En tant qu'étudiant en
psychologie et fan de sports de combats, inutile de dire que j'ai été
intrigué en entendant parler de psychoboxe... Si la psychologie
clinique comme la boxe sont certes basées sur le contact humain, ce
n'est pas dans le même sens du terme, et il n'est pas tout à fait
intuitif d'associer les deux. L'exigence d'un tel concept m'est
d'autant plus apparente que l'époque (très) lointaine où je
pratiquais régulièrement m'a permis de constater que l'idée du ou de la
pratiquant·e qui s'élève nécessairement vers la sagesse à travers
la discipline et la sublimation de la violence tient plutôt du
sophisme, que ce soit dans les sports de combat (***tousse tousse***Jon Jones***tousse tousse***) ou dans les arts martiaux
traditionnels.
L'auteur ne satisfait toutefois pas la curiosité
des lecteur·ice·s tout de suite, et commence par planter le décor, plus
précisément le décor de son exercice, dans sa jeunesse, dans la
banlieue strasbourgeoise, recruté par les services sociaux. La
violence à laquelle il était alors confronté dépassait de loin
les coups échangés avec des gants de boxe : couteaux et fusils
étaient souvent sortis, le cycle de la violence difficile à briser
car les agressions déclenchaient le plus souvent une vengeance
(serait-ce par prévention, pour ne pas apparaître comme une cible
commode), et l'auteur lui-même a réchappé à plusieurs reprises à
des attaques dans lesquelles il aurait pu perdre la vie, les
professionnel·le·s n'étant pas particulièrement épargné·e·s. L'urgence
tant d'agir que d'agir autrement se fait donc clairement sentir dans
les premières pages du livre.
Le dispositif de la psychoboxe (du moins dans sa
pratique directement clinique : il existe aussi une psychoboxe
éducative, ou encore adaptée aux professionnel·le·s exposé·e·s à la
violence) consiste en un assaut entre le·a clinicien·ne et le·a patient·e,
dans les règles de la boxe française (donc on utilise les poings et
les pieds, mais le corps à corps ne fait pas partie intégrante du
combat comme par exemple en boxe thaï, et il existe quelques règles
contre-intuitives comme ne pas donner de coups de pied avec le tibia
ou encore ne pas attraper la jambe), sous l'œil d'un·e observateur·ice qui est
aussi clinicien·ne, suivi d'un débriefing sur ce qui s'est passé. Si
le déroulement est donc l'inverse d'une séance normale de sports de
combat (où on commence par apprendre la technique avant de démarrer
les assauts), patient·e et clinicien·ne se mettent d'accord au préalable
sur l'intensité de l'assaut (sachant que les coups ne sont jamais
portés à force réelle) et sa durée, et le·a patient·e a la liberté
de demander l'arrêt du combat à tout moment.
Les vignettes cliniques permettent de constater que
de nombreux enjeux apparaissent dans cet échange strictement cadré :
attaquer, se défendre, ce n'est pas anodin sur le plan psychique, en
particulier pour une personne qui a subi des violences (d'autant que
lorsque les coups sont portés par une figure d'autorité -parent...
ou encore éducateur·ice ou enseignant·e-, il n'est pas toujours recommandé
de riposter). On peut ajouter à ces enjeux le fait de devoir
soutenir le regard de l'adversaire (c'est un peu plus pratique pour
voir venir les coups ou frapper dans la bonne direction), le fait que
le combat ait lieu dans un cadre protecteur (certain·e·s patient·e·s
habitué·e·s du combat de rue, assez endurci·e·s pour ne plus sentir les
coups, étaient par exemple très perturbés par la "douceur" des
attaques), l'implication physique très directe du ou de la thérapeute (tout
psychanalyste qu'il est, l'auteur ne recommande à aucun moment
l'attention flottante freudienne!), ... La verbalisation de ce qui est
d'abord passé par un ressenti physique, l'idée qu'on peut attaquer
et se faire attaquer sans qu'il y ait destruction du ou de la perdant·e, est
généralement, sur plusieurs séances, la source du progrès, pour
des patient·e·s ayant un vécu particulièrement difficile. Bon, il y a
aussi le cas de ce jeune, adressé à l'auteur en désespoir de
cause, qui a pris le train avec une éducatrice pour la lointaine
banlieue strasbourgeoise... et qui allait mieux avant même d'enfiler
des gants car il avait pu parler pendant le trajet, mais ce n'est
peut-être pas le plus représentatif.
Si le livre contient parfois des développements
psychanalytiques complexes, les enjeux et modalités de la psychoboxe
sont clairement expliqués, et cette thérapie, que l'auteur
rapproche du psychodrame, paraît bien moins fantaisiste à la fin
de la lecture qu'elle ne pouvait le sembler au début. C'est aussi un
éclairage sur un pan du psychisme qui est peu exploré.
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