Le fait
de parler de rêves dans le titre n’est pas juste là pour sonner bien :
Meriem Salmi, "la psy des champions", accompagne les plus grand·e·s
sportif·ve·s… et au cas où on n’aurait pas
bien compris, la préface est rédigée par Teddy Riner, qui a commencé à
travailler avec elle à l’âge de 14 ans. Et en effet, elle appelle dès
les premières pages le·a lecteur·ice à ne se refuser aucun projet, en
déplorant qu’avoir trop d’assurance, d’ambition,
soit mal vu : parlez de vos rêves, vous trouverez en effet probablement
quelqu’un pour vous rappeler à l’ordre, pour en remettre une couche au
premier échec, alors même que l’échec n’est pas la fin mais une partie
intégrante du chemin (c’est d’ailleurs une
des différences que l’autrice fait entre ambition et prétention : être
prétentieux, c’est s’agacer quand on échoue, comme si ce n’était pas
normal de ne pas savoir tout faire de façon innée). Elle rappelle
pourtant que tout rêve est respectable, que ne pas
chercher à être le·a meilleur·e n’est ni plus ni moins glorieux que de
s’engager dans cette voie : ce qui compte, c’est ce que l’on veut
vraiment, ce qui nous convient profondément. Paradoxalement pour un
livre qui va surtout concerner le monde sportif et
ses exigences de discipline, l’autrice va en effet, régulièrement et
fermement, inviter à envoyer promener la norme, et surtout le regard
normatif des autres, et ce quel que soit le domaine (elle rapporte par
exemple une conversation avec un proche choqué
de son intérêt pour les yachts, un objet tellement bling-bling et
superficiel –pas elle, quand même!-, elle en a rajouté une couche en
répondant qu’elle aimait aussi les bijoux) : la prière de la Gestalt ("I
do my thing and you do your thing") trouve une incarnation
forte. Seules méritent le mépris… les personnes qui sont méprisantes.
Cette
thématique du respect de soi et de l’autre ne concerne pas seulement les
valeurs : elle est aussi liée à la performance. Dans un univers où le
moindre signe de faiblesse peut être mal vu,
l’autrice invite au contraire, pour fonctionner pleinement, à garder en
mémoire que les athlètes sont des êtres humains, et non des robots.
C’est parfois un combat de le rappeler, mais un·e psy a toute sa place
dans la préparation sportive. Sans même parler
d’accompagner le choc des blessures ou tous les repères qui
disparaissent avec la fin de carrière, accepter ses angoisses,
s’écouter, c’est aussi prévenir des blessures, remédier à des baisses de
performance. Accepter la possibilité de la défaite peut paradoxalement
rendre meilleur·e, comme se souvenir que le sport, c’est aussi un jeu. Se
respecter pleinement permet également d’avoir une approche constructive de
l’échec : si tout mettre sur le dos de l’arbitre/du reste de l’équipe/de
la météo, c’est se déresponsabiliser, porter
tout le poids de l’échec, même si c’est moins intuitif, l’est d’une
certaine façon aussi ("Beaucoup pensent : "Je ne veux pas me chercher
d’excuses : si j’ai raté, c’est de ma faute, je suis le seul
responsable." Et ensuite, une fois que l’on s’est dit ça,
on continue à se taper dessus, à se maltraiter. Stop! Là, nous ne
travaillons pas, nous nous enfermons dans un constat médiocre.").
La
dureté du sport de haut niveau, les sacrifices nécessaires ne sont à
aucun moment niés, sont même rappelés régulièrement, serait-ce en filigrane,
mais l’approche, rafraîchissante, invite à s’appuyer
sur des ressources positives (ambition qui n’est pas prétention donc,
mais aussi gratitude, appui sur ses racines, confiance en ses désirs
profonds, écoute de ses émotions –les "cartésiens", du moins ceux qui
estiment que leur approche qu’ils jugent rationnelle
leur permet de regarder les autres de haut, sont souvent raillés-, …).
La formule "ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort" lui évoque les
souffrances terribles qu’elle a observées entre autres dans son
expérience en addictologie, autant dire qu’elle n’est
pas convaincue.
Très
accessible, avec une approche qui rappelle souvent celle de l’ACT (écoute des émotions, recherche de ressources positives, valorisation
des analogies), ce livre est particulièrement agréable
et… inattendu, la performance, la compétition, étant souvent associées à
la violence, envers soi comme envers les autres, et parfois présentées
comme des devoirs presque moraux, une perspective assez fermement
rejetée dans ce livre écrit par une personne qui
fréquente pourtant l’élite au quotidien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire