jeudi 30 octobre 2025

Histoires insolites de la psychiatrie, de Cyrielle Richard


 D'Hippocrate à un colloque de 2005 sur le thème "Femmes handicapées, la vie devant elles" co-organisé par Maudy Piot et parrainé par Simone Veil, d'une serial-killeuse italienne dans les années 40 aux propositions institutionnelles pour la scolarité des enfants handicapés en France et au Canada (la France est fermement critiquée!) en passant par les troubles psychiatriques d'hommes d'état à travers l'histoire, ce livre fait voyager dans de nombreux espaces très différents (au point qu'un sommaire alternatif est proposé pour ceux et celles qui voudraient visiter l'ouvrage différemment) et les spectateur·ice·s de Doctor Who auront probablement l'impression d'entendre l'inoubliable bruitage du TARDIS (un vaisseau qui permet de voyager dans l'espace et dans le temps et qui a la spécificité de ressembler à une cabine téléphonique britannique) entre les chapitres.

 Derrière l'aspect "curiosité" rendu ostensible, il y a un travail de fond conséquent pour chaque chapitre, et souvent un enjeu. Les symptômes observables de Louis II de Bavière sont détaillés et, comme pour chaque personnalité du passé, croisés avec les connaissances actuelles en psychopathologie, mais c'est aussi une opportunité de s'attarder sur une situation où des juristes sont mobilisés par des personnes qui ont tout intérêt à ce que la personne concernée ne soit pas jugée autonome et capable de discernement. L'infanticide multiple d'Andrea Yates, au delà du fait divers macabre, est une situation où se mêlent certes des symptômes délirants, mais aussi l'influence d'un mouvement sectaire et un patriarcat exacerbé par le fondamentalisme religieux : malgré les nombreuses alertes (et les moyens de son époux qui permettaient largement de recruter de l'aide), Andrea Yates est livrée à elle-même et son mari n'estimera jamais avoir des responsabilités dans l'évènement. Le militantisme controversé d'Antoinette Fouque (féministe du courant différentialiste jugé conservateur) et celui très contemporain de Maudy Piot permettent de parler des conflits de vision dans le militantisme et d'antivalidisme militant. 

 Militant, le livre l'est, derrière l'impression de légèreté que peut donner la couverture (au sens propre, l'ouvrage de 550 pages ne l'est pas particulièrement, léger), et dénonce la violence psychiatrique du passé et contemporaine, souvent articulée par ailleurs à des discriminations de classe, de race, de genre, ... Le message est particulièrement explicite dans la toute petite page de conclusion : "les troubles psychiques sont d'abord des produits de l'environnement et du contexte dans lequel ils apparaissent, "les préjugés sur les troubles psychiques ont probablement tué davantage de personnes que les maladies elles-mêmes. Ils sont responsables du refus de soins, de la conception et de l'administration de traitements inadaptés, voire dangereux, d'enfermements abusifs et de façon générale de privations de droits."

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