mercredi 24 août 2022

Tu comprendras ta douleur, de Martin Winckler et Alain Gahagon


 Dans ce livre qui a l'ambition explicite d'être mis à jour régulièrement à travers des rééditions (les auteurs fournissent une adresse e-mail destinée spécifiquement à recueillir les critiques et suggestions), de nombreux outils sont fournis pour comprendre, soulager, éventuellement accompagner l' "expérience personnelle, intime et non comparable" qu'est la douleur. 

 Si l'expérience de la douleur est d'abord sensorielle, elle est en effet aussi psychique ("tout ce qui se passe dans le cerveau peut agir (en bien ou en mal) sur la douleur, et la douleur "colore" tout ce qui se passe dans le cerveau"), et dans le cas où elle est le plus éprouvante (maladie grave, douleurs chroniques, ...), l'enjeu relationnel est également important. Le sujet est technique, et entre les outils diagnostics et le détail des traitements possibles avec leurs avantages et inconvénients le livre n'en fait pas l'économie (les deux auteurs sont médecins) mais, c'est rappelé à de nombreuses reprises, la relation thérapeutique est importante, que ce soit pour ajuster au mieux le diagnostic et le traitement ("ne pas croire ce que dit un·e patient·e est l'une des principales causes de mauvais traitement, d'erreurs de diagnostic et d'accidents thérapeutiques"), ou même pour éviter un effet nocebo bien mesurable. Il va sans dire que minimiser n'est pas recommandé non plus : "il y a infiniment plus de personnes qui souffrent et qui ne sont pas bien soulagées que de personnes à qui on donne des antidouleurs pour rien".

 En plus des outils pour mieux comprendre, mesurer, soigner et interpréter la douleur (y compris chez des personnes qui ne sont pas forcément en mesure de l'exprimer verbalement, comme les enfants ou les personnes âgées), le livre porte une vision exigeante de la relation thérapeutique, qui semble adressée aussi bien aux patient·e·s qu'aux soignant·e·s, évoquant par exemple le prolongement des discriminations de la société dans le domaine médical (le racisme, le sexisme, conscients ou non, ont une influence sur la prise au sérieux de la douleur par le·a soignant·e, le surpoids peut être source de remarques déplacées ou d'erreurs de diagnostic... les personnes souffrant de troubles psychiatriques, si je ne me trompe pas, ne sont pas nommé·e·s mais auraient pu, ...), le droit d'être correctement informé·e et de voir sa souffrance prise en compte (certains procédures inutiles sont listées de façon critique) ou encore le droit de refuser un traitement ou une procédure ("vous devriez toujours vous sentir libre de cesser une thérapie qui ne vous convient pas pour des raisons physiques ou morales").

 Certains éléments intéresseront encore plus spécifiquement les psychothérapeutes, comme les détails, de l'historique et théorique au très pratique, de l'effet placebo ou encore les recommandations pour accompagner psychologiquement les personnes souffrant de douleurs (pour un effet directement antalgique, l'hypnose et les TCC sont particulièrement plébiscitées, mais tout ce qui détourne l'attention, met en mouvement, remet en contact avec le plaisir, a des effets positifs).

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