dimanche 23 avril 2023

Deuil et mélancolie, de Sigmund Freud

 


 Ce texte, dont la rédaction s'est étalée sur deux ans environ (nourrie d'échanges théoriques avec différents psychanalystes), a été publié en 1917, donc pendant la période de la 1ère Guerre Mondiale où la question de la perte et du deuil était pour le moins immédiate! L'édition proposée par Payot et Rivages, en plus d'une riche introduction de Laurie Laufer, complète l'article par un texte de Karl Abraham (Perte, deuil et introjection) qui prolonge certaines réflexions et appelle à compléter les vides théoriques encore présents.

 Freud observe qu'alors que la douleur de l'endeuillé·e n'est pas questionnée, celle de la personne mélancolique intrigue et est perçue comme pathologique, alors qu'elles ont des aspects très semblables (en particulier le fait qu'elles ont une temporalité marquée, un début clair et une fin attendue). Il attribue cette perception au fait que le deuil concerne un objet bien identifié et identifiable, ce qui n'est pas le cas de la mélancolie. La forte tendance au dénigrement de soi des personnes mélancoliques guide Freud vers l'objet en question : ledit dénigrement est causé par une colère, inconsciente, dirigée vers soi mais constituée d'une colère réellement destinée à une autre personne, le plus souvent d'une personne qui a été aimée à la hauteur de la colère qui en résulte. Freud observe également que la perte, lorsqu'elle est souhaitée (guérison, libération d'une difficulté financière, ...), peut au contraire conduire à un état maniaque. Ces questionnements le mènent à affiner sa compréhension de la structure du psychisme, mais là on entre dans un domaine que je ne maîtrise pas suffisamment pour en parler de façon satisfaisante (je pense que si des psychanalystes me lisent iels ont déjà levé les yeux au ciel une fois ou deux devant des simplifications ou raccourcis dans ce paragraphe).

 Abraham s'appuie sur le texte et son expérience clinique pour constater le poids de l'introjection dans la perte. Par exemple, surmonter le deuil, c'est en partie incorporer l'objet de la perte (il donne l'exemple d'un homme devenu grisonnant à la mort de son père qui avait les cheveux blancs, ou d'un homme qui, ayant cessé de s'alimenter après le décès de son épouse enceinte et de l'enfant porté, a rêvé qu'il la mangeait après avoir retrouvé l'appétit).

 Au delà de l'enjeu de la compréhension du deuil, dans une grande mesure obsolète plus d'un siècle après, ces deux textes permettent d'assister la construction, tâtonnante, d'une cohérence d'ensemble du psychisme selon la grille de lecture psychanalytique.

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