lundi 28 novembre 2022

Existential Therapies, de Mick Cooper


 Si le terme de thérapie existentielle évoque des noms (Yalom, Frankl, un certain Carl Rogers, ...) et une approche spécifique de la thérapie (confrontation directe ou articulation de la demande initiale à des sujets tels que, par exemple, la peur de la mort ou de la solitude, constitutifs du statut d'être humain plutôt que d'un problème à régler), Mick Cooper constate que les choses se compliquent dès qu'on cherche à être plus précis·e. Il propose dans ce livre un survol (avec largement assez d'éléments pour approfondir de façon beaucoup plus technique) de différents modèles théoriques qui relèvent de la thérapie existentielle, et dont les différences expliquent que ce courant, s'il existe indéniablement, n'est pas si simple à définir.

De la Daseinanalyse très proche de la psychanalyse (mais qui s'en distingue par exemple en rejetant le déterminisme du passé) aux approches existentielles-phénoménologiques contemporaines (Van Deurzen et Spinelli) en passant par exemple par la logothérapie de Viktor Frankl et l'approche radicale de la psychatrie de Ronald Laing, les différents modèles théoriques sont détaillés, accompagnés d'une bibliographie commentée (ma liste de livres à lire a pris un peu de volume), des données scientifiques disponibles en particulier sur l'efficacité observée, des critiques les plus valides de chaque proposition et, pour rendre l'ensemble plus concret, de la thérapie (fictive) de Siân, qui exprime très peu ses émotions et semble avoir beaucoup de mal à s'y connecter, en souffrance dans sa relation avec sa compagne Hanako qu'elle trompe d'ailleurs avec son ex Rachel (elle va mieux à la fin et, heureusement, ne semble pas trop déstabilisée de se voir appliquer successivement différentes propositions thérapeutiques!).

 L'auteur situe les différences entre les approches sur neuf axes : l'expertise (est-ce que le·a thérapeute estime qu'iel sait mieux que le·a cliente quelle attitude adopter face à ces difficultés?), la directivité (est-ce que la thérapie va suivre un déroulement ou un programme strict ou est-ce qu'elle sera une co-création client·e-thérapeute), l'opposition explicatif/descriptif (est-ce que l'exploration de soi s'appuiera sur des explications du ou de la thérapeute ou, de façon plus phénoménologique, sur le récit du ou de la client·e), la pathologisation (tel ou tel fonctionnement est générateur de souffrance voire relève d'un diagnostic) ou son refus, l'utilisation ou non de techniques, la primauté ou non de l'ici et maintenant, les fondamentaux plutôt philosophiques ou plutôt psychologiques, l'appui sur ce qui convient à chacun·e individuellement ou sur des préceptes universels, et l'invitation à se centrer sur ou à se décentrer de ses perceptions subjectives. Il précise toutefois que chaque approche se situe sur un spectre et non un point de chaque axe et, pour les personnes qui trouvent que ce n'est pas assez compliqué comme ça, qu'à l'intérieur de chaque approche chaque thérapeute peut bouger sur chacun de ces axes en fonction de ce qu'iel estime pertinent selon le·a client·e ou la situation.

 Le livre s'ouvre en conclusion sur les défis qui attendent, selon l'auteur, les thérapies existentielles, dont une meilleure identification des protocoles thérapeutiques, des liens plus ambitieux avec la recherche scientifique (ce qui implique des méthodologies adaptées aux spécificités de la thérapie existentielle), ou une prise en compte ouverte et rigoureuse de la diversité (fluidité de genre, handicap, islamophobie, ...) (pour l'exemple du handicap, il propose une vision qui ne pathologise pas le handicap mais le manque d'adaptation du monde au handicap, un point de vue porté avec éloquence par exemple ici ) en indiquant que la thérapie existentielle a les outils pour porter ces sujets avec force ("peut-être que, dans les années à venir, les approches existentielles ne vont pas juste prendre en compte ces sujets, mais vont constituer une influence majeure pour s'y attaquer").

 La promesse de l'introduction, de présenter les thérapies existentielles dans leur diversité avec différents niveaux d'exigence selon l'ambition des lecteur·ice·s, est largement tenue, mais malheureusement réservée pour l'instant, si je ne me trompe pas, aux lecteur·ice·s anglophones.

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