vendredi 21 juin 2024

The Therapeutic Alliance. An Evidence-Based Guide to Practice, dirigé par J. Christopher Muran et Jacques P. Barber

 


 L'alliance thérapeutique, c'est important, fonder sa pratique sur l'état de la science, ça l'est aussi. Sauf que la science a la qualité et le défaut d'être complexe, et les auteur·ice·s du livre s'engagent à fond dans cette complexité, au point qu'il aurait presque été préférable d'appeler le livre "an evidence-based guide to even more research", parce qu'il faudra déterrer les recommandations effectivement pratiques sous des montagnes d'info (les références bibliographiques occupent d'ailleurs un espace non-négligeable du livre).

 De très nombreux aspects du sujet seront traités, que ce soit sur le contexte (thérapie individuelle, de couple -si de nombreuses recherches ont été faite sur l'influence du genre du ou de la thérapeute pour l'accompagnement de couples hétéro, les données manquent pour l'accompagnement de couples de même genre-, familiale, ...), l'approche théorique (humaniste -la mieux, en toute objectivité-, TCC, psychothérapie basée sur l'analyse fonctionnelle -qui a la spécificité de considérer que les incidents dans la relation thérapeutique font partie intégrante du travail thérapeutique-, ...) ou encore la multiplicité de ses enjeux (est-ce qu'une bonne alliance thérapeutique favorise le bon déroulement de la thérapie ou est-ce que c'est le bon déroulement de la thérapie qui favorise l'alliance thérapeutique, quel rôle a l'alliance thérapeutique selon qu'on se trouve au début ou au milieu du travail, quelles sont les conséquences d'une diminution de la qualité de l'alliance thérapeutique, ...), et même des réflexions sur comment former à l'alliance thérapeutique. Pour tous ces aspects, de très, très nombreux travaux seront présentés de façon critique, y compris des travaux présentant des conclusions contradictoires. Autant dire que pour le guide clefs en main pour intégrer des recommandations dans sa propre pratique, il faudra repasser... ou alors se rendre directement au dernier chapitre, synthèse pour le moins salutaire. A la décharge des auteur·ice·s, une bonne psychothérapie "consiste en substance en l'interaction de deux (ou plus) individus possédant différentes histoires, personnalités, style d'attachement ou approche des relations sociales, façons d'organiser leur expérience, attentes, et visions de la vie", ce qui fait beaucoup de paramètres.

 Il y a quand même (ouf!) quelques recommandations concrètes, comme entrer en empathie plutôt que répondre la première fois que le·a patient·e exprime que quelque chose ne va pas (c'est un encouragement à se sentir libre de communiquer, et très souvent l'insatisfaction des patient·e·s n'est perçue que quand iels claquent la porte), ne pas se décourager si la métacommunication ne donne pas de résultats dans un premier temps (c'est une habitude à prendre dont l'efficacité s'ancre dans le temps), être vigilant·e quand la thérapie est très orientée sur la proposition de techniques, ce qui peut créer une distance, prendre explicitement la responsabilité de ses erreurs, être proactif·ve quand une colère du ou de la patient·e est perçue mais pas explicite, alors que le manque de soutien, la tendance à insister, trop de prudence, le changement fréquent de stratégie, l'erreur de diagnostic, le manque d'attention à l'influence de personnes extérieures sur le processus thérapeutique ou aux transferts et contre-transferts, vont plutôt, vous l'aurez a priori compris, être des obstacles.

 Le livre est dense, très dense, donc je le recommanderais plutôt bien sûr aux chercheur·se·s ou aux personnes qui souhaitent faire un mémoire sur le sujet (il y a de quoi s'occuper!), ou aux personnes qui aiment particulièrement la complexité, mais pour les recommandations pratiques, s'il y en a, et de précieuses, ça peut être plus stratégique de s'orienter vers un autre ouvrage. Je suis convaincu (et j'espère!) que ce serait compliqué de trouver un·e thérapeute qui n'accorde pas à la relation thérapeutique une place centrale à son travail, mais sans être nécessairement motivé·e à rentrer dans ce niveau de complexité.

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