Eduquer est un
"métier impossible" selon Freud : c'est une des
rares affirmations du fondateur de la psychanalyse qui, sauf erreur
de ma part, n'a pas été contredite! C'est difficilement contestable
pour l'enseignant·e, mais ça l'est encore encore moins pour les parents... même
dans les meilleures conditions, l'éducation parfaite n'existe pas.
Qu'en est-il lorsque le parent doit, en plus, faire face à des
souffrances parfois écrasantes? Lorsque l'enfant est confronté aux
délires, aux troubles de l'humeur, d'un parent
dépressif, alcoolique, schizophrène? Aux regards de la société,
voire de la famille, qui n'est pas nécessairement imperméable aux
jugements de valeur et aux stéréotypes? Quels impacts négatifs,
quels développements de ressources les soignant·e·s ont pu
constater? Y a-t-il des conseils particuliers à donner aux parents
concernés? Ces questions sont rarement traitées en tant que telles,
même si elles peuvent l'être indirectement lorsqu'on se préoccupe
du développement de l'enfant en général, ou lorsque dans la
recherche de connaissances sur une pathologie en particulier on
s'intéresse à son impact sur la parentalité. Hélas, ce livre
n'aidera pas particulièrement à y voir plus clair.
Le livre traite en effet plutôt de la maltraitance
en général, avec des critères qui restent valables que les parents
souffrent d'une pathologie diagnostiquée ou non, ce qui ne répond
pas tout à fait aux questions qu'on se pose quand on cherche à en
savoir plus sur les parents relevant de la psychiatrie n'ayant pas une attitude maltraitante. Certes, quinze maigres pages seront consacrées aux
mères psychotiques (parce que les pères psychotiques, OSEF), et le
syndrome de Münchhausen par procuration et les homicides conjugaux
seront examinés de plus près, mais la sensation de hors-sujet
demeure, d'autant qu'il est bien plus question des parents que des
enfants.
Plus que le hors-sujet, le problème est pourtant
le manque de rigueur, criant (voire hurlant) au fur et à mesure
qu'on tourne les pages. J'avais vaguement tiqué quand l'auteur
affirmait une chose ("le diagnostic psychopathologique stigmatise,
jusqu'à la dénaturer, la relation de l'enfant à son parent",
"loin de donner du sens à ce que ces enfants vivent, ces concepts
déshumanisent la personne du parent") avant d'illustrer l'exact
opposé dans une vignette clinique ("A partir du moment où j'ai
compris le sens du mot schizophrène, comme me l'a expliqué la
psychologue qui me suivait, j'ai commencé à démystifier les peurs
que je ressentais depuis mon enfance", "J'étais comme libérée
d'un poids, celui de l'ignorance"), ou encore quand des termes
porteurs de jugements de valeurs étaient utilisés dans d'autres
vignettes cliniques (une patiente "se met dans tous ses
états", une autre est "très bizarre", un père est
"insupportable", …), mais rien ne m'avait préparé au chapitre
où, sans aucune distance, les parents sont désignés comme
responsables de la schizophrénie de leurs enfants! Le·a lecteur·ice se
voit proposer le choix entre la notion de double lien (message verbal
contradictoire avec le message non-verbal du parent, l'enfant se
voyant reprocher sa réaction quelle qu'elle soit... si la notion est
intéressante et que l'impact négatif sur l'enfant est difficilement
discutable, l'hypothèse du lien avec la schizophrénie est ancienne
et n'a jamais été démontrée) ou, s'il préfère la parodie de
psychanalyse à la parodie de thérapie systémique, le fait que les
parents d'enfants schizophrènes n'inculquent pas assez la différence
des sexes et des générations. L'auteur a pourtant lui-même des
difficultés avec la différence des générations, puisqu'il relaye
en 2015 comme des vérités des hypothèses plutôt anciennes qui
n'ont jamais été confirmées. Il semble en revanche au point sur la
différence des sexes, puisque dans une vignette clinique sur une
situation de violence conjugale il reproche à la mère de ne pas
aller mieux et de se victimiser, voire de mentir, plutôt qu'au père
(certes éloigné par une décision de justice) d'être violent. Il
évoque aussi le Syndrôme d'Aliénation Parentale en omettant de
préciser que le concept n'a aucune légitimité scientifique, a été
écarté par les tribunaux qui se sont penchés spécifiquement sur
la question, et que son utilisation a parfois (voire souvent) pour but de protéger
les auteurs de violences.
Le manque de rigueur général est tel que l'auteur
ne parvient parfois pas à rester cohérent sur l'ensemble d'une
vignette clinique (écrivant au départ qu'un homme a épousé jeune
une femme psychotique "sous la pression de leur (sic) famille
respective" sans savoir qu'elle souffrait d'une pathologie, et se
demandant à la fin "pour quelle motivation réelle a-t-il épousé
une personne malade en connaissance de cause") et que, au-delà de
la paresse dans l'écriture (nombreuses phrases commençant par "n'empêche",
usage très fréquent de guillemets), le tout ne semble même pas
avoir été relu (d'un côté ça peut se comprendre!) puisque des
expressions erronées sont dans le texte imprimé ("permet à
l'enfant de […] trouver certains repérages", "laissé pour
contre", …). On en est presque à se réjouir que le livre ne soit
pas parsemé de fautes d'orthographe!
Vous aurez compris que je ne recommande pas
particulièrement l'ouvrage... en dehors des structures psychiques de
la psychanalyse qui sont assez clairement et brièvement expliquées,
ou l'utilité de l'objet pour une personne de mauvaise foi qui
voudrait faire croire que tous les psychanalystes/systémiciens ont
la même tendance aux affirmations fantaisistes, je vois mal son
utilité : certains éléments pourraient sembler intéressants,
mais comment savoir si on peut les prendre au sérieux? C'est
d'autant plus dommage que l'enjeu du sujet traité est important, et
à ma connaissance peu documenté directement.
Alors finalement, si j'ai bien compris, un bouquin sans intérêt sur un bon sujet avec un titre accrocheur ?
RépondreSupprimerJe trouve le sujet annoncé par le titre intéressant, mais le livre est une telle catastrophe (c'est surréaliste, je crois que je n'ai jamais vu ça) que ce qui est effectivement traité dedans n'a aucune importance
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