Après
Le soi hanté qui détaille
en quoi consiste la dissociation d’origine traumatique, et Gérer la dissociation d’origine traumatique, manuel détaillant, pas à pas, les différentes
étapes d’une thérapie, les auteur·ice·s proposent dans ce livre
le détail des principes thérapeutiques et surtout des difficultés
spécifiques rencontrées dans ce type de thérapie.
Si
les fondamentaux du Soi hanté
sont toujours d’actualité (en particulier le traitement en trois
phases, qui consiste à fournir les ressources de santé et de
sécurité externe et interne pour avancer jusqu’à la phase 2,
puis à intégrer les souvenirs traumatiques -le·a patient·e est
capable de se les remémorer, de savoir que ça lui est arrivé à
lui ou elle, et que ces souvenirs appartiennent au passé- et enfin à
intégrer ensemble les différentes parties de la personnalités), la
théorie a un peu évolué : par exemple, il n’est plus
question de Personnalité Apparemment Normale et de Personnalité
Emotionnelle mais de part de la personnalité fonctionnant au
quotidien et des autres. Le fait de rentrer dans le détail de la
thérapie, des difficultés spécifiques, permet de mieux se
représenter les effets de la dissociation d’origine traumatique.
L’un des enjeux est par exemple de permettre au ou à la patient·e de
considérer que ses différentes parts ne sont pas effectivement des
personnes distinctes mais des parties de lui ou d'elle-même (le·a
thérapeute ne doit par ailleurs surtout pas tomber dans ce piège,
ce qui est moins simple qu’il n’y paraît sans formation
spécifique, en particulier quand une personnalité ne se souvient
plus des actions et paroles d’une autre, ou quand elles sont en
conflit). L’importance de cet élément est particulièrement
claire quand certaines personnalités sont encore des enfants (qui
potentiellement continuent de vivre le traumatisme)… ou quand l’une
des personnalités incarne l’agresseur·se, reprenant ses propos
culpabilisants, ses menaces interdisant de parler. Le cadre de la
thérapie, à construire de façon sécurisante mais à respecter strictement ensuite, doit être le même pour toutes les personnalités. Une
autre façon de mieux ancrer les patient·e·s dans la réalité est de relever,
tout en gardant une attitude empathique et compréhensive, les
contradictions (par exemple, faire remarquer que la personne incarnée
est maintenant âgée, voire décédée, ou habite loin, et demander
avec douceur comment ça peut s’expliquer). Un autre élément
particulièrement important est la gestion de la violence, contre
le·a thérapeute ou la structure, ou du ou de la patient·e envers
lui ou elle-même. Les règles doivent être explicites, et, s’il est
essentiel de toujours rester empathique, les transgressions doivent
être suivies des conséquences indiquées (pause dans la session,
voire une pause d’une ou plusieurs séances, allant jusqu’à
l’arrêt de la thérapie sous cette forme quand c’est
nécessaire), tout en expliquant pourquoi le cadre n’est pas
négociable. Concernant
l’auto-mutilation, il est rappelé que le·a thérapeute ne peut
absolument pas protéger le·a patiente de lui ou d'elle-même
vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si travailler ensemble pour
éviter que le·a patient·e ne se fasse du mal fait partie de la
thérapie, le·a thérapeute doit rappeler au ou à la patiente que se
préserver est de son entière responsabilité.
Autre élément : le
risque de contre-transfert est démultiplié par le risque de
préférer certaines personnalités, et d’en rejeter d’autres.
Pour
cette raison (même s’il y
en a d’autres!), la
supervision et la thérapie sont indispensables pour le·a
thérapeute.
Mais ce qui fait la grande richesse
du livre est que la plupart des recommandations, pour ce travail
intense… sont en fait valables pour n’importe quelle thérapie
(et, inversement, les fondamentaux qui sont valables pour n’importe
quelle thérapie s’appliquent pour les patient·e·s dissocié·e·s).
Il est important que le cadre
ait un sens, qu’il puisse être renégocié quand ça ne fonctionne
pas. Pour sa propre sécurité mais aussi pour la sécurité des
patient·e·s, le·a thérapeute doit impérativement connaître et
respecter ses propres limites. Les développements sur
l’attachement dans la relation thérapeutique (pour ces
patient·e·s, l’agresseur·se est souvent une figure d’attachement
primaire… l’entrée en relation, indispensable pour le soin, peut
donc aussi réactiver le traumatisme!) sont particulièrement riches
tout en étant ancrés sur leur aspect pratique. De précieuses
indications sont aussi données, par exemple, pour sécuriser le·a
patient·e à la fin de la séance, ou pour mettre fin à la thérapie
(parfois après plusieurs années).
Pour ces raisons, plus encore que Le soi hanté,
je recommande très fortement ce livre à tout·e thérapeute et
apprenti-thérapeute (d’autant que le chapitrage est clair et les
concepts centraux sont mis en valeur, ce qui permet de retrouver un
point spécifique lorsqu’on est face à un questionnement
particulier).
C’est écrit sur la couverture, mais l’approche est intégrative
et toute spécialité peut être un atout pour un éventuel travail
en équipe (qui doit toutefois être sous la responsabilité de
thérapeutes expert·e·s). Sans surprise les TCC à travers
différentes spécialités et l’EMDR sont souvent évoqués, mais
l’hypnose, par exemple, est aussi un outil très aidant dans
certaines circonstances.
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