Les auteur·ice·s, dans le
cadre du Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue
française, se penchent sur le sujet qui, bien qu'essentiel, est par nature trop
souvent invisible, de l'exclusion et de la précarité. Si les
auteur·ice·s sont pour la plupart des médecins, l'aspect politique du
sujet est bien présent, la mécanique d'exclusion étant par
définition peu dissociable, même si le contraire rendrait les
choses plus simples ("voici une tendance forte des pouvoirs,
quels qu'ils soient : demander à la médecine de soigner un mal
social en rapport avec une causalité connue et méconnue sans rien
vouloir changer dans le fond"), d'une société qui inclut
certains individus et en exclut d'autres.
Cette articulation met en difficulté les soignant·e·s-même. Par exemple, si les personnes sans domicile fixe sont
plus souvent alcooliques, ou schizophrènes, que la population
générale, est-ce parce que la précarité les provoque ou parce que
ces pathologies précipitent plus facilement vers la précarité?
Dans une problématique voisine, un psychiatre explique qu'il a
parfois dû rappeler, dans le cadre d'une demande d'hospitalisation
sans consentement, la différence entre psychopathologie et ordre
public : un comportement qui préoccupe les forces de l'ordre ne
justifie pas nécessairement un séjour contraint en hôpital
psychiatrique. On pourrait aussi évoquer le cas de cette demandeuse
d'asile, pour laquelle les soins ont surtout consisté à attester,
par certificat médical, de la réalité et de la gravité de son
traumatisme : si la raison du traumatisme était bien distincte
du risque d'expulsion beaucoup trop concret, une situation plus stable
était un préalable indispensable à la guérison.
Le contexte fait aussi que le sujet de la demande
est particulièrement complexe. Jean Furtos parle d'ailleurs de
syndrome d'auto-exclusion, quand la personne, par anticipation d'un
éventuel rejet, se coupe elle-même de toute stabilité familiale,
professionnelle, … Michel Bon insiste pour rencontrer l'exclu·e là
où il ou elle vit, après avoir été présenté par ses interlocuteur·ice·s
habituel·le·s, et d'accepter une éventuelle réaction initiale de rejet,
Sylvie Tordjman dans sa propre intervention dit elle aussi que le
fait de pouvoir intervenir de façon mobile, de laisser le·a patient·e
choisir où la rencontre aura lieu, peut avoir une grande influence
positive, d'autres proposent de contourner la réticence
en émettant une demande en tant que soignant·e ("je veux vous
aider car vous êtes important"), Olivier Douville évoque une
personne qui est aller le chercher à son cabinet pour partir sans un
mot, dans le but de se faire suivre pour guider le soignant vers une
personne qui avait besoin d'aide en urgence, …
Les situations de précarité présentées sont
diverses (pauvreté, migration, prostitution, syndrome de Diogène,
…), les dispositifs soignants aussi, et il va de soi que la
difficulté n'est pas niée (vignettes cliniques sans visibilité sur
la résolution parce que la thérapie a été interrompue
brusquement, retours soudains et inattendus vers la précarité après
une amélioration rapide, qu'il conviendra de comprendre voire
d'anticiper, …). Certaines interventions sont assez techniques et
seront lues avec plus de confort par quelqu'un qui a de bonnes
connaissances en psychanalyse. Le livre a en tout cas le mérite
d'explorer un pan de la clinique qui ne l'est probablement pas assez,
et de compenser la brièveté des interventions en donnant des éléments
pour approfondir.
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