Mentionnée, en bien, dans des ouvrages aussi divers que celui-ci, celui-ci ou encore
celui-ci, objet d'un dossier dans Cerveau et
Psycho qui parle de bénéfices (prouvés scientifiquement of
course) dans des domaines tels que la concentration, la résistance à
la douleur ou encore la lutte contre la procrastination (ce serait
donc possible!), les arguments ne manquent pas pour se mettre à la
méditation. Et, franchement... ça tombe bien! Henry Plée (pionnier
du karaté en France, selon un avis personnel non scientifique ses
livres -surtout celui sur les techniques de secourisme- peuvent
plaire même à ceux qui ne s'intéressent pas du tout aux arts
martiaux) évoque dans son livre sur les points vitaux des techniques
d'entraînement qui, bien qu'efficaces, sont souvent snobées par les
pratiquants parce que pas assez gratifiantes. De la même façon, la
méditation de pleine conscience (celle à laquelle Christophe André
nous initie), "dont l'apprentissage est simple et rapide, mais
dont la maîtrise demande des années (comme tout ce qui importe dans
nos vies)" peut prendre au dépourvu par la simplicité mais
aussi l'originalité de ce qui est proposé ("je veux pas
regarder ce qui m'entoure comme si je le voyais pour la première
fois, je veux juste les superpouvoirs!!!"). On comprend
vite la pertinence du conte zen proposé dans le prélude : "un
élève demande à son maître : "Maître, combien de
temps me faudra-t-il méditer pour atteindre la sérénité ?"
Après un long silence, le maître répond : "Trente ans." L'élève accuse le coup : "Euh... c'est un peu long.
Et si je mets les bouchées doubles, si je travaille dur, jour et
nuit, si je ne fais plus que ça?" Le maître garde
alors le silence un très long moment et finit par lâcher : "Alors,
cinquante ans..." "
L'auteur passe par plusieurs supports pour présenter cette méthode :
au texte s'ajouteront des tableaux (pas grandeur nature vous vous en doutez, mais en couleur, parce que sinon,
bon...) et un CD, donc on peut aussi dire merci à la maison d'édition vu que
ça doit coûter beaucoup plus cher à imprimer. Chaque chapitre, illustré par un tableau, explique comment pratiquer l'aspect concerné de
la pleine conscience, et l'intérêt de cette pratique. La pleine
conscience a la particularité de ne pas se pratiquer uniquement en
méditation à proprement parler (installé confortablement, le dos
droit, 10-15 minutes en espérant très fort qu'on ne va pas être
dérangé en plein milieu), mais aussi dans les activités du
quotidien (vous pourrez désormais vous laver les dents en pleine
conscience, ou faire vos courses -c'est beaucoup plus dur- en pleine
conscience). Le choix des tableaux est très pertinent et permet
souvent de comprendre exactement où l'auteur veut en venir. Le
travail de pleine conscience a pour objet une perception plus
complète de l'environnement, mais également de son propre corps et
de ses émotions et sentiments : accepter et mettre en
perspective ses émotions négatives (jusqu'à, à un certain niveau,
limiter les effets de "l'anxiété ou la dépression, qui
sont, d'une certaine manière, des troubles de l'attention : on
ne fait attention qu'à nos sources de soucis, et on écarte le
reste"), accueillir le bonheur même en sachant qu'il est
temporaire, permet d'être plus heureux au quotidien. On s'en doute,
un entraînement régulier est nécessaire pour pouvoir bénéficier
de la pleine conscience le jour où la douleur, physique ou émotionnelle,
sera importante. Et, si vous marchez pied nu sur un clou pendant
qu'un frelon vous pique, vous rattrapez dans votre déséquilibre sur
une plaque chauffante allumée, le tout au moment où vous étiez en
train de boire à grandes gorgées un mélange wasabi-harissa (il
faut dire aussi que vous avez de drôles d'idées), inutile de vous
précipiter en position de méditation, ce n'est pas non plus de la
magie (et aussi, ne jouez pas au loto ce jour là, enfin c'est vous
qui voyez...). Si vous souffrez de douleurs chroniques, la méditation
peut vous aider, mais l'auteur recommande de prendre aussi (limite
surtout) le traitement médicamenteux recommandé s'il
y a lieu. Cette forme de contact avec soi-même n'a pas pour seul
intérêt d'apaiser les souffrances mais fait partie intégrante de
l'hygiène mentale nécessaire au bien-être ("en
essayant de nous couper de nos émotions et de nos ressentis, nous
risquons ce que les neurologues appellent une "désafférenciation",
et donc à une amputation de notre intelligence émotionnelle",
"Les carences contemporaines portent également sur nos
besoins psychiques. Par exemple les besoins de calme, de lenteur, de
continuité", "Si je ne fais pas ce qui est important,
il n'arrivera rien. Rien dans l'immédiat. Mais, peu à peu, ma vie
deviendra terne, ou triste, ou bizarrement vide de sens").
La
pleine conscience doit permettre de ressentir, de prendre conscience
de soi-même, mais aussi de l'environnement. Bien qu'il s'agisse d'un
travail sur l'attention ("plus notre attention est élargie et
immergée, plus nous nous approchons de la pleine conscience"),
la pleine conscience n'est pas tout à fait similaire à
l'attention : "dans l'attention, on écarte (ce qui ne
nous intéresse pas), dans la pleine conscience, on accueille ".
L'objectif, à un niveau avancé, est même d'avoir la sensation de
ne faire qu'un avec l'univers ("on absorbe tout ce qui est
autour de nous, on s'en imprègne et on le devient"). L'auteur
parle même de "mystique laïque", de spiritualité
"en dehors de la pratique religieuse" (même si le fait
que certains tableaux -pas beaucoup- représentent des scènes du
catholicisme pourra agacer les lecteurs les plus anticléricaux) : "la quête, au-delà des explications et des mots, d'un
éclaircissement et d'un absolu dont on s'apprête, dont on se
prépare à ne rien vouloir faire" (tout ça alors qu'on
voulait juste les superpouvoirs prouvés scientifiquement dont ils
parlaient dans Cerveau et Psycho!)
Cette
capacité de fermer les yeux, de faire une pause, de "résister
à l'activation (Faire ! Faire!) et à l'accélération
(Vite ! Vite!)", est, insiste l'auteur, particulièrement
indispensable à l'époque à laquelle on vit, où, c'est vrai, les sens sont
sollicités presque continuellement (messages publicitaires
-précisément conçus pour attirer l'attention- partout, musique
dans le métro, connexion permanente aux réseaux sociaux possible
avec les smartphones, …) et où le multitâche est devenu la norme
(préparer le powerpoint de la prochaine réunion en passant le
niveau 25 à WOW d'une main, poster un truc humoristique mais tellement juste sur Twitter en regardant combien de personnes ont liké notre statut
Facebook de l'autre, le tout en buvant un café et en écoutant les
collègues présenter les résultats hebdomadaires -et au fait,
ça en est où, le score du match de foot?-). Christophe
André n'a pas changé d'avis depuis 2011 (année de parution du
livre), il déplore encore cet état de fait, entre autres dans ses
chroniques dans Cerveau et Psycho. Ce serait pourtant un
contresens d'imaginer que s'engager dans la pratique de la méditation
revient à devenir du jour au lendemain scandaleusement improductif : les 10-15 minutes quotidiennes passées à méditer n'auraient pas
nécessairement été passées à une activité vitale pour
l'humanité, et on peut également envisager que se concentrer sur
une tâche permet de la faire mieux et plus vite qu'en faisant
trente-six choses en même temps.
Alors que le texte du livre guide le lecteur vers une pratique éveillée,
possible à tout moment, de la pleine conscience, le CD sert à la
méditation à proprement parler. Pas de musique type relaxation pour
activer les ondes alpha ou autres, uniquement la voix de Christophe
André qui explique au fur et à mesure ce qu'il faut faire. Même si
la consigne de ne pas s'évaluer paraît souvent aussi facile à
respecter que "ne pensez pas à un ours blanc", c'est
une pratique beaucoup plus classique que celle enseignée dans le
livre, qui prendra moins au dépourvu. Il semble pertinent (et
logique aussi, en même temps) de faire les méditations dans l'ordre
dans la mesure elles sont de plus en plus longues et complètes (la
dernière dure une demi-heure), même si celles sur le corps
douloureux ou les émotions douloureuses ont bien moins d'intérêt
si on est pas concerné (après, vous pouvez pousser le
perfectionnisme jusqu'à les faire en tenant un cactus dans la main
ou en pensant très fort à votre collègue le·a plus insupportable, ça vous regarde,
hein...).
Le
déroulement, pour l'essentiel, est le même à chaque fois :
installé confortablement, le dos droit, yeux fermés ou mi-clos, se
recentrer sur sa respiration (sans chercher à la modifier, il ne
sera pas question ici d'entraînement à la respiration ventrale),
effectuer un scan mental de son corps, accueillir ses sensations,
ressentis et préoccupations immédiats, les bruits qu'on
perçoit (qu'il s'agisse de choses agréables ou désagréables),
ressentir la différence de température entre air inspiré et air
expiré, se représenter l'inspiration comme nourrissant chaque
cellule de notre corps, nous apportant des choses positives,
l'expiration permettant d'éloigner les choses négatives, … Quand,
inévitablement, vos pensées commencent à vagabonder loin, loin de
l'exercice, reprenez simplement là où vous en étiez, autant de
fois que nécessaire, quand vous vous en apercevez. Voilà, plus qu'à
pratiquer, avec assiduité et avec patience.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire