Une avocate très agressive, quittée par son mari, qui décide de consulter son thérapeute, forcément complice, sous une fausse identité, pour détruire à la fois son mari en les montant l'un contre l'autre, brisant la relation thérapeutique qui est son seul pilier solide, et le thérapeute en le poussant à coucher avec elle, comme deux de ses psy précédents l'ont fait (le titre original veut à la fois dire "mentir sur le divan" et "allongé·e sur le divan", pensées aux traducteur·ice·s qui ont du faire un choix douloureux), et mettre fin à sa carrière. Un psychanalyste imposant, athlétique et ambitieux, haut placé institutionnellement, plein de certitudes, qui tient à faire savoir à autant de monde possible à quel point il sait mener comme personne des thérapies et une carrière. Un addict au jeu qui va en thérapie pour sauver son mariage mais qui n'a aucune intention d'arrêter de jouer. Un psychiatre initialement spécialisé dans la pharmacologie qui décide de mettre son authenticité de thérapeute et le dévoilement de ses ressentis au centre de l'espace thérapeutique, et qui doit régulièrement réévaluer les limites de l'exercice.
Tous ces personnages vont être mis au service d'une intrigue prenante (oui parce que, sur le quatrième de couverture de mon édition une autrice compare Et Nietzsche a pleuré à un roman policier et, autant je recommande sans réserves Et Nietzsche a pleuré, autant ça ne me viendrait vraiment pas à l'esprit de le conseiller pour l'intrigue), qui va offrir un regard direct et potentiellement déstabilisant sur l'univers des thérapeutes (qui ressemble à un exercice de dévoilement intime de l'auteur, c'est méta!) : l'éventail des motivations qui peuvent par ailleurs s'entrechoquer chez une même personne (la posture de sauveur, l'enthousiasme pour la créativité et la rencontre, le prestige, l'argent, voire dans le cas des agresseurs, dont Yalom ne cache pas, c'est le moins qu'on puisse dire, l'existence, le pouvoir sur les patientes et la certitude de l'impunité) et éventuellement leurs conséquences dans la thérapie, le contraste entre la capacité à guider les autres dans leurs difficultés et celle à faire face aux siennes, les points aveugles conscients ou non (il arrive que le·a patient·e en sache plus sur le thérapeute que l'inverse... et ce n'est pas la première fois chez Yalom!), ... Et, évidemment, plein de sujets existentiels, parce que c'est Irvin Yalom.
Un livre qui peut se lire comme un roman (le fait que ce soit un roman doit pas mal y contribuer!) tout en restant très riche, peut-être plus pour les personnes qui ont envie de lire entre les lignes (le premier chapitre a généré un nombre exponentiel de questionnements chez moi, qui n'auraient peut-être pas été les mêmes si je n'avais rien lu du même auteur). Le ton est léger, les chapitres s'enchaînent (ça ne m'est pas arrivé souvent, dans les livres présentés ici, d'être impatient de connaître la fin!), mais l'intrigue est prétexte, sur un ton dont la légèreté peut être trompeuse, à explorer des thèmes potentiellement complexes voire dérangeants.
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