vendredi 1 mars 2024

Introduction aux thérapies comportementales et cognitives (TCC), de Cyrille Bouvet

 


 Comme le titre l'indique, le livre présente, vous ne le devinerez jamais, les thérapies comportementales et cognitives. Assez présentes en tout cas dans l'imaginaire des thérapeutes, souvent célébrées comme évidemment supérieures à toutes les autres approches ou dénigrées comme étant l'incarnation d'une démarche antithérapeutique (tiens tiens, comme la psychanalyse...), le livre permet de savoir à travers des développements synthétiques en quoi elles consistent vraiment, leurs atouts et leurs limites.

 Comme le nom le souligne, si les TCC sont souvent désignées comme une approche (je suis le premier à faire ça), elles consistent en un ensemble de modèles théoriques qui s'y sont greffés avec le temps ("Les TCC sont un regroupement et une mise en cohérence de diverses thérapies qui, au départ, étaient indépendantes les unes des autres. En ce sens, on pourrait donc dire qu'il s'agit d'une approche intégrative."). La pluralité est telle que, dans un chapitre, la psychologie positive fait partie des TCC et dans un autre c'est une méthode proche des TCC! Les interventions, au cours du processus thérapeutique, vont avoir lieu, vous l'aurez compris, au niveau comportemental (s'exposer progressivement aux difficultés de façon à ce qu'elles soient de plus en plus supportables) et cognitif (interroger la rationalité des pensées qui font du mal et entretiennent un sentiment d'impuissance et proposer des alternatives) mais aussi corporelles (exercices de relaxation, pratiqués d'abord en cabinet avec le·a thérapeute puis en autonomie) et, en particulier pour les TCC dites de troisième vague, émotionnelles (ce qui peut passer exemple par l'accueil de la subjectivité comme en ACT où ce qui est important pour le·a patient·e est au centre, ou par des exercices d'entraînement pour distinguer pensées, émotions et faits pour enrayer des spirales négatives).

 Ce qui les distingue en particulier des autres approches est que les protocoles sont régulièrement évalués par la recherche scientifique, ce qui permet de les modifier et de conserver les exercices et les plans d'action les plus efficaces. L'autre spécificité est qu'elles sont centrées sur le problème : le·a patient·e arrive avec une difficulté à résoudre, le·a thérapeute propose des solutions, avec des objectifs mesurables. La grande richesse du livre est d'ailleurs selon moi que les TCC sont présentées à travers leur spécificité : les autres approches sont décrites de façon respectueuse, et les limites des TCC ne sont pas dissimulées, le tout, ce qui fait d'autant plus honneur à l'auteur, sans fausse neutralité. C'est particulièrement visible lorsque le sujet de la preuve scientifique est abordé. La démarche scientifique est présentée (hypothèse, expérimentation, groupe contrôle, tout ça...) avec ses intérêts et ses limites, ça reste classique, mais l'effet dodo, pourtant bien confortable à nier pour les défenseur·se·s des TCC, est présenté en longueur : dans les recherches qui font aujourd'hui consensus, parmi les nombreux critères qui font l'efficacité d'une thérapie (qualité de la relation, rapport du ou de la patient·e à ses difficultés, gravité des symptômes, ...), la méthode utilisée certes a une influence, mais qui est loin d'être la plus élevée, ce qui permet tel le dodo d'Alice au Pays des Merveilles qui arbitre une course autour d'un lac sans mesurer les distances parcourues, de proclamer "Everybody has won and all must have prizes". Pour le dire plus vite, une méthode ultra efficace avec, par exemple, une relation thérapeutique déplorable, aura moins d'effet qu'une méthode pseudoscientifique avec une excellente relation thérapeutique (ou autre critère plus important que la méthode utilisée). Limite supplémentaire : une recherche scientifique implique de délimiter précisément l'objet étudié, ce qui crée un point aveugle, par définition, sur ce qui n'est pas circonscrit et anticipé (contexte, effets positifs ou négatifs inattendus, ...).

 Bien que la précision soit au centre (la dernière partie du livre consiste en des exemples de protocoles pour différents problèmes comme le traumatisme, les troubles du comportement alimentaire, les phobies... ce qui montre à quel point les différentes composantes des TCC s'articulent, et que cette articulation ne doit pas se faire de la même façon selon les situations), l'auteur rappelle régulièrement à quel point la relation thérapeutique est un élément capital, y compris pour des considérations extrêmement pratiques. Par exemple, la définition du problème à résoudre doit dépendre des besoin du ou de la patient·e, et non du projet et des compétences du ou de la thérapeut·e : certes un programme réaliste doit être proposé, mais il est indispensable que ledit projet ait du sens pour la personne accompagnée. Plus technique, pour la partie cognitive, il va de soi que les interprétations alternatives proposées doivent rester réalistes pour le·a patient·e, il importe donc particulièrement d'être extrêmement attentif·ve à ses représentations.

 La promesse d'un livre accessible et factuel est largement tenue, mais comme je le disais plus haut avec une richesse et une subjectivité qui sont loin d'aller de soi dans ce type de format. Le livre pourra intéresser les thérapeutes (enfin, pas les thérapeutes TCC qui vont peut-être s'ennuyer quand même!), les étudiant·e·s en psychologie... ou les personnes intéressées par la santé mentale en général.

(je me rends compte à la fin du résumé que l'édition que je présente est la 1ère édition, de 2014,  il y en a eu une autre depuis)

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