vies)" peut prendre au dépourvu par la simplicité mais aussi l'originalité de ce qui est proposé ("je veux pas regarder ce qui m'entoure comme si je le voyais pour la première fois, je veux juste les superpouvoirs!!!"). On comprend vite la pertinence du conte zen proposé dans le prélude : "un élève demande à son maître : "Maître, combien de temps me faudra-t-il méditer pour atteindre la sérénité ?" Après un long silence, le maître répond : "Trente ans." L'élève accuse le coup : "Euh... c'est un peu long. Et si je mets les bouchées doubles, si je travaille dur, jour et nuit, si je ne fais plus que ça?" Le maître garde alors le silence un très long moment et finit par lâcher : "Alors, cinquante ans..." " 

 L'auteur passe par plusieurs supports pour présenter cette méthode : au texte s'ajouteront des tableaux (pas grandeur nature vous vous en doutez, mais en couleur, parce que sinon, bon...) et un CD, donc on peut aussi dire merci à la maison d'édition vu que ça doit coûter beaucoup plus cher à imprimer. Chaque chapitre, illustré par un tableau, explique comment pratiquer l'aspect concerné de la pleine conscience, et l'intérêt de cette pratique. La pleine conscience a la particularité de ne pas se pratiquer uniquement en méditation à proprement parler (installé confortablement, le dos droit, 10-15 minutes en espérant très fort qu'on ne va pas être dérangé en plein milieu), mais aussi dans les activités du quotidien (vous pourrez désormais vous laver les dents en pleine conscience, ou faire vos courses -c'est beaucoup plus dur- en pleine conscience). Le choix des tableaux est très pertinent et permet souvent de comprendre exactement où l'auteur veut en venir. Le travail de pleine conscience a pour objet une perception plus complète de l'environnement, mais également de son propre corps et de ses émotions et sentiments : accepter et mettre en perspective ses émotions négatives (jusqu'à, à un certain niveau, limiter les effets de "l'anxiété ou la dépression, qui sont, d'une certaine manière, des troubles de l'attention : on ne fait attention qu'à nos sources de soucis, et on écarte le reste"), accueillir le bonheur même en sachant qu'il est temporaire, permet d'être plus heureux au quotidien. On s'en doute, un entraînement régulier est nécessaire pour pouvoir bénéficier de la pleine conscience le jour où la douleur, physique ou émotionnelle, sera importante. Et, si vous marchez pied nu sur un clou pendant qu'un frelon vous pique, vous rattrapez dans votre déséquilibre sur une plaque chauffante allumée, le tout au moment où vous étiez en train de boire à grandes gorgées un mélange wasabi-harissa (il faut dire aussi que vous avez de drôles d'idées), inutile de vous précipiter en position de méditation, ce n'est pas non plus de la magie (et aussi, ne jouez pas au loto ce jour là, enfin c'est vous qui voyez...). Si vous souffrez de douleurs chroniques, la méditation peut vous aider, mais l'auteur recommande de prendre aussi (limite surtout) le traitement médicamenteux recommandé s'il y a lieu. Cette forme de contact avec soi-même n'a pas pour seul intérêt d'apaiser les souffrances mais fait partie intégrante de l'hygiène mentale nécessaire au bien-être ("en essayant de nous couper de nos émotions et de nos ressentis, nous risquons ce que les neurologues appellent une "désafférenciation", et donc à une amputation de notre intelligence émotionnelle", "Les carences contemporaines portent également sur nos besoins psychiques. Par exemple les besoins de calme, de lenteur, de continuité", "Si je ne fais pas ce qui est important, il n'arrivera rien. Rien dans l'immédiat. Mais, peu à peu, ma vie deviendra terne, ou triste, ou bizarrement vide de sens").

 La pleine conscience doit permettre de ressentir, de prendre conscience de soi-même, mais aussi de l'environnement. Bien qu'il s'agisse d'un travail sur l'attention ("plus notre attention est élargie et immergée, plus nous nous approchons de la pleine conscience"), la pleine conscience n'est pas tout à fait similaire à l'attention : "dans l'attention, on écarte (ce qui ne nous intéresse pas), dans la pleine conscience, on accueille ". L'objectif, à un niveau avancé, est même d'avoir la sensation de ne faire qu'un avec l'univers ("on absorbe tout ce qui est autour de nous, on s'en imprègne et on le devient"). L'auteur parle même de "mystique laïque", de spiritualité "en dehors de la pratique religieuse" (même si le fait que certains tableaux -pas beaucoup- représentent des scènes du catholicisme pourra agacer les lecteurs les plus anticléricaux) : "la quête, au-delà des explications et des mots, d'un éclaircissement et d'un absolu dont on s'apprête, dont on se prépare à ne rien vouloir faire" (tout ça alors qu'on voulait juste les superpouvoirs prouvés scientifiquement dont ils parlaient dans Cerveau et Psycho!)

 Cette capacité de fermer les yeux, de faire une pause, de "résister à l'activation (Faire ! Faire!) et à l'accélération (Vite ! Vite!)", est, insiste l'auteur, particulièrement indispensable à l'époque à laquelle on vit, où, c'est vrai, les sens sont sollicités presque continuellement (messages publicitaires -précisément conçus pour attirer l'attention- partout, musique dans le métro, connexion permanente aux réseaux sociaux possible avec les smartphones, …) et où le multitâche est devenu la norme (préparer le powerpoint de la prochaine réunion en passant le niveau 25 à WOW d'une main, poster un truc humoristique mais tellement juste sur Twitter en regardant combien de personnes ont liké notre statut Facebook de l'autre, le tout en buvant un café et en écoutant les collègues présenter les résultats hebdomadaires -et au fait, ça en est où, le score du match de foot?-). Christophe André n'a pas changé d'avis depuis 2011 (année de parution du livre), il déplore encore cet état de fait, entre autres dans ses chroniques dans Cerveau et Psycho. Ce serait pourtant un contresens d'imaginer que s'engager dans la pratique de la méditation revient à devenir du jour au lendemain scandaleusement improductif : les 10-15 minutes quotidiennes passées à méditer n'auraient pas nécessairement été passées à une activité vitale pour l'humanité, et on peut également envisager que se concentrer sur une tâche permet de la faire mieux et plus vite qu'en faisant trente-six choses en même temps.

 Alors que le texte du livre guide le lecteur vers une pratique éveillée, possible à tout moment, de la pleine conscience, le CD sert à la méditation à proprement parler. Pas de musique type relaxation pour activer les ondes alpha ou autres, uniquement la voix de Christophe André qui explique au fur et à mesure ce qu'il faut faire. Même si la consigne de ne pas s'évaluer paraît souvent aussi facile à respecter que "ne pensez pas à un ours blanc", c'est une pratique beaucoup plus classique que celle enseignée dans le livre, qui prendra moins au dépourvu. Il semble pertinent (et logique aussi, en même temps) de faire les méditations dans l'ordre dans la mesure elles sont de plus en plus longues et complètes (la dernière dure une demi-heure), même si celles sur le corps douloureux ou les émotions douloureuses ont bien moins d'intérêt si on est pas concerné (après, vous pouvez pousser le perfectionnisme jusqu'à les faire en tenant un cactus dans la main ou en pensant très fort à votre collègue le·a plus insupportable, ça vous regarde, hein...).

 Le déroulement, pour l'essentiel, est le même à chaque fois : installé confortablement, le dos droit, yeux fermés ou mi-clos, se recentrer sur sa respiration (sans chercher à la modifier, il ne sera pas question ici d'entraînement à la respiration ventrale), effectuer un scan mental de son corps, accueillir ses sensations, ressentis et préoccupations immédiats, les bruits qu'on perçoit (qu'il s'agisse de choses agréables ou désagréables), ressentir la différence de température entre air inspiré et air expiré, se représenter l'inspiration comme nourrissant chaque cellule de notre corps, nous apportant des choses positives, l'expiration permettant d'éloigner les choses négatives, … Quand, inévitablement, vos pensées commencent à vagabonder loin, loin de l'exercice, reprenez simplement là où vous en étiez, autant de fois que nécessaire, quand vous vous en apercevez. Voilà, plus qu'à pratiquer, avec assiduité et avec patience.

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