mardi 1 mars 2022

La maladroite, d'Alexandre Seurat

  


 Si le nom n'est pas mentionné dans le livre (ni dans le corps du texte ni dans une préface ou sur le 4ème de couverture), la "maladroite" du roman est Marina Sabatier, que les lecteur·ice·s qui comme moi ont été marqué·e·s par cette affaire reconnaîtront immédiatement, en cas de doute, à l'évocation dès la 2ème ligne de "ce visage gonflé" sur l'avis de recherche. Si le roman, qui fait parler les différentes personnes (grand-mère, tante, personnel scolaire, social et judiciaire, mais aussi plus discrètement le frère qui a grandi dans ce contexte) qui ont tenté d'intervenir avant que les maltraitances ne deviennent meurtrières, reprend assez fidèlement les faits, Marina est rebaptisée Diana, "l'image d'une princesse dans une tôle carbonisée, froissée la nuit contre un pilier, dans un tunnel".

 Si c'est d'abord Diana qui se désigne comme maladroite, pour répondre aux questions des adultes sur toutes les blessures qui apparaissent sur elle quotidiennement et qu'une institutrice finira par noter systématiquement ("6 décembre, une trace au cou, un centimètre, et des rougeurs aux poignets et aux avants-bras. 9 décembre, un gros bleu à la cuisse, un centimètre et demie de diamètre. 15 décembre, son pouce lui "fait mal", elle dit être "tombée de vélo les deux mains en avant" "), c'est aussi la maladresse tellement incompréhensible de la société qui se dessine, alors que rien n'a été fait malgré le caractère ostensible de la gravité de la situation, malgré l'attitude particulièrement proactive de certain·e·s adultes qui parfois n'en dormaient pas. Une maladresse qui contraste avec l'adresse des parents, qui désarment par leur attitude ("ils m'avaient déstabilisée avec leur apparence de politesse, leurs faux airs de réserve et de spontanéité -qui leur donnaient l'image de ne pas maîtriser les codes, alors qu'ils les contournaient tous"), ont réponse à tout ("Quelques années auparavant, alors qu'ils faisaient des travaux dans une maison où ils venaient d'emménager et qu'ils refaisaient le plâtre, un morceau du plafond était tombé par accident sur elle. Elle avait des séquelles, il y avait eu l'hospitalisation, les visites médicales. Bref, Diana n'avait, jusqu'à présent, jamais été scolarisée"), déménagent quand la situation devient critique ce qui permet de considérablement ralentir les investigations, le tout avec l'application de Diana (elle ne commencera à parler à demi-mot qu'à la fin) à dissimuler la réalité ("J'avais déjà mené de nombreux interrogatoires de ce genre, et toujours réussi à trouver les réponses dans les contradictions qui permettaient de déstabiliser l'enfant et avec ça, après, on pouvait travailler. Mais avec cette petite, il n'y avait pas de brèche -que ce rire incessant, qui secouait ses réponses", "Son ton était innocent, ou cherchait à paraître innocent, et j'ai tout de suite compris que ç'allait être difficile, plus difficile que je n'avais imaginé, car la difficulté n'était pas mon angoisse comme je l'avais pensé mais le nœud d'énergie, de résistance, dans ce petit corps sur cette chaise").

 Malgré de nombreux signalements appuyés par des faits venant de plusieurs personnes, après une enquête classée "faute d'éléments suffisants" et pendant une enquête sociale ("Je lui ai expliqué que peut-être un suivi d'ordre psychologique ou un appui social pourraient leur être profitable, si leur patience était mise à l'épreuve, afin que son mari et elle se trouvent mieux en mesure d'exercer leur fonction parentale en toute sérénité"), Diana mourra ("Un jour, un gros morceau d'émail de la baignoire était parti, ils ont dit que quelque chose était tombé, mais moi je savais bien que non. Je l'entendais parfois, Diana, à travers la trappe, puis pendant plusieurs jours tout à été plus calme"), à l'âge de 8 ans.




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