Clara a un travail et même deux (écrivaine, et attachée de presse à mi-temps avec un responsable dont certains comportements flirtent avec le harcèlement moral), des ami·e·s proches et soutenant·e·s... pas tout à fait l'image qui peut venir à l'esprit spontanément pour se représenter une personne dépressive.
Et, pourtant, Clara disparaît... Elle disparaît pour cacher la crise de larmes qui vient d'un coup, elle disparaît quand elle ne répond pas aux appels ni aux SMS de ses ami·e·s qui s'inquiètent de ne plus la voir... surtout qu'iels ont peur qu'elle ne disparaisse pour de bon, alors que pour elle, c'est clair, si elle a parfois des pensées suicidaires, il n'est pas question de passage à l'acte ("j'ai jamais été "au bord du gouffre". Genre. Je le vois au loin"). Disparaissent aussi dans ces moments là les messages de réponse qu'elle commence à écrire, puis efface avant de les envoyer. Ses émotions, même, finissent par disparaître, quand le problème n'est plus d'être triste mais de ne plus être capable de ressentir la tristesse. Et elle disparaît en tant que victime de violences sexuelles : après avoir tenté de faire disparaître le souvenir (avec succès, pendant un an), elle disparaît de la vie de son agresseur, impuni, alors qu'elle-même souffre tellement, des années après ("Depuis SEPT ans, y a pas un jour, pas une heure où je n'ai pas pensé à ce qui est arrivé. Et lui, il y pense à ce qu'il m'a fait? Ou il a rangé ça dans un coin de sa tête? Il continue sa vie, sans embûches, sans répercussions. Il m'a détruite et il a le droit de vivre une vie heureuse.")
Ce voyage avec Clara permet aussi de mettre en lumière quelques éléments, comme les signaux chez l'autre qu'une personne qui souffre sait repérer, et les conseils pertinents que peut donner quelqu'un qui est passé par là, ou encore les difficultés d'accès à des soins de qualité (5 à 7 mois d'attente pour un service de psychothérapie, 125$ de l'heure pour une thérapeute spécialisée -"Ah bah nickel! J'imagine que je dois choisir entre ça ou manger, alors!", recherche sur Internet avec des avis très contradictoires pour savoir si prendre des antidépresseurs serait pertinent, ...) ou le fait que, même pour réconforter, même si c'est un·e proche, on ne touche pas quelqu'un qui fait une crise sans demander avant.
La bande-dessinée se lit bien, et contient probablement des subtilités qui sont plus saillantes au bout de plusieurs lectures. Elle permet aussi de réfuter un certain nombre de clichés sur la dépression, et la façon dont elle peut être vécue par les personnes concernées et par l'entourage... en particulier le fait que cette maladie puisse être invisible!
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