Peggy Pace détaille ici sa méthode (ICV en français, pour Intégration au Cycle de la Vie) pour retrouver une unité plus complète entre les différents états du Moi, en particulier lorsqu'un ou plusieurs évènements de vie ont modifié la personnalité du.de la client.e. Un concept particulièrement important est la distinction entre la mémoire explicite (je suis capable de raconter l'évènement en utilisant mes propres souvenirs) et implicite (l'évènement est ancré dans mon corps et mon psychisme mais je ne suis pas en capacité de me remémorer suffisamment d'éléments pour en faire un récit cohérent).
La procédure thérapeutique consiste à, par un voyage progressif dans les souvenirs balisé dans un premier temps par la mémoire explicite (l'autrice conseille de prévoir environ un souvenir par an pour constituer des repères), établir un dialogue entre le Moi du passé et le Moi du présent : ce dialogue peut permettre au Moi du présent de faire bénéficier de ses ressources au Moi du passé ou encore de le rassurer ("tu es en sécurité maintenant, ta peur et ta détresse appartiennent à une période qui est terminée"), ou encore de résoudre des conflits intrapsychiques. Pour ce dernier cas, un exemple particulièrement parlant est celui du soin de l'anorexie : l'autrice invite la personne à parler avec son Moi de l'adolescence (elle précise que les client·e·s savent généralement exactement situer l'âge concerné) et à entamer une négociation, en précisant que l'objectif est louable mais que les résultats sont dangereux (en donnant des exemples précis) et en réfléchissant ensemble à d'autres solutions pour mieux aimer son corps. La répétition (du voyage sur la ligne de vie) est un élément clef pour une intégration plus solide et complète (comme un sentier qui devient plus praticable à force d'être emprunté), c'est d'ailleurs répété plusieurs fois dans l'ouvrage. Le·a thérapeute ne s'adresse pas directement à l'état du Moi du passé, mais guide le·a client·e du présent dans leur échange, tout en laissant la place à son imagination et à son intuition (le·a client·e sait mieux que le·a thérapeute quel chemin suivre, tout en étant lui ou elle-même souvent surpris·e de la direction que prend la thérapie).
"La thérapeute doit rester présente, ancrée, connectée énergétiquement à la cliente, et disponible émotionnellement tout au long du processus", sous peine de ne pas aider ou, pire, d'aggraver la situation. L'autrice insiste là-dessus à plusieurs reprises, et est très claire sur le fait que son livre ne constitue pas une formation suffisante pour exercer. L'importance de la présence solide et bienveillante du ou de la thérapeute est explicitement reliée à la théorie de l'attachement, pilier théorique fondamental, parfois avec de drôles d'interprétations (un parent, même bienveillant, avec un attachement insécure, fera du mal à son enfant et risque de même de provoquer un trouble dissociatif de l'identité -mais qu'est-ce qu'elle raconte? ce qui cause un trouble dissociatif de l'identité ce sont des traumatismes extrêmes et répétés-, ou encore un enfant ne saura pas réguler ses émotions si ses parents ne savent pas le faire et sera prédisposé aux addictions et troubles du comportement alimentaires, et l'affirmation n'est pas sourcée parce que pourquoi faire...). Des affirmations pseudoscientifiques surgissent d'ailleurs parfois inopinément, comme l'hémisphère droit rationnel et l'hémisphère gauche intuitif (AAAAAARGH) ou encore la comparaison de l'émergence du langage avec un logiciel de traitement de texte (en cinq éditions, ça a été gardé? vraiment?), ce qui est extrêmement ironique au milieu de références à la neurologie et à la psychologie du développement.
Des indications sont données pour soigner des troubles spécifiques comme les troubles du comportement alimentaire évoqués plus haut mais aussi par exemple la dépression, l'anxiété, avec une insistance particulière sur les traumatismes (avec, ce qui fait sens pour une thérapie avec "intégration" dans le nom, une place conséquente donnée au trouble dissociatif de l'identité). Le·a lecteur·ice n'en saura en revanche pas beaucoup sur l'efficacité à attendre : c'est précisé en fin d'ouvrage, le niveau de preuve se limite aux constats personnels, et, comme la méthode a plus de quinze ans, c'est probablement parce que les résultats n'ont pas suivi au moment de la recherche d'une validation plus solide. L'affirmation a toutefois le (grand) mérite de la transparence, et même si l'efficacité ne semble pas au rendez-vous pour des troubles spécifiques, difficile d'estimer que la méthode n'a pas d'intérêt quand elle offre des propositions pour explorer des parties difficilement accessibles du psychisme.
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