vendredi 18 mars 2022

Accompagner un proche en fin de vie, de Christophe Fauré


 

  Dans une situation aussi extrême, à laquelle il est d'autant plus difficile de se préparer qu'y penser ou échanger dessus est potentiellement éprouvant, de nombreuses questions peuvent se poser, à différents niveaux. Christophe Fauré fait dans ce livre l'exploit d'être complet, synthétique, accessible, et comme à son habitude chaleureux.

 Le livre couvre à la fois les aspects extrêmement pratiques (à qui s'adresser pour quelle demande, comment interpréter telle ou telle manifestation d'une personne qui potentiellement ne peut plus s'exprimer rationnellement voire verbalement, quelles différences entre soins palliatifs et euthanasie, quelle forme va prendre la dégradation progressive jusqu'au décès, ...), et les aspects plus intimes, qui concernent l'aspect délicat de l'adieu. Concernant les aspects pratiques, le·a lecteur·ice apprendra par exemple que le traitement de la douleur est aujourd'hui plutôt efficace même s'il faudra potentiellement faire appel à une unité spécialisée, ou qui prend les décisions quand la personne concernée n'est plus en mesure de s'exprimer (la rédaction de directives anticipées est possible, les modalités sont détaillées). Des détails seront aussi donnés sur ce qu'il se passe, y compris physiologiquement, quand les fonctions corporelles, progressivement, ne répondent plus... le livre est certes accessible mais la franchise est de mise, et s'il est difficile de faire autrement pour préparer à cet aspect potentiellement impressionnant d'un sujet par ailleurs plutôt tabou, la lecture peut être éprouvante. C'est aussi l'occasion d'apprendre que l'audition et le toucher sont les derniers sens à disparaître, donc qu'on peut encore communiquer avec la personne même dans les dernières heures (tout en prenant soin du fait qu'elle ne peut pas répondre!), mais aussi qu'elle a généralement besoin de calme et d'apaisement (l'explosion de tensions entre proches, même si elles peuvent être nécessaires, doivent donc de préférence avoir lieu hors de la pièce).

 Le sujet de la communication est d'ailleurs traité en longueur, sans surprise pour cette période où c'est le moment d'échanger les derniers mots. Plus facile à dire qu'à faire, il est rappelé qu'il importe d'être attentif aux besoins de la personne mourante plus qu'aux siens (l'auteur donne l'exemple d'un proche qui diffuse des chants bouddhistes pour sa mère avant que sa compagne lui rappelle que sa mère est chrétienne, ou encore celui, plus délicat, du besoin d'éloigner les proches que la personne mourante ne veut pas voir). Le pardon, s'il peut éventuellement ne pas être d'actualité, peut aussi s'exprimer fortement par le non-verbal ("Vous pouvez l'énoncer dans le silence de votre cœur, alors que vous tenez la main de votre proche qui profite de votre présence pour sommeiller quelques instants. Vous pouvez le signaler par une étreinte qui dure quelques secondes de plus") voire, pour éviter de réactiver un conflit dans ces moments où le besoin de calme est si intense, s'exprimer après le décès (le livre donne l'exemple d'un homme qui va quotidiennement, 5 jours de suite, rendre visite à sa mère a la morgue pour lui exprimer ce qu'il porte, lui permettant d'être plus serein au moment de l'enterrement et de se libérer d'un poids qui aurait été particulièrement douloureux pendant la période de deuil). Plus simple et potentiellement tout aussi libérateur, l'auteur rappelle l'importance de dire "merci" à la personne.

 Une annexe importante concerne la conduite à tenir avec un enfant. Si tentant que ce soit en particulier lorsqu'on est soi-même démuni, la minimisation est risquée, l'enfant pourrait même avoir ensuite un manque de confiance durable (certes on l'a rassuré en lui disant que la personne qu'il aime allait s'en sortir, mais finalement elle est morte quand même). Le deuil étant difficile pour lui aussi, l'idéal est de le diriger vers un·e adulte qui peut l'écouter, éventuellement un·e psy. Une vigilance particulière est à porter sur une culpabilité qui peut naître à ce moment là ("j'ai souhaité la mort de ma sœur et c'est arrivé, est-ce qu'elle est morte à cause de moi?"). Concernant la vision du corps ou la présence à l'enterrement, l'idéal est d'écouter ses demandes et besoins et surtout de lui expliquer à quoi s'attendre. 

 Clair, synthétique et honnête, le livre semble idéal pour se donner les moyens de prendre soin et de l'autre dans ce moment si intense, voire pour se préparer à sa propre fin de vie.

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