lundi 21 août 2023

Why people obey the law, de Tom Tyler


 

  La loi a la spécificité d'être importante, mais décorative si elle n'est pas appliquée. Les premiers outils qui viennent à l'esprit pour s'assurer de ladite application sont la police et les tribunaux, soit des outils de contrainte. Pourtant, l'auteur le rappelle plusieurs fois, si la peur du gendarme (pour le coup au sens propre) était la seule raison, voire la raison principale, pour que les lois soient respectées, le budget de maintien de l'ordre serait astronomique. Par ailleurs, de nombreuses règles sont respectées au quotidien alors qu'il n'y a aucun risque de sanction, comme le tri des déchets, qui est probablement bien mieux observé que l'interdiction du téléchargement illégal.

 Une deuxième conception que l'auteur, dans ce livre extrêmement technique (le public visé est probablement les étudiant·e·s en psychologie social de niveau au moins Master, en tout cas je suis assez convaincu que je ne suis pas dedans) constitué de commentaires détaillés de recherches scientifiques (en particulier une majeure sur des habitant·e·s de Chicago), relativise énormément, est celle de l'humain absolument rationnel qui réfléchit en termes de pertes et gains. Certains résultats questionnent sérieusement la rationalité (dans une enquête auprès de personnes interpellées par la police dans la rue, la plupart estimaient par exemple que les policier·ère·s avaient été impoli·e·s, ne les avaient pas écouté·e·s, et autres résultats semblables, mais estimaient que les agents avaient fait leur travail de façon satisfaisante... une étude semblable rapporte des résultats eux aussi a priori contradictoires entre une estimation basse de l'impartialité des tribunaux et une certitude élevée d'être traité·e de façon impartiale), mais surtout, un élément marquant des résultats obtenus est que la confiance dans les autorités supérieures (législation, procédure judiciaire, ...) dépend plus de la perception des processus que de celle des résultats! En d'autres termes, les personnes interrogées (dans divers contextes et avec des méthodologies différentes) ont plus confiance dans des institutions qui seront à l'origine d'un résultat défavorable mais juste que celles qui les fera bénéficier d'un résultat favorable mais injuste.

 La question des minorités particulièrement exposées aux discriminations policières et judiciaires a été explorée intensément entre deux éditions du livre (des chercheur·se·s ont tenu à vérifier de près la faible influence de ce critère sur les résultats qui se dégageaient dans la première édition), et les résultats ont été confirmés : ces critères sont les mêmes, pour autant que ça a pu être vérifié, que les personnes soient effectivement traitées de façon juste ou non.

 Je simplifie bien sûr énormément (en grande partie parce que j'aurais bien du mal à faire autrement!), mais ces résultats sont assez stables et répétés pour que l'auteur les rappelle à plusieurs reprises. Par contre, si un commentaire plutôt riche (tout en me paraissant particulièrement à l'Ouest sur le sujet du terrorisme, mais c'est une petite partie) a été ajouté dans la deuxième édition, je ne peux que regretter qu'un troisième n'ait pas été ajouté pour commenter le vécu des mesures de protection contre le Covid, qui ont propulsé la question du consentement à la loi de façon très explosive dans le débat public et sur lesquelles l'auteur a probablement énormément de choses à observer et à dire.

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