mercredi 25 janvier 2023

Vaincre la codépendance, de Melody Beattie


 

 Ayant grandi dans un climat de violences familiales, addicte, jeune, à de nombreuses substances (ces aspects sont plus largement développés dans la réédition, toute neuve -2022, soit près de 35 ans après la première!-, donc ne sont peut-être pas encore intégrés aux éditions françaises), l'autrice a été pendant de nombreuses années usagère puis conseillère de groupes de soutien (elle fait un éloge particulièrement marqué d'Alcooliques Anonymes, dont les 12 étapes sont pour elle le seul vrai chemin de guérison). Son expérience a vite été marquée par les proches de personnes dépendantes, qu'elle jugeait manipulatrices, dont elle ne comprenait pas la souffrance. Un premier mariage, idyllique sur le papier, avec un homme alcoolique, alors qu'elle même était sobre, lui a progressivement permis de mieux les comprendre, et de mieux se comprendre elle-même.

 La codépendance est en effet nécessairement difficile à comprendre puisqu'elle est difficile à... définir. Je défie quiconque de lire attentivement la liste de symptômes caractéristiques, étalée sur plus de 10 pages, dont certains, c'est mis en valeur, sont contradictoires, sans s'en sortir avec une migraine. L'autrice s'aventure tout de même à en donner une définition :  "une personne codépendante est une personne qui a laissé le comportement d'une autre l'impacter et qui a pour obsession de contrôler le comportement de cette autre personne". Il sera énormément question d'addiction dans le livre, mais l'autrice rappelle que la codépendance n'y est pas nécessairement liée, et qu'elle peut être plus ou moins intense. Un aspect important est qu'il s'agit souvent d'un apprentissage, une adaptation sur le long terme, et qu'il faut s'attendre à ce que la libération de ses différentes dimensions prenne du temps.

 Le livre est probablement très nourri de la très longue expérience d'intervenante de l'autrice : l'aspect fortement autobiographique donne la sensation d'un échange, et les explications comme les conseils sont directs, la structure du livre permet de l'ouvrir régulièrement pour relire tel ou tel passage, ce qui sera probablement un besoin à divers moment pour une personne qui utilise ce livre pour accompagner le long cheminement de la sortie de la codépendance (ça, et les autres livres de l'autrice sur le sujet). Dans une démarche qui n'est pas sans rappeler ce livre là, il est souvent question de restituer à chacun·e (y compris à soi) ses responsabilités, changer la perception de ses droits (j'ai le droit de ne pas faire confiance en particulier si la personne m'a menti plusieurs fois, j'ai le droit d'exprimer de la colère, de dire non, ..) et ses devoirs (préserver ses propres ressources, que mes "oui" et "non" signifient réellement, respectivement, "oui" et "non"), reprendre progressivement le pouvoir sur soi en renonçant au pouvoir sur l'autre, en particulier en intégrant que l'on est pas responsable du comportement de l'autre (en particulier la consommation de l'autre et ses conséquences, dans le cas de l'addiction). L'autrice fait un lien particulièrement parlant avec le triangle de Karpman : la personne codépendante va dans un premier temps prendre le rôle de sauveur·se en essayant de protéger l'autre de ses propres comportements, puis de persécuteur·ice lorsqu'elle est allée au delà de ce que ses ressources lui permettaient sans résultats et le plus souvent sans gratitude, et enfin de victime lorsque la colère est passée et laisse place à l'impuissance et la culpabilité.

 Le livre est riche théoriquement malgré, c'est largement souligné, la difficulté de circonscrire précisément le concept de codépendance, et surtout le fait qu'il soit largement axé sur la pratique. Son objet est toutefois, c'est assez ostensible, de d'abord accompagner les personnes concernées.

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