vendredi 14 août 2015

Les thérapies familiales systémiques, de Karine et Thierry Albernhe


 L'auteur et l'autrice, respectivement pédopsychiatre en CMPP (et accessoirement formatrice en thérapies familiales) et chef de pôle de psychiatrie infanto-juvénile, relèvent le défi de présenter en un seul livre l'histoire, le fonctionnement théorique et le fonctionnement pratique de cette méthode qui s'inspire de sciences aussi diverses que la philosophie grecque (pour la maïeutique en particulier), la biologie, la cybernétique (notion de rétrocontrôle par exemple), la linguistique, ou encore de branches diverses de la psychologie.

 Les écoles, les penseurs, sont nombreux, les outils même sont d'une grande diversité (conte systémique -à ne pas confondre avec le travail, cependant jugé fondateur, de Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées : le conte systémique fait le mouvement inverse de partir du particulier pour s'étendre à l'universel-, glace sans tain, psychodrame -un peu différent de celui-ci mais pas tant que ça-, adaptation du jeu de l'oie, génosociogramme qui n'est pas sans rappeler le travail d'Anne Ancelin Schützenberger, visionnage a posteriori de la séance en DVD par les patient·e·s et les soignant·e·s, ...), et il est vite clair que, malgré la rigueur de l'auteur et de l'autrice, la présentation n'est que sommaire et que chaque point est plutôt une invitation à approfondir. Il y a toutefois des points communs entre les méthodes, une spécificité de la thérapie systémique. L'intérêt, par exemple, est porté sur un groupe (une famille, quoi, sauf exception... enfin une famille ça peut vouloir dire le couple, les parents et les enfants, les parents, les enfants et les grands parents, ... et on peut même s'intéresser aux ancêtres!) plutôt que sur l'individu ("Un systémicien est toujours gêné pour parler d' "individu" ou de "niveau individuel", puisqu'il considère que l'individu n'a de sens et ne se conçoit que dans l'interrelation"), ce qui a d'autant plus d'intérêt que, du moins le temps de la thérapie, le·a thérapeute s'inscrira dans le groupe, et le modèle systémique lui fournit alors différents outils pour observer l'effet du cadre sur la situation. Autre spécificité, alors que la demande du groupe est en général plutôt de débarrasser un·e de ses membres d'un problème spécifique, le systémicien conçoit le symptôme comme s'inscrivant dans un fonctionnement (le terme de "jeu" est parfois utilisé) collectif, qui implique une remise en question plus générale ("le symptôme n'est pas le problème : c'est le problème (familial) qui crée le symptôme (individuel)", "la famille fut comparée à un système ouvert, à l'état d'équilibre, soumis à des lois de fonctionnement internes très précises, mais susceptible parfois de présenter des problèmes équivalents aux symptômes"). Le risque de jugement, de stigmatisation de la famille, n'est pas éludé : l'auteur et l'autrice sont clair·e·s sur le fait que le risque est réel, et que cette attitude n'est pas souhaitable ("Les thérapeutes familiaux sont parfois accusés d'une fâcheuse tendance à culpabiliser les familles, en particulier les parents, comme si ces derniers étaient implicitement responsables des troubles présentés par leurs enfants. On répondra que responsabilité ne signifie pas pour autant culpabilité, mais recherche de ce en quoi on a été auteur dans un événement. De plus, tous heureusement n'agissent pas ainsi..."), le thérapeute ayant plutôt dans l'idéal un rôle d'éclairage (faire prendre conscience à la famille d'une certaine dynamique, et de l'existence d'autres fonctionnements valides) que de prescription ("le thérapeute n'a pas à préjuger d'un éventuel "bon chemin" que la famille aurait à prendre ; il doit révéler aux membres de la famille les compétences qu'ils possèdent -et méconnaissent- pour sortir d'une crise, d'une impasse, ou d'un jeu relationnel très inconfortable").

 Comme précisé plus haut, au delà de la spécificité de la thérapie systémique toutes méthodes confondues, ce terme concerne des modèles théoriques, des applications, riches et variés, et ce livre ne suffit bien entendu en aucun cas, même si on l'apprend par cœur, à en maîtriser toutes les subtilités, mais tout juste à savoir que ces subtilités existent ("il faut d'abord apprendre de cet immense espace de travail et d'élaboration dont résultent ces modèles : ils sont destinés à nous faciliter les choses, à nous ouvrir des chemins de raisonnement thérapeutique, à nous intéresser à leur diversité"). Le contenu reste rigoureux et ne peut jamais être taxé de superficiel, au point qu'il intéressera probablement plus, malgré les efforts de pédagogie de l'auteur et de l'autrice (résumé de chaque partie, lexique, présentation des grands noms... il ne manquait plus qu'une bibliographie conseillée et c'était parfait!), quelqu'un qui est plus familier avec la systémique (pour approfondir, avoir un aide-mémoire, ...) que quelqu'un qui voudrait découvrir de quoi il s'agit.

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