samedi 15 avril 2023

The Wiley World Handbook of Existential Therapy, supervisé par Emmy Van Deurzen

 


 Les nombreux·se·s auteur·ice·s de ce manuel entreprennent dans ce volume récent (2019) et conséquent, dont des rééditions (mais semble-t-il pas de traductions) sont déjà prévu·e·s, un état des lieux ambitieux mais nécessairement et volontairement subjectif ("nous sommes pleinement conscient·e·s que d'autres auteur·ice·s auraient pu offrir un panorama complètement différent du monde existentialiste").

 Impossible certes de proposer un travail exhaustif, mais les 600 pages sont bien remplies, proposant un historique, une structure théorique, des vignettes cliniques ainsi que des questionnements sur l'avenir (qui peuvent concerner des sujets théoriques, sur la validation scientifique, la formation, le développement institutionnel, l'émergence de problématiques comme la thérapie en ligne, ...) pour différents mouvements, avec un zoom particulier sur la Daseinanalyse (pionnière des thérapies existentielles s'appuyant en grande partie sur la psychanalyse tout en en rejetant certains aspects, qui a l'inconvénient non négligeable d'impliquer de comprendre les écrits peu accessibles d'Heidegger), la thérapie existentialo-phénoménologique, les thérapies existentielles-humanistes et existentielles-intégratives, et la logothérapie et l'Analyse Existentielle, son développement plus axé sur la pratique, très développé en Allemagne et en Autriche mais peu en France, au point que je n'ai pas trouvé le nom français donc pour autant que je le sache ça ne s'appelle pas comme ça (voire pas du tout?) en français. Illustration supplémentaire de la pluralité de la sphère de la thérapie existentielle, les auteur·ice·s précisent que Yalom, sa figure probablement la plus célèbre, ne peut pas être strictement situé dans l'un de ces mouvements.

 Une partie spécifique est consacrée aux thérapies de groupe, ce qui peut sembler paradoxal dans la mesure où plusieurs figures emblématiques de la philosophie existentialiste (Kierkegaard, Nietzsche, Schopenhauer, ...) faisaient l'éloge de la solitude et ont pour le moins mis leur vision en pratique dans leur vie. Il y a toutefois aussi des influences théoriques fondamentales venant de figures moins misanthropes, comme Martin Buber. Les auteur·ice·s observent que le groupe a la spécificité de permettre aux thématiques existentielles d'émerger de sujets du quotidien, et des exemples de pratique sont données, de groupes couvrant des thématiques très spécifiques (cancer du sein, traumatisme, ...) ou encore des supervisions de thérapeutes. Un juste hommage (en toute objectivité) est rendu aux apports théoriques et pratiques de Carl Rogers. Une autre partie couvre le développement des thérapies existentialistes dans différentes régions du monde, avec par exemple la spécificité de la Russie et plus généralement du bloc Est de la guerre froide (l'existentialisme a connu un essor explosif mais très récent par exemple en Lithuanie) où la dictature stalinienne a longtemps empêché de façon autoritaire (pléonasme) tout espace pour ces réflexions, bien que le travail de certains auteurs russes (en particulier Tolstoi, Dostoievski, Bakhtin, Rubinstein et Mamardashvili) nourrisse les questionnements existentialistes. La France, de son côté, s'est plus illustrée par la théorie (Sartre, Derrida) que par la pratique.

 Entre le volume, la densité, la quantité de références, et l'énergie communicatrice des auteur·ice·s (ça a d'ailleurs été l'occasion pour moi de découvrir qu'Emmy Van Deurzen avait une chaîne YouTube), il y a donc largement de quoi s'occuper, que ce soit pour découvrir ou aller (beaucoup) plus loin.

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