Marshall Rosenberg, créateur de la Communication Non Violente, focalise ici sur l'aspect qui concerne la gestion de la colère. S'il n'encourage pas à l'utiliser de la manière qui est, de façon assez consensuelle, la plus intuitive ("tuer des gens, c'est trop superficiel"), ou du moins de ne le faire que dans un premier temps (écouter l'envie de tuer des gens, pas être violent pour de vrai, ça même dans un premier temps il n'invite pas à le faire!), il déplore que ce sentiment soit souvent un tabou, et va jusqu'à dire que ce tabou est aussi une injonction à supporter des violences ("quand on apprend aux autres que la colère doit être évitée, ça peut être utilisé pour opprimer des gens en les amenant à tolérer tout ce qui leur arrive").
La colère est un signal d'alarme qui indique qu'on n'est pas connecté·e à ses besoins. Pour sortir d'une conflictualité qui est contreproductive (une concession obtenue sous la contrainte risque d'être moins stable dans le temps, sans compter les dégâts sur la relation) en plus d'être moyennement agréable, Rosenberg propose plusieurs étapes qui conformément à l'ensemble de la CNV sont faciles à comprendre, beaucoup moins à mettre en œuvre en particulier en direct. Le postulat principal de Rosenberg est que ce qui déclenche la colère n'est pas l'action de l'autre personne, ni même les besoins auxquels une obstruction est faite (ce qui peut en soi déclencher bien des émotions, mais pas de la colère), ni, encore plus surprenant, l'interprétation qu'on fait des motivations de la personne qui nous énerve, mais les conclusions qu'on tire sur sa personnalité ou ses intentions à partir de cette interprétation. Rien que dans ce postulat, une distinction est faite entre sentiments, besoins, faits et interprétation, tri qui reconnaissons-le n'est pas systématiquement fait dans le feu de l'action. Ce tri constitue d'ailleurs les trois premières étapes (sur quatre!) de la proposition de Rosenberg, soit 75% du travail. Pour les deux premières, prendre conscience que le déclencheur de la colère n'est pas sa cause directe, puis que la colère naît d'une interprétation particulière de ce qui vient de se passer. La troisième étape, qui peut prendre un certain temps, consiste à identifier la vraie racine de la colère, la colère étant l'expression mal dirigée d'un besoin ("quand on n'est pas directement connecté à notre besoin, on passe à une étape plus mentale et on commence à se demander ce qui ne va pas chez ces gens qui ne remplissent pas nos besoins"). Une connexion, hostile, à l'autre remplace une connexion à soi.
C'est après ces trois étapes, internes, que vient le moment de faire un pas vers l'interlocuteur·ice : évoquer le stimulus (qui n'est pas, donc, la cause directe de la colère), dire ce qu'on ressent (ce qui sera a priori fait de façon plus constructive après avoir fait les trois premières étapes), puis parler de notre besoin non rempli et expliquer ce qu'on attend de l'autre (la demande claire est un sujet à part entière, Rosenberg le détaille à d'autres reprises par exemple ici). Dit comme ça, ça peut sembler naïf (oui, je vous vois, ricaner en imaginant cette procédure dans des situations tendues que vous avez vécues), mais l'auteur l'a testé dans de nombreuses situations, et a même réussi, à travers un jeu de rôles retranscrit dans le livre, à convaincre un prisonnier qui pourtant n'attendait sa libération que pour se venger. Si le livre est extrêmement court, au point que c'est presque litigieux de parler de livre (50 pages... dont une bonne partie consacrée à de la pub pour des institutions ou des livres de CNV), les exemples sont nombreux, avec des solutions pour surmonter les difficultés les plus évidentes. Reste à passer, c'est plus délicat, à la pratique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire