Dans une entreprise de définition géante de la psychologie clinique, 40 textes fondateurs sont commentés, de 1949 à 2013, des travaux de Lagache et Favez-Boutonnier pour délimiter et mettre en avant cette discipline à certains espaces spécifiques (clinique du travail, criminologie, ethnopsychiatrie, ...). On s'en rend vite compte : lesdits textes ne figurent pas dans le livre (je m'attendais à des extraits d'une page ou deux, le·a lecteur·ice se verra au mieux gratifié·e d'un court paragraphe), ce qui est annonciateur de démarches de recherches laborieuses pour les perfectionnistes qui voudraient savoir précisément ce qui est commenté. Dans chaque cas, il y aura contextualisation, puis commentaire du contenu lui-même et des enjeux.
A la fois objet d'étude (le texte fondateur de Lagache, si je ne me trompe pas, était lié à la création de la psychologie comme discipline universitaire... le titre de psychologue, quant à lui, a du attendre 1985 pour être réglementé), pratique thérapeutique, espace de recherche et de création de savoirs, inutile de dire que les enjeux sont nombreux, alors même que l'identité propre de la psychologie clinique ne va pas de soi. Entre la psychanalyse, la médecine, la philosophie, la psychologie différentielle, c'est loin d'être évident, et surtout loin d'être unanime, de définir ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas (c'est particulièrement présent dans le rapport au diagnostic par exemple, mais j'ai aussi appris dans le livre que Lacan était favorable à exclure strictement la psychanalyse de la psychologie clinique). Les débats sont largement documentés mais, de façon extrêmement surprenante, la diversité des méthodes thérapeutiques, grande richesse de la psychologie clinique, n'est... même pas évoquée! Psychologie systémique, humaniste (bon, j'exagère, un chapitre est consacré à Rogers, mais ce sera tout), TCC, états modifiés de conscience, psychologie positive, ce sera comme si ça n'existait pas : le point de vue sera celui de la psychanalyse, dans sa diversité, certes, et il y a de quoi faire, mais ça reste une limite extrêmement arbitraire, avec souvent en filigrane (voire pas du tout en filigrane) une posture de supériorité pour le moins exagérée : je ne compte pas les affirmations du type "les approches expérimentales croient que le psychisme se limite à l'observable ptdr" (dans le même livre, Widlöcher est cité disant "Le chercheur ne croit en rien. Il sait que toute assertion n'est qu'une vue partielle et temporaire du monde", mais OSEF, je suppose), les limites observées et les emprunts sont autant d'occasions de s'extasier devant la capacité de la discipline à se remettre en question (ce qui est dans une certaine mesure contredit par la démarche même du livre, qui occulte l'existence de tant d'autres approches)... Un sommet est atteint avec la phrase "la psychanalyse est toujours en avance sur la psychologie expérimentale parce qu'elle découvre et n'ambitionne pas de faire la preuve (au sens expérimental) de ce qu'elle avance"... je suppose donc que si j'affirme que les planètes sont tractées par des licornes invisibles, je suis en avance sur l'astrophysique.
L'essentiel du livre est plus nuancé, et la création d'espaces de dialogue (mais, encore une fois, d'espaces de dialogue avec la psychanalyse, il faut croire que le reste est moins important, tant pis si le titre du livre mentionne "psychologie clinique") avec les travaux de Piaget, la théorie de l'attachement, les tests (psychométriques et projectifs), la psychiatrie, sont documentés de façon intéressante. Reste le parti pris de faire semblant de croire que la psy clinique s'articule autour de la discipline centenaire qu'est la psychanalyse, ce qui est pour le moins douteux dans un ouvrage paru en 2014, et qui le reste même si ledit ouvrage rend compte des nombreuses modernisations proactives de la psychanalyse au cours de son existence.
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