mardi 11 février 2020

Croire en ses rêves et trouver son chemin, de Meriem Salmi



 Le fait de parler de rêves dans le titre n’est pas juste là pour sonner bien : Meriem Salmi, "la psy des champions", accompagne les plus grand·e·s sportif·ve·s… et au cas où on n’aurait pas bien compris, la préface est rédigée par Teddy Riner, qui a commencé à travailler avec elle à l’âge de 14 ans. Et en effet, elle appelle dès les premières pages le·a lecteur·ice à ne se refuser aucun projet, en déplorant qu’avoir trop d’assurance, d’ambition, soit mal vu : parlez de vos rêves, vous trouverez en effet probablement quelqu’un pour vous rappeler à l’ordre, pour en remettre une couche au premier échec, alors même que l’échec n’est pas la fin mais une partie intégrante du chemin (c’est d’ailleurs une des différences que l’autrice fait entre ambition et prétention : être prétentieux, c’est s’agacer quand on échoue, comme si ce n’était pas normal de ne pas savoir tout faire de façon innée). Elle rappelle pourtant que tout rêve est respectable, que ne pas chercher à être le·a meilleur·e n’est ni plus ni moins glorieux que de s’engager dans cette voie : ce qui compte, c’est ce que l’on veut vraiment, ce qui nous convient profondément. Paradoxalement pour un livre qui va surtout concerner le monde sportif et ses exigences de discipline, l’autrice va en effet, régulièrement et fermement, inviter à envoyer promener la norme, et surtout le regard normatif des autres, et ce quel que soit le domaine (elle rapporte par exemple une conversation avec un proche choqué de son intérêt pour les yachts, un objet tellement bling-bling et superficiel –pas elle, quand même!-, elle en a rajouté une couche en répondant qu’elle aimait aussi les bijoux) : la prière de la Gestalt ("I do my thing and you do your thing") trouve une incarnation forte. Seules méritent le mépris… les personnes qui sont méprisantes.

 Cette thématique du respect de soi et de l’autre ne concerne pas seulement les valeurs : elle est aussi liée à la performance. Dans un univers où le moindre signe de faiblesse peut être mal vu, l’autrice invite au contraire, pour fonctionner pleinement, à garder en mémoire que les athlètes sont des êtres humains, et non des robots. C’est parfois un combat de le rappeler, mais un·e psy a toute sa place dans la préparation sportive. Sans même parler d’accompagner le choc des blessures ou tous les repères qui disparaissent avec la fin de carrière, accepter ses angoisses, s’écouter, c’est aussi prévenir des blessures, remédier à des baisses de performance. Accepter la possibilité de la défaite peut paradoxalement rendre meilleur·e, comme se souvenir que le sport, c’est aussi un jeu. Se respecter pleinement permet également d’avoir une approche constructive de l’échec : si tout mettre sur le dos de l’arbitre/du reste de l’équipe/de la météo, c’est se déresponsabiliser, porter tout le poids de l’échec, même si c’est moins intuitif, l’est d’une certaine façon aussi ("Beaucoup pensent : "Je ne veux pas me chercher d’excuses : si j’ai raté, c’est de ma faute, je suis le seul responsable." Et ensuite, une fois que l’on s’est dit ça, on continue à se taper dessus, à se maltraiter. Stop! Là, nous ne travaillons pas, nous nous enfermons dans un constat médiocre.").

 La dureté du sport de haut niveau, les sacrifices nécessaires ne sont à aucun moment niés, sont même rappelés régulièrement, serait-ce en filigrane, mais l’approche, rafraîchissante, invite à s’appuyer sur des ressources positives (ambition qui n’est pas prétention donc, mais aussi gratitude, appui sur ses racines, confiance en ses désirs profonds, écoute de ses émotions –les "cartésiens", du moins ceux qui estiment que leur approche qu’ils jugent rationnelle leur permet de regarder les autres de haut, sont souvent raillés-, …). La formule "ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort" lui évoque les souffrances terribles qu’elle a observées entre autres dans son expérience en addictologie, autant dire qu’elle n’est pas convaincue.

 Très accessible, avec une approche qui rappelle souvent celle de l’ACT (écoute des émotions, recherche de ressources positives, valorisation des analogies), ce livre est particulièrement agréable et… inattendu, la performance, la compétition, étant souvent associées à la violence, envers soi comme envers les autres, et parfois présentées comme des devoirs presque moraux, une perspective assez fermement rejetée dans ce livre écrit par une personne qui fréquente pourtant l’élite au quotidien.



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