mercredi 7 juin 2023

Troubles alimentaires. Mieux comprendre pour mieux guérir, de Sabrina Palumbo

 



 Ayant subi à 17 ans l'épreuve des débuts de l'anorexie mentale puis plus tard celle d'une hospitalisation en psychiatrie traumatisante où elle a subi, sur une durée d'un an, solitude imposée couplée à un manque d'intimité ("de temps en temps le rideau se relevait sans que je ne sache quand ni pourquoi"), arbitraire (interdiction d'avoir une montre ou des livres, sans explications entendables, contrainte d'utiliser un pot de chambre rarement vidé car les toilettes sont fermées à clef), contention, mensonges ("un médecin m'avait dit que l'objectif était que j'atteigne 48 kilos et qu'ensuite je pourrais sortir ; et quand j'ai atteint les 48 kilos, il m'a dit que je pourrais sortir quand mais règles seraient revenues") ou violences physiques (trainée par les cheveux par une infirmière), ce n'est qu'à 30 ans que l'autrice s'est engagée activement dans un processus thérapeutique et a choisi de faire confiance à un thérapeute (en ce qui concerne l'hospitalisation, elle est transparente sur le fait qu'elle lui a sauvé la vie physiquement parlant, qu'elle était elle-même violente et que la psychiatrie souffre d'un manque de moyens y compris dans le niveau de formation en troubles du comportement alimentaire, mais estime que de la bienveillance aurait été infiniment plus efficace pour l'apaiser, et bien entendu pour l'efficacité des soins).

 Elle a depuis engagé un travail thérapeutique sur elle s'appuyant sur de nombreux modèles (TCC, états modifiés de conscience, introspection, systémie, psychologie positive, ...), s'est investie dans une spiritualité qui la connecte à une vision du monde plus épanouissante, et a créé une association extrêmement impliquée dans la création de dialogues entre patient·e·s, familles et professionnel·le·s (et entre patient·e·s bien sûr, elle rappelle souvent l'importance des groupes de parole). Elle propose aujourd'hui aussi un accompagnement s'appuyant sur la Thérapie d'Acceptation et d'Engagement. Ce livre dégage très précisément une énergie de partage, et semble être constitué de ce que l'autrice aurait aimé, ou peut-être plutôt aurait eu besoin d'entendre, lorsqu'elle s'est retrouvée désarmée ("le plus important est de sortir de l'isolement coûte que coûte", "je sais maintenant qu'on ne s'en sort pas tout seul et qu'un soutien réel doit être assuré") face à l'anorexie : les débuts sont difficiles (ses premiers contacts avec l'introspection, ou avec la méditation de pleine conscience, ont été moyennement concluants), le parcours ne sera pas linéaire ("je ne saurai évoquer la guérison sans parler de la notion de perte", "chaque petite victoire compte"), des réalités douloureuses voire effrayantes ou traumatisantes seront découvertes ("ce qui fait l'anorexie, c'est tout sauf le symptôme", "le problème, à la base, n'était pas la nourriture"), il ne faut pas compter atteindre un état de plénitude absolue (elle même estime être non pas guérie mais en état de rémission), mais la récompense de ce parcours si exigeant sera au rendez-vous ("cette maladie m'a connue fragile, mon vécu me rend forte").

 Extrêmement personnel, succédant d'ailleurs au plus autobiographique encore L'âme en éveil, le corps en sursis de la même autrice, ce livre propose de se concentrer non pas sur la description des différents troubles du comportement alimentaire, ni sur le détail des différentes propositions thérapeutiques (la préface du psychiatre Alain Perroud souligne d'ailleurs que la science est plutôt en train de ramer pour élaborer une méthode dont l'efficacité se détacherait), mais sur un aperçu, de l'intérieur, de ce à quoi peut ressembler le processus thérapeutique. Il comporte pourtant, en filigrane, des conseils bien concrets : savoir renoncer au perfectionnisme qui voudrait faire devenir un·e patient·e qui maîtrise et réussit tout du premier coup, surmonter les expériences thérapeutiques difficiles mais seulement pour trouver une relation, une méthode, un axe qui convient mieux, et surtout communiquer, ce qui pour l'autrice a été important avec d'autres patient·e·s mais aussi, quand c'est devenu possible dans de bonnes conditions, avec ses proches.

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