dimanche 25 juin 2023

Chute libre - carnets du gouffre, de Mademoiselle Caroline

 


 L'autrice décrit dans ce livre sa cohabitation avec la dépression pendant une dizaine d'année, de la première prescription d'anti-dépresseurs par son généraliste ("C'est bizarre... Vous ne riez plus?!"), prescription d'un mois en omettant de préciser qu'il ne faut surtout pas arrêter brusquement ("J'ai tenu un mois, mais je me sentais glisser. Tout redevenait pesant, lourd, mou... Et puis un jour je me suis mise à pleurer, comme ça, presque pour le plaisir de pleurer") à l'après, de nombreuses années et souffrances, jusqu'aux idées suicidaires, et 4 psys plus tard, un après certes relatif ("une jolie boîte de médicaments pour une prise quotidienne inéluctable", "il est hors de question que j'y retourne. C'est une lutte quotidienne. Je suis sur mes gardes") mais radicalement différent de ce qui a été vécu pendant toute cette période ("j'apprenais à 35 ans le bonheur, j'apprenais en fait à ne plus en avoir peur").

 Le récit couvre la compréhension progressive de la maladie, les moments les plus difficiles vécus avec les proches ("je me prenais la tête, je me parlais en la secouant... Un jour, mon homme l'a découvert et j'ai vu la peur, la vraie, sur son visage", "mon fils était terrifié : il n'avait jamais vu ma mère pleurer"), parfois soutenant·e·s ("merci du fond de mon âme à Raf, qui ne m'a jamais lâchée ni jugée") parfois moins ("M'enfin, je ne comprends pas!? Tu as tout pour être heureuse! Oui mais c'est dans ta tête, la santé, ça va?! Alors ça va"). Une maladie avec des moments de mieux donc d'espoir, et des moments plus alarmants qui déclenchent des sentiments d'urgence, souvent suivis du début d'un suivi psy plus ou moins concluant (quand ce n'est pas l'appel à d'autres types de pro -exorciste, magnétiseuse, ...-, démarches auxquelles l'autrice adhère moyennement -"J'avais un truc à lire. Façon "mantra"... Une feuille que je devais lire tous les jours devant mon miroir. Pour aller mieux, me calmer. Je l'ai fait une fois. A défaut d'aller mieux, j'ai bien rigolé"-).

 L'autrice fait une distinction très radicale entre ses trois premiers psy et le quatrième, recommandé par Christophe André (et à "seulement" 1h30 de route) dont elle a découvert par hasard qu'elle connaissait l'épouse. Les trois premier·ère·s l'écoutaient raconter ses difficultés, ce qui lui a permis d'avancer sur certains sujets, mais pas sur sa dépression (ce qui n'a pas empêché les deux premiers, au moment d'arrêter le suivi pour des raisons extra-thérapeutiques -déménagement pour l'une, retraite pour l'autre- d'affirmer que "Mais ça tombe bien. Vous êtes guérie"). Le quatrième se démarque dès les premières phrases (l'autrice est plus directe en parlant de "grosses claques dans ma face"), en particulier en la déculpabilisant ("Ce n'est pas de votre faute! Vous êtes tout simplement MALADE!") et en lui parlant de guérison ("Vous pouvez guérir. Et vous allez guérir"). Avec lui, pas d'espace pour parler de "ma mère, ma sœur, l'argent, mon boulot, la vie en général, mon corps affreux, les questions en spirale, l'Himalaya, pourquoi elle et pas moi?, mes bouquins", mais de la psychoéducation ("mon cerveau déforme allègrement la réalité", "le moindre "traumatisme" laisse une longue trace. Il est comme bloqué dans le système nerveux, gravé", "je sais que je ne risque rien, mais je ne le ressens pas, j'ai peur"), et des exercices, des "choses nases" (méditation, sollicitude, fleurs, croix sur la main pour penser à faire une "crise de calme" -exercice de relaxation dont l'efficacité croît avec la répétition- en la voyant) mais qui fonctionnent ("j'aurais pu en rire, mais là, je buvais ses paroles"). En plus de l'impact direct sur les symptômes, le mieux-être s'accompagne d'un changement intérieur ("je m'autorisais à me faire du bien", "Un boulot super pourri? Que si je veux", "J'ai le droit"). 

 Le livre est assez dense en informations, mais le format BD et autobiographique fait qu'on s'en rend surtout compte après la lecture. Le parcours est raconté pour l'essentiel en temps réel, sur un ton positif mais sans angélisme, y compris pour l'après. Il permet d'éclairer sur différents aspects de la dépression, y compris certains qui sont inattendus (le fait par exemple que ça peut ne pas se voir de l'extérieur, que c'est parfois difficile d'identifier et de comprendre ce qui aide ou pas, ...).


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