lundi 22 mars 2021

It's my life now, de Meg Kennedy Dugan et Roger R. Hock

 


 Ce livre très complet, recommandé par Lundy Bancroft, prépare aux épreuves de la vie après une relation abusive, et est adressé avant tout aux personnes concernées. En effet, si partir est, pour de multiples raisons, extrêmement difficile, l'enfer ne prend pas fin, comme on pourrait le penser (et l'espérer!), dès la séparation. La violence laisse des traces, et les contraintes sont aussi bien physiques, matérielles (isolement, précarité financière, risque de représailles bien réel) que psychiques ("On ne cherche pas à "se remettre d'une rupture", on cherche à guérir de la peste!"). Ce livre, sans sombrer une seconde dans l'angélisme (les difficultés sont prises très au sérieux), garde une tonalité optimiste, et s'attaque en particulier à la confusion et l'autodénigrement souvent causés par le vécu de violences.

 Le livre accorde beaucoup d'importance à l'accessibilité (enfin, à la condition de maîtriser l'anglais) et l'action : les chapitres, introduits par les idées reçues effectivement répandues mais souvent culpabilisantes sur le sujet, sont brefs, et suivis d'une partie consacrée à l'auto-exploration pour que le·a lecteur·ice puisse au mieux adapter le contenu à sa propre situation. Certains sont particulièrement incontournables (assurer au mieux sa sécurité physique, comprendre les spécificités d'une relation abusive, protéger les enfants dans la mesure du possible, évaluer le besoin éventuel d'un·e thérapeute professionnel·le, ...), d'autres peut-être plus inattendus mais tout aussi indispensables (la sexualité dans une relation abusive, les relations abusives pour les personnes LGBT+ ou quand un homme est victime d'une femme, comment gérer les sentiments amoureux qui persistent ou même l'envie de revenir, ...). Le dernier, "Aimer de nouveau", fournit les éléments pour s'assurer au mieux que la nouvelle relation sera saine (si le·a partenaire demande de l'attention H24 et de l'engagement très vite et le prend mal quand des limites sont posées, s'iel est jaloux·se et vous surveille beaucoup, a tendance à être très critique de ce qu'iel estime être des défauts, méfiance...), mais invite aussi à ne s'engager dans une nouvelle relation que quand on en a l'envie et la sensation d'avoir les ressources pour.

 Au moment de la rupture, tout un nouveau fonctionnement interne est à mettre en place. Les proches ne sont pas toujours compréhensif·ve·s, d'autant que les agresseur·se·s savent donner le change, et l'hyperadaptation qui a été nécessaire pour tenir n'est plus utile, ce qui laisse la place, très brusquement,  à toutes les pensées, émotions, qui ont été bloquées. C'est aussi à ce moment là, quand une certaine sécurité est atteinte, que les effets traumatiques peuvent se faire sentir. La relation abusive étant centrée sur le contrôle, l'agresseur·se peut en plus s'emparer du moindre espace laissé par cette confusion pour regagner du territoire (menaces explicites ou implicites, ou encore entretien de la confusion -est-ce qu'il n'y a pas une co-responsabilité, après tout? et puis, est-ce que l'aspect abusif n'a pas été exagéré?- ou promesses de changement). Accueillir les émotions, retrouver l'estime de soi, prend du temps, et l'écriture à la fois sérieuse et optimiste aide à l'accepter tout en donnant des conseils concrets (identifier d'où vient cette voix qui nous dénigre, trouver un espace pour exprimer pleinement sa colère en toute sécurité, consulter un professionnel en cas d'idées suicidaires, ...). Voir les stratégies de l'agresseur·se comme des stratégies est une protection en soi et permet de jouer avec les même règles. Au même titre que la demande d'aide (financière, thérapeutique, ...), même si un sentiment de honte peut émerger, c'est justifié par la situation et, l'auteur et l'autrice insistent là-dessus, parfaitement légitime.

 S'il y avait une critique à faire sur le livre, c'est qu'aucune information n'est sourcée. Le contenu, s'il est pertinent, n'est pas consensuel (par définition, même, puisqu'il contredit explicitement des idées reçues), mais rien n'est fourni pour recouper un élément qui interrogerait plus qu'un autre (vous m'avez d'ailleurs peut-être entendu grincer des dents de là où vous étiez au moment de l'évocation du très pseudoscientifique syndrome de Stockholm). Pour autant, l'ensemble (bon, l'ensemble à part la partie sur le syndrome de Stockholm) m'a semblé solide, et le contenu est a priori soigné puisque le livre en est à sa troisième édition.

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