Vous pourrez trouver un splendide résumé de la seconde édition de ce livre ici , aussi j'aurais pu céder à la flemme dont l'appel s'est par ailleurs fait pressant, mais j'ai réalisé que si le livre avait, évidemment, changé entre deux éditions, j'avais moi aussi changé depuis la lecture du livre précédent, donc je me lance quand même dans une nouvelle présentation, qui sera probablement complémentaire avec la première.
S'il est question de tribus de la nation ACP, il ne sera question que des tribus qui concernent la thérapie, ce qui n'est absolument pas explicite dans le titre (on apprendra d'ailleurs dans l'introduction que certain·e·s parlent d'Approche Centrée sur le·a Client·e pour évoquer la sphère strictement thérapeutique de l'ACP). Le travail de Carl Rogers dépasse en effet largement le cadre du cabinet, puisqu'il s'est préoccupé avec ambition de l'application de ses principes à la pédagogie, et même à la société en général. Ceci explique peut-être l'absence, qui m'interroge beaucoup, de la CNV parmi les tribus présentées. L'absence d'un chapitre consacré aux groupes de rencontre, qui par ailleurs tenaient particulièrement à cœur à Rogers, m'intrigue infiniment plus.
Il est question de tribus d'une même nation, mais la démarche m'évoque bien plus les branches d'un même arbre. Les tribus peuvent être des spécialisations fortes de l'ACP comme la play therapy, le focusing, la pré-thérapie, l'art-thérapie centré sur la personne ou encore l'ACP spécialisée dans l'accompagnement des personnes dépressives, qui existe surtout pour des raisons institutionnelles (être prise en charge dans le système de santé britannique) ce qui ne la rend pas moins intéressante, des pratiques distinctes mais très voisines comme l'Emotion-focused therapy ou l'entretien motivationnel, ou des orientations d'une pratique classique comme la sensibilité aux thématiques existentielles ou l'ACP intégrative.
Le livre a pour ambition d'être accessible aux étudiant·e·s comme aux expert·e·s. Pour avoir lu la seconde édition à peu près en milieu de formation et celle-ci en l'ayant finie depuis un peu plus d'un an, je peux dire que cette histoire de tribus est beaucoup moins floue quand on sait au moins approximativement avant la lecture en quoi consiste chacune. En revanche, c'est toujours précieux d'avoir un support qui reprend les fondamentaux de façon exigeante et donne des propositions de lecture de qualité pour approfondir. Mais, j'insiste, j'ai du mal avec l'analogie du titre, dans ma tête ce sont des branches. Comme indiqué dans la conclusion, les fondamentaux sont présents partout (respect profond des ressources des client·e·s, importance de l'aspect relationnel et du travail sur les émotions, ...), et les approches présentées vont généralement soit amplifier un aspect, comme le focusing ou l'Emotion-focused therapy, se spécialiser, comme l'art-thérapie, ou s'adapter à un public particulier, comme la play therapy ou la pré-thérapie. Certes il peut y avoir des divergences sur le niveau de non-directivité et d'interventionnisme, et c'est rappelé, mais le terme de "tribu" suggère, pour moi, des divergences plus profondes sur le sens de la même approche, et non des déclinaisons de cette approche qui ont du sens et une légitimité et dont l'une n'empiétera pas sur le terrain de l'autre.
Dans la conclusion, Mick Cooper se réjouit que les débats soient plus cordiaux entre les tribus (il dit que dans certaines conférences ça a été à la limite de la bagarre, comme quoi, l'approche positive inconditionnelle...) et souhaite que ce développement en tribus continue. Il donne l'exemple d'une pratique de l'ACP qui serait adaptée aux autistes ou aux personnes trans, ce qui m'intrigue particulièrement (en dehors d'un·e thérapeute dont les stéréotypes -au mieux- ou le conservatisme -au pire- ne vont pas dégouliner pendant la séance, en quoi les personnes trans auraient besoin d'une écoute différente de celle des personnes cis? quand aux autistes, ce terme recouvre de nombreuses réalités différentes), ou encore déplore que l'ACP soit encore trop ethnocentrée et pas assez intersectionnelle, une critique pour le moins légitime pour une approche créée par un homme blanc occidental (et relayée par un homme blanc occidental, ce que Cooper reconnaît). Je pense que sur ce point l'ACP prend la bonne direction, puisque les préoccupations interculturelles sont souvent présentes dans la revue scientifique Person-Centered and Experiential Psychotherapies (et c'est le moins qu'on puisse exiger d'une approche qui dès ses racines mettait l'accent sur la subjectivité, l'aspect arbitraire des normes sociales, la diversité des points de vue et leur horizontalité).
Un hommage est rendu à Pete Sanders, directeur de l'ouvrage précédent et maintenant décédé, et qui a co-écrit deux chapitres.
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