La nouvelle tombe. Julius, psychiatre, a de nombreux médecins de différentes spécialisations dans sa patientèle, et a donc pu demander à son interlocuteur, de confiance, d'être direct : les examens complémentaires faits suite à ces premiers symptômes un peu inquiétants confirment les pires craintes. Tous ses efforts pour préserver sa santé ne l'ont pas empêché d'être atteint d'un cancer grave. Il ne lui reste plus qu'environ un an à vivre.
Poussé brutalement à s'interroger sur le sens de sa vie, ce thérapeute passionné pense à ses patient·e·s, et le fil de ses pensées le pousse à s'interroger sur ceux et celles qu'il n'a pas pu aider. Un nom se démarque nettement, celui de Phillip, chercheur en chimie séduisant qui cherchait à ne plus être à la merci de sa sexualité compulsive, d'autant qu'il avait bien identifié l'insatisfaction permanente dans laquelle il était maintenu : le moment de plaisir à peine passé, un sentiment de vide revenait, qui l'amenait à partir à la recherche d'une nouvelle conquête qui ne pouvait que renouveler le cycle, et ce parfois trois fois dans la même journée. Julius a investi toute son énergie et sa créativité, avec acharnement, pendant trois ans, et ce sans résultat. Comment va Phillip aujourd'hui?
Phillip accepte de le rencontrer. Il va mieux, et a décidé de... devenir thérapeute! Non, ce n'est pas Julius qui l'a aidé, même de façon différée, il le dit de façon extrêmement directe et sans montrer le moindre signe de sympathie pour la situation. Il a pourtant trouvé le clinicien qui pouvait le comprendre vraiment, celui qui a su trouver toutes les réponses, son sauveur. C'est... Arthur Schopenhauer. Mais il reconnaît que Julius est objectivement un excellent thérapeute, et aimerait l'avoir comme superviseur. Julius pose une condition : qu'il intègre le groupe thérapeutique qu'il suit en ce moment. C'est un choc culturel : nouveau dans ce groupe de personnes qui se connaissent, dans cet espace dédié à l'expression des ressentis alors qu'il ne lui arrive jamais d'être surpris à ne serait-ce que lever un sourcil, il ne montre pourtant aucun signe du stress que chaque nouveau·elle a nécessairement. Ce groupe où il n'avait pas demandé à être s'avère pourtant vite riche en opportunités de partager la sagesse indépassable de Schopenhauer, en interrompant les échanges pour citer doctement des extraits de son œuvre magistrale. A la grande surprise (un peu teintée d'agacement) de Julius, c'est très apprécié, et il trouve vite sa place. C'est tout de même ce sage qui l'a libéré, qui lui a enfin fait comprendre que la vie était faite de souffrance et qu'il fallait se tenir à distance de tous espoirs et tentations, et surtout des créatures méprisables que sont les autres bipèdes. La moindre des choses, c'est de diffuser une parole si précieuse (de la façon la plus inexpressive possible, semble-t-il).
Une absente du groupe refait alors surface, comme prévu, et elle s'y connaît aussi en mise à distance de tous espoirs et tentations puisqu'elle rentre d'un séminaire de méditation intensif en Inde, envers lequel elle a des sentiments partagés. Il s'avère qu'elle connaît Phillip, et elle fait savoir de façon pour le moins directe que ses sentiments envers lui sont infiniment moins nuancés : elle et sa meilleure amie ont fait partie de ses élèves quand il enseignait la philosophie, il y a 15 ans. Il a eu une liaison avec sa meilleure amie, d'environ deux semaines. Il l'a séduite en même temps, et s'est débarrassé, comme à son habitude, de ces personnes bien encombrantes dont il n'avait plus l'utilité. Sa meilleure amie, qui pensait débuter une relation sérieuse, l'a très mal pris, et elle a encore plus mal pris quand elle a vu une liste de ses conquêtes pendant cette période, avec le nom de Pam tout en haut (Phillip juge important de faire savoir que la liste n'avait pas vocation à être publique, et que ce n'était pas un tableau de chasse mais un outil mnémotechnique parce qu'au bout d'un moment il avait du mal à suivre et c'est quand même mieux de se souvenir des prénoms de ses différentes partenaires et de qui aime quoi).
Entre invectives et soutiens, les différentes personnalités du groupe vont évoluer et se faire évoluer au fil des rencontres, les espaces les plus rigides devenir très progressivement plus malléables, comme en thérapie individuelle mais dans un espace qu'on pourrait plutôt penser défavorable à ces processus (confrontations parfois virulentes, multiples regards extérieurs qui ne se sont en rien engagé à avoir la bienveillance du thérapeute, ...), le tout en accompagnant Julius vers ses derniers jours, lui-même continuant à s'observer comme thérapeute, s'interroger sur ses points aveugles, perturbé par ses difficultés, se réjouissant de ses réussites. La vie et l’œuvre de Schopenhauer, misanthrope boursouflé d'orgueil mais aussi inspirateur de figures majeures comme Nietzsche et Freud, sont commentées de façon intercalée avec la vie du groupe. Le philosophe allemand ne changera pas, même dans ses dernières heures, d'attitude ni de vision, mais il n'a jamais, c'est le moins qu'on puisse dire, participé à un groupe thérapeutique. Est-ce que Phillip, après un an de rencontres intenses, va être conforté dans sa vision, ou est-ce que quelques fissures vont apparaître dans son imposante armure de dogmatisme?
En général je finis les résumés en disant si j'ai apprécié le livre et pourquoi, mais, bon... c'est Yalom! L'éloge est aussi évident que superflu.
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