Comme le suggère très
fortement le titre, et peut-être aussi le fait que le livre fasse
partie de la collection "Idées reçues", il va être question des
idées reçues sur la schizophrénie. L'ouvrage est ainsi organisé
par idée reçue (certaines desdites idées reçues s'avérant
justifiées), allant des incontournables ("La schizophrénie, c'est
le dédoublement de la personnalité", "les schizophrènes sont
dangereux", "c'est la famille qu'il faut soigner, pas le
schizophrène", …) à des questions bien plus pratiques, qui
concerneront peut-être plutôt les patient·e·s et les proches ("les
schizophrènes meurent jeunes", "les schizophrènes doivent prendre
des médicaments à vie", "la psychanalyse n'est pas bonne pour les
schizophrènes", "la schizophrénie, on n'en sort pas", …) en
passant par des questions plus générales, sortant du cadre strict
de la psychiatrie ("ce sont les autres qui sont malades", "il y a
des pays où l'on ne trouve pas de schizophrènes"), …
L'intérêt du livre va au delà des généralités,
puisque les réponses sont détaillées et, bien que chaque réponse
soit plutôt brève (quelques pages), on apprend plus de choses que
si le développement avait simplement pour but de justifier un "oui"
ou un "non". Par exemple, les schizophrènes ne sont pas les seul·e·s
à entendre des voix, mais les voix entendues par les schizophrènes
concerné·e·s ont la spécificité d'être agressives et
dévalorisantes. La psychanalyse peut avoir un certain intérêt, et
certains concepts précis de psychanalyse aident à mieux comprendre
la schizophrénie, mais les interprétations œdipiennes sont
dangereuses car le·a patient·e ne fera pas nécessairement la différence
entre le père réel et le père métaphorique. Sous forme de
questions-réponses, c'est donc finalement une description plutôt
détaillée de la schizophrénie qui est fournie aux lecteur·ice·s. Les
zones d'ombre ne sont par ailleurs pas cachées (divers facteurs de
risque sont établis mais il est difficile à l'heure actuelle
d'arbitrer précisément sur les causes de la maladie, on sait que
les schizophrènes consomment souvent alcool et/ou cannabis mais il
n'est pas encore déterminé si c'est la schizophrénie qui pousse
vers la consommation ou la consommation qui précipite la
schizophrénie, …), et les auteurs enlèvent leur blouse blanche
pour s'en prendre à des orientations politiques quand ça leur
semble pertinent ("se font cruellement sentir les effets d'une crise
économique qui n'en finit pas et d'une politique sanitaire orientée
vers la réduction du nombre de lits sans que n'ait été développée
pour autant l'offre de soins ambulatoire", "en 2001, une personne
sur deux pensait que les schizophrènes étaient dangereux pour les
autres. Cette opinion n'a malheureusement fait que se renforcer dans
une France devenue obsédée par la sécurité, une France à
l'insulte et à la gâchette rapide faisant des schizophrènes de
parfaits boucs émissaires").
Peut-être pour mieux mettre en valeur ses autres
qualités, le livre a toutefois un gros défaut : les
informations, pourtant nombreuses, ne sont pas sourcées. Le·a lecteur·ice
n'aura pas plus d'opportunité de savoir d'où les auteurs sortent
leurs chiffres que de trouver une photo nette du yéti. A peine
aura-t-on parfois le privilège de savoir que telle information vient
d' "une étude", voire "une revue récente" ou "une enquête
effectuée en 1998 à Hong-Kong" quand les auteurs sont
particulièrement intarissables. Si le contenu du livre leur donne
plutôt de la crédibilité, ça reste problématique d'être ainsi
contraint de les croire sur parole. Le livre a toutefois le mérite de fournir de façon succincte et claire un contenu nuancé,
et le rangement par "idée reçue" permet de retrouver rapidement
un élément précis. Des livres et sites Internet sont même proposés
à la fin, après le lexique, pour qui voudrait approfondir. Ce livre
est donc à recommander pour les patient·e·s (en particulier ceux et celles qui seraient un peu lassé·e·s de répondre 350 fois aux mêmes questions) et leurs
proches, aux étudiant·e·s, aux soignant·e·s non spécialisé·e·s, voire aux
enseignant·e·s qui voudraient organiser le contenu d'un cours ou aux
personnes qui ne connaissent aucun·e patient·e mais en ont marre d'être
régulièrement exposées aux idées reçues en question.
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