samedi 6 juillet 2024

Client Issues in Counselling and Psychotherapy, dirigé par Janet Tolan et Paul Wilkins

 


  Le titre m'a un peu induit en erreur : je m'attendais à ce que le sujet soit les difficultés des client·e·s dans la relation thérapeutique, alors qu'il s'agit plutôt de porter un regard centré sur la personne sur des problématiques spécifiques (deuil, troubles du comportement alimentaire, addictions, ...). Je reste perplexe par rapport au titre (problématiques des client·e·s, ça me semble être un pléonasme... ou en tout cas si le livre portait sur les cas où le·a thérapeute est sujet·te à l'addiction, à l'automutilation, à la psychose ou à l'anxiété, en effet ce serait important de le préciser!), mais ce livre à plusieurs voix (on retrouve notamment Rose Cameron ou Richard Bryant-Jefferies qui ont déjà été présents sur ce blog), qui réunit les deux univers a priori opposés de la psychopathologie et de l'Approche Centrée sur la Personne, a de quoi apporter beaucoup à travers ses courts chapitres.

 Janet Tolan le rappelle dans la conclusion, le livre n'est certainement pas une invitation à voir le·a client·e à travers le prisme de sa problématique, fut-elle une de celles présentées dans le livre ("ce serait une erreur de se concentrer sur le problème présenté et de le soigner à l'exclusion de tout le reste"). Si c'est un rappel qui pourrait paraître indispensable dans la mesure où l'Approche Centrée sur la Personne consiste à donner les moyens à la personne accompagnée de s'accomplir pleinement, et certainement pas de soigner un symptôme ou une pathologie, le reste du livre le rend presque superflu. En effet, la grille de lecture de l'ACP est omniprésente, et les informations données, les situations concrètes évoquées, sont surtout une invitation à ne pas dévier des fondamentaux. Rester avec la personne là où elle en est, l'accompagner dans son univers, ça peut être déstabilisant lorsqu'elle est délirante, effrayant lorsqu'elle s'automutile, ou se met en danger comme dans les troubles du comportement alimentaire. Maintenir le non jugement, avoir confiance dans le processus, peut être particulièrement difficile quand la personne est dans un comportement d'addiction qui semble autodestructeur (Rose Cameron démontre que si elle est consciente que ce ressenti peut être fort, l'addiction est bel et bien cohérente avec la théorie rogérienne de l'actualisation).

 Ce regard théorique est à la fois original et précieux, mais les chapitres, courts (une quinzaine de page chacun, autant dire que le·a lecteur·ice n'est pas noyé·e sous les apports théoriques), sont fortement axés sur la pratique la plus terre à terre. L'idée n'est pas de préparer une thèse, mais de mieux accompagner. Rose Cameron explique par exemple que certains moments de ses séances ressemblent plus à une conversation qu'à un moment thérapeutique, car les client·e·s peuvent en avoir besoin pour apaiser un stress important (mais elle reste vigilante à se demander à chaque fois pourquoi elle le fait, à rester centrée sur l'autre et ne pas basculer l'attention sur elle, et à rester authentique), ou encore mentionne deux fois où elle a évoqué le problème d'alcoolisme de la personne accompagnée avant elle. Dans un cas, ça a été au service de la relation thérapeutique, dans l'autre, le client (elle avait interprété l'odeur d'alcool ce jour là comme un appel pour elle à s'emparer du sujet) l'a très mal vécu. Pour elle, la différence est qu'ils n'en étaient pas au même stade de développement rogérien (Rogers détaille 7 stades de développement dans Le développement de la personne, dans lesquels entre autre la personne se responsabilise plus, accepte mieux les évènements extérieurs, a une plus grande flexibilité mentale et une plus grande conscience de sa subjectivité, ...), respectivement au stade 4 et 1.

 La lecture est rapide mais le contenu est solide, l'expérience des auteur·ice·s transparaît clairement, et je pense que l'ouvrage est précieux à avoir sous la main pour des rappels quand on fait face à telle ou telle difficulté. Il est en revanche explicitement axé sur l'Approche Centrée sur la Personne, et les personnes utilisant d'autres approches en profiteront probablement moins.

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