Mick Cooper reprend dans ce livre les fondamentaux de la (ou plutôt des, d'ailleurs) thérapie(s) existentielle(s) d'un point de vue qui éclaire les passerelles, existantes ou possibles, avec d'autres modèles (il précise d'ailleurs que selon lui l'Approche Centrée sur la Personne est voisine mais ne s'inscrit pas à proprement parler dans les thérapies existentielles, et je tiens à dire que je suis outré) (le rapport à la liberté, l'accompagnement dans les aspects sombres de l'existence, l'influence de Kierkegaard sur Rogers... bref je vous laisse vous faire votre propre opinion tant que vous concluez que j'ai raison).
De nombreux éléments sont détaillés, tels que l'importance du lien (comme Mick Cooper est relou et aime vérifier il précise que l'assertion plutôt limpide de Yalom "C'est la relation qui soigne, c'est la relation qui soigne, c'est la relation qui soigne" est à nuancer -c'est un facteur très important mais il y en a d'autres, et les données ne permettent pas de trancher entre corrélation et causalité- ), l'aspect phénoménologique (qu'il fait l'exploit de détailler tout en le rendant clair et en mettant en lumière les utilisations pratiques), le rapport à la liberté et au choix (les rogérien·ne·s connaissent bien trop l'inconfort, parfois exprimé de façon disons directe, lorsque la personne -en consultation individuelle, et plus encore en groupe de rencontres ou dans un cadre pédagogique- est invitée à prendre des décisions dès le début plutôt que s'en remettre au ou à la professionnel·le), les limites (le chapitre sur le choix peut donner l'impression que quand on veut on peut, mais si on veut se téléporter sur la lune, être immortel·le, finir son mémoire dans les délais en gardant un temps de sommeil normal quand on a procrastiné comme il se doit, ou être traité·e sans condescendance quand on est par exemple handicapé·e ou exposé·e au sexisme ou au racisme, ça s'annonce compliqué), la recherche de sens (oui la ref était facile et j'ai d'autant moins de mérite qu'elle est dans le livre) (du coup je rajoute celle-ci) ou, j'ai plus de mal à faire le lien avec le courant existentialiste (pour autant c'est un chapitre extrêmement riche), les perceptions et métaperceptions interpersonnelles (c'est un terme extrêmement pompeux donc je compte bien le garder pour me donner l'air intelligent, mais ça concerne simplement les projections qu'on fait sur les autres selon les éléments qu'on perçoit, et la façon dont on suppose qu'on est perçu... Cooper donne l'exemple potentiellement très commun du ou de la thérapeute qui sous-estime le caractère intimidant de son statut et, en insécurité pour une raison ou une autre, va en rajouter pour dégager une aura artificielle d'expertise... si le ou la client·e a une réaction pour être moins intimidé·e --plaisanter, critiquer, ...-, ce sera perçu comme une confirmation de la sensation de départ, avec les réactions défensives qui peuvent l'accompagner, alors que le·a client·e a précisément eu la sensation inverse).
A la fin de la lecture, et même sans le tableau récapitulatif de Cooper des points communs et différences avec d'autres approches (TCC classiques et 3ème vague, approches psychodynamiques, humanistes, ... et il ne classe toujours pas l'ACP dans les approches existentialistes, grrrr), difficile d'imaginer un modèle thérapeutique qui fait l'impasse sur la relation thérapeutique (enfin j'espère!), le questionnement des perceptions, la négociation entre choix et limites, ... Et si les TCC classiques se préoccupent peu du sens de la vie, on ne peut pas en dire autant des TCC 3ème vague. L'aspect pluridisciplinaire est renforcé par le témoignage de l'auteur que dans son parcours de patient/client ce ne sont pas nécessairement les thérapies existentialistes qui l'ont le plus aidé, ou encore par des références fréquentes à la psychologie sociale (en particulier Système 1/Système 2, qui parle en effet avec une éloquence désobligeante des limites de nos perceptions).
La lecture en plus d'être enrichissante est fluide et magnifiquement articulée à la pratique thérapeutique, le livre est peut-être à recommander plus encore aux thérapeutes qui ne s'inscrivent pas dans le courant existentialiste, pour enrichir leur pratique ou éclairer des points flous ou aveugles qui peuvent émerger dans l'espace thérapeutique.
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