Avec 10 chroniques de thérapie, Irvin Yalom rend plus vivants encore les thèmes explorés dans Thérapie Existentielle : la peur de la mort et du vieillissement, le sens de la vie, la solitude existentielle, la liberté (et l'insécurité effrayante qu'implique le fait de lâcher prise pour s'en emparer), seront tout ou partie des thèmes incarnés, parfois après avoir surmonté un blocage conséquent (souvent manifesté par une focalisation sur les aspects factuels du problème qui a motivé le début de la thérapie, ou l'absence d'émotions autres que superficielles dans les échanges malgré les tentatives parfois désespérées du thérapeute), par les client·e·s dont le parcours est raconté.
Une ancienne danseuse qui s'accroche douloureusement à la parenthèse enchantée d'une brève liaison avec son thérapeute bien plus jeune qu'elle il y a 8 ans (Yalom est particulièrement remonté contre le thérapeute en question avant de le rencontrer et de voir que la situation n'était pas ce qu'elle semblait furieusement être), un chercheur qui souffre de symptômes de dépression et d'anxiété extrêmement graves à l'idée d'ouvrir trois lettres de l'Université que pour autant il n'ouvre pas malgré les efforts répétés de son thérapeute, plus d'une fois lui-même à bout, un homme qui souffre d'impuissance sexuelle et de migraines paralysantes à l'approche de la retraite mais ça n'a rien à voir d'ailleurs pourquoi ça aurait quelque chose à voir sa seule raison de travailler c'était de financer sa retraite (son incapacité initiale à parler de ses émotions contraste avec un univers onirique particulièrement vif), figurent parmi les passagers de ce voyage marquant (qu'Irvin Yalom a d'ailleurs écrit alors qu'il était lui-même en voyage).
En plus des thèmes forts de la thérapie existentielle, et de la difficulté, malgré la souffrance initiale, de lâcher ses défenses et s'en emparer pour changer vraiment (aller mieux suppose souvent dans un premier temps d'aller encore moins bien), le livre est aussi marqué par les difficultés épiques ("la rationalité et la précision sont rarement récompensées dans la thérapie"), racontées avec beaucoup de transparence, de Yalom, personnage commun aux dix histoires racontées. Impatience, orgueil, focalisation sur un objectif au détriment d'autres, voire répulsion envahissante envers une cliente obèse (il apprend avec horreur, en fin de thérapie, qu'elle s'en était aperçue depuis le début... la transparence dans ce chapitre spécifique n'est d'ailleurs pas sans inconvénient, l'obésité en particulier féminine étant violemment stigmatisée socialement sans qu'il n'en rajoute en détaillant de façon crue ses représentations, ce qui a été vertement reproché à l'auteur par plusieurs lectrices), et lutte intérieure pour assurer le travail thérapeutique en espérant très fort que tout ça ne se voie pas : si on assiste à de magnifiques moments de thérapie, l'auteur est lui-même souvent en mouvement, et l'exigence de son implication et de l'authenticité qu'implique son modèle thérapeutique, l'un des piliers du livre, est rappelé avec humilité.
Les histoires sont à la fois prenantes, accessibles et riches, elles peuvent parfaitement constituer une introduction plus accessible à Thérapie Existentielle, et je ne serais pas surpris que plusieurs lectures permettent d'en découvrir autant d'aspects.
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