jeudi 14 novembre 2024

Violences et traumatismes intrafamiliaux, dirigé par Alessandra Duc Marwood et Véronique Regamey

 


 Ce livre est le partage d'environ 10 ans d'expérience, en particulier dans la clinique Les Boréales, de la thérapie extrêmement exigeante des violences intrafamiliales. Exigeante parce que les émotions vécues par les thérapeutes peuvent être particulièrement dures, parce que les interlocuteur·ice·s sont multiples et ont généralement une vision aussi intransigeante que divergente de la vérité et vont rechercher des alliances ("avoir la conviction que notre subjectivité est l'objectivité nous aveugle"), parce que le statut de thérapeute va avec celui de représentant·e des institutions qui, aux yeux des victimes, sont défaillantes voire complices des violences ("plus la victime est confrontée jeune aux transgressions plus il est difficile de croire en la capacité des adultes de contenir, protéger, instaurer des règles et des cadres sécurisants", "on exige d'elle qu'elle suive les procédures pour porter plainte, solliciter de la protection, et en même temps rien n'est exigé de l'auteur.e qui bénéficie de la présomption d'innocence jusqu'au moment du jugement", ...), ...

 Si la théorie est présente (sur les violences conjugales par exemple, chapitre qui évoque l'impact des violences sur les enfants, ou sur les violences des parents sur les enfants, avec les différentes attitudes possible du parent qui n'exerce pas directement de violences -complicité, discrétion, culpabilité, conflit, ...-), elle laisse vite la place à de nombreuses propositions pratiques. Un travail efficace en réseau, par exemple, est indispensable, à la fois pour ne pas perdre les patient·e·s ni les différent·e·s intervenant·e·s, mais aussi pour ne pas se perdre soi (entre les différents rôles qu'on pourrait être tenté de tenir, ou encore dans une alliance qui éloignerait d'une attitude thérapeutique avec l'ensemble des personnes concernées).

 Plus inattendu mais tout aussi riche : une large part est laissée à la multiplicité des formes d'intervention. En effet, travailler sur le traumatisme est extrêmement délicat (la fenêtre de tolérance est souvent évoquée), et un travail classique purement verbal trouve rapidement ses limites ("Nous avons dans un premier temps tenté de mettre des mots sur le vécu intérieur de nos patients en leur prêtant nos ressentis, ou en déduisant de leurs discours, de leurs expressions, ce qu'ils devaient vivre. Rapidement, nous avons constaté que cette attitude était vécue comme une agression nouvelle."). Des moyens sont donc développés pour contourner cette difficulté, mais aussi pour permettre un travail avec des enfants qui ont des modalités d'expression et d'élaboration différentes ou encore de faciliter la communication, par le symbolique, sur des sujets conflictuels : mandalas, symbolisation par des objets ("le sac à dos car je ne sais pas quoi faire de ma colère. Il faut pardonner mais je ne veux pas pour le moment. Je veux porter ma colère pour ne pas minimiser. C'est grave ce qui m'est fait"), cartes Dixit (jeu de cartes illustrées créé par un thérapeute), contes ("lorsqu'on lit un conte à des patient.e.s, on a tendance à imaginer qu'ils/elles s'identifient aux héros.ïnes. Mais lorsqu'on les interroge, c'est rarement le cas"), travaux de groupe qui permettent de contourner la méfiance de l'institution...

 Les apports théoriques sont importants en soi, mallette de déminage pour des situations pour le moins explosives, mais surtout la diversité des approches thérapeutiques complémentaires, qui permettent autant de modalités d'expression et de respect du rythme des personnes accompagnées, est d'une grande richesse au delà du thème spécifique des violences intrafamiliales.


vendredi 25 octobre 2024

On tue les petites filles, de Leïla Sebbar

 


 Ce livre, pionnier, a été réédité en 2024. Cette "enquête sur les mauvais traitements, sévices, incestes, viols contre les filles mineures de moins de 15 ans, de 1967 à 1977 en France", ce recensement extrêmement cru qui s'appuie sur des rapports médicaux, dossiers de prison, témoignages destinés à la radio (l'émission de Menie Grégoire), des entretiens avec des condamné·e·s et des professionnel·le·s de police et de justice mais aussi directement avec des adolescentes, est la preuve, la trace écrite, que les informations, déjà en 1978, étaient déjà largement disponibles pour prendre la mesure de l'ampleur de ces violences, de leur caractère systémique.

 Violences physiques pouvant aller jusqu'à être mortelles, souvent sur de très jeunes enfants au moment où ils refusent de manger, inceste, viols par des inconnus voire viols collectifs, pornographie qui contourne ou ignore l'interdiction de faire figurer des personnes mineures avec parfois des textes particulièrement obscènes pour insister sur le fait que des adolescentes ou des pré-adolescentes sont représentées voire filmées, le récit est direct, les détails les plus insoutenables sont rapportés, la vérité est présentée telle qu'elle est comme pour briser sans concession un mur du silence. C'est insupportable, et pourtant ça arrive, massivement, quotidiennement.

 L'euphémisation peut venir des paroles des auteur·ice·s de violences ("l'autopsie, c'est d'une certaine manière le seul moment de vérité"). Une chute de l'enfant de sa chaise pour éviter un coup de martinet qui l'atteint à l'épaule, chute où sa tête percute le sol, avant qu'elle ne soit secouée, puis des coups répétés sur la tête avec le manche du martinet qui ne cesseront que lorsqu'elle s'étouffe et ne bouge plus ("souvent les mères racontent qu'elles ont donné gifles et coups à un enfant, sans penser qu'il pouvait en mourir. Un enfant ne meurt pas si facilement"), devient "je lui ai dit : "Bébé, dépêche-toi, maman va se fâcher." La petite a continué à mâcher lentement. Je prends le martinet. Elle continue aussi lentement. Je lui donne un coup de martinet... la petite tombe en arrière en se coinçant le pied dans la table. Je lui ai demandé : "Tu as mal?", la petite a secoué la tête. Je lui ai sorti quelques morceaux qui lui restaient dans la bouche et je l'ai envoyée se coucher toute seule." Le père ou le beau-père incestueux (souvent le beau-père, dans les récit rapportés) initie à la sexualité, cède à une séduction, voire protège sa victime des avances de garçons de son âge (parfois en étant violents physiquement... envers elle). Les hommes qui violent à plusieurs une adolescente dans une cave ne font qu'échanger avec une personne consentante (la victime rapporte que son acceptation a été arrachée par des menaces et des violences physiques), voire donnent une leçon à une allumeuse, et s'estiment victimes d'injustice quand le tribunal, à leur grande stupéfaction, les condamne.

 Les professionnel·le·s de police et de justice étalent également sans retenue leurs préjugés, même si certain·e·s prennent la mesure des faits avec lucidité et agissent. Les fugues, même quand les violences sont explicitement dénoncées, ne donnent pas lieu aux mesures de protection nécessaires. La sexualité active d'adolescentes, allant jusqu'à la multiplicité des partenaires lors de fugues voire à la prostitution, joue parfois contre les victimes, jugées trop légères, au lieu d'alarmer sur des violences sexuelles subies en amont. L'aspect systémique transparaît également à travers l'omniprésence des violences : les pères incestueux sont souvent auteurs de violences conjugales, et les mères violentes, presque toujours, subissent ou on subi des violences lourdes. L'autrice alarme d'ailleurs sur le risque de répétition, parfois de façon un peu rapide et stigmatisante (un passage en particulier suggère qu'une victime est condamnée à être violente à son tour et maintenir le cycle), mais ce sont des propos qui sont tenus dans le cadre d'un travail pionnier, dont la modernité générale paraît presque insolite tant il n'a pas été suivi d'effets.

 Ce livre, signal d'alarme qui n'a pas été écouté comme il aurait du l'être, est le rappel bien trop éloquent que la raison de l'insuffisance de la lutte contre les violences subies par les enfants, les adolescentes, puis plus tard par les femmes adultes (violences conjugales et sexuelles) n'est pas l'ignorance.

samedi 12 octobre 2024

Cartes des pratiques narratives, de Michael White

  Un enfant souffrant de TDAH qui arrive progressivement à s'adapter de la façon qui lui convient plutôt que de renoncer à tout contrôle sur ses symptômes à partir du moment où il commence à parler de son trouble (rebaptisé "TAH") comme d'une personne extérieure, un jeune adulte violent et délinquant qui communique mieux avec ses proches et choisit de changer de vie après que l'attention ait été portée sur un moment où il a réussi à et surtout choisi de sortir de la pièce dans une situation conflictuelle plutôt que de rentrer dans un mécanisme d'escalade, ces situations, et d'autres, généralement présentées très en longueur, sont utilisées pour décrire les mécanismes de la thérapie narrative, que l'auteur a co-créée avec David Epston.

 La thérapie narrative permet de sortir d'une situation qui semble bloquée en construisant, avec le·a patient·e, un récit alternatif, qui a la spécificité de ne pas être fictionnel mais bien réel, et qui permet d'accéder à une autre lecture et surtout à d'autres perspectives. S'attarder sur un moment contradictoire avec ce blocage apparent, c'est montrer par l'expérience qu'un autre chemin est possible, point de départ qui permet d'élaborer avec la personne concernée ce qu'elle souhaite vraiment, en commençant par explorer avec elle ce qu'elle a effectivement voulu au moment où elle a agi dans un sens différent. Le mécanisme thérapeutique permet de sortir de l'impuissance, puis de dessiner un chemin, chemin qui partira des représentations et désirs du ou de la patient·e.

 Le livre présente des vignettes cliniques sur la longueur, ce qui permet de bien comprendre la temporalité et surtout le fort aspect co-opératif : le·a thérapeute n'assène pas une réalité mais questionne, avec patience si nécessaire, sur ce moment qui a montré qu'autre chose était possible, ce que la personne a vécu, ressenti, ce qui l'a motivée. Les vignettes cliniques sont suivies de développements plus techniques qui permettent de mieux comprendre comment mener ces entretiens, comment orienter vers un changement.

 Malgré les efforts de pédagogie et la structure qui a priori s'y prête parfaitement, je n'ai malheureusement pas pu saisir finement les mécanismes présentés, je ne sais pas si c'est un manque de clarté des explications ou juste moi et mon état de fatigue (l'explication n°2 est extrêmement plausible). Pas de "heureka" pour nourrir ma pratique donc, et pourtant j'aurais bien voulu et je suis convaincu qu'à peu de choses près ça aurait pu, car autant la démarche que les moments forts relatés dans les vignettes cliniques m'ont plutôt convaincu.

samedi 21 septembre 2024

Humanistic Psychotherapies. Handbook of Research and Practice, dirigé par David Cain, Kevin Keenan et Shawn Rubin


  Dans un souci de crédibiliser les thérapies humanistes et de les faire évoluer sur des bases solides, les auteur·ice·s ont entrepris un travail d'envergure de lecture détaillée de la recherche scientifique, d'une part pour confirmer que ça marche, et d'autre part pour comprendre le plus finement possible ce qui marche. Et le travail d'envergure a été fait deux fois, puisque la seconde édition date de 2016 et la grande majorité des chapitres contient un commentaire détaillé de la recherche avant les années 2000, et après (la première édition date de 2002).

 Le contenu, vous l'imaginez sans peine mais je vous le répète quand même (parce que je viens de me taper le livre), est extrêmement dense, et on en est presque au stade où chaque virgule est sourcée. Les fondements théoriques, l'histoire de la construction desdits fondements, ce qu'on sait de l'efficacité de tel ou tel modèle et d'où viennent lesdites connaissances, tout ça est détaillé pour les principaux modèles thérapeutiques des thérapies humanistes, soit l'Approche Centrée sur la Personne (David Murphy et Stephen Joseph, auteurs de ce chapitre, oublient de spécifier que c'est la meilleure approche de l'Univers, mais rappellent que la recherche a été importantes pour Rogers dès le début et qu'il a été un pionnier de l'évaluation scientifique des théories avancées), la Gestalt thérapie contemporaine (les Gestaltistes semblent juger très important de rappeler que la Gestalt d'aujourd'hui ne ressemble pas à l'entretien de Perls avec Gloria), le focusing, les thérapies existentialistes (j'ai par exemple appris qu'il y avait des preuves d'efficacité de la logothérapie sur la dépression) et la Thérapie Centrée sur les Emotions. Un chapitre est également consacré aux approches humanistes pour la thérapie familiale et de couple, et pour la thérapie avec les enfants.

 Mais, et c'est assez transparent que ça tient particulièrement à cœur aux auteur·ice·s, c'est sur ce qui aide dans l'attitude du ou de la thérapeute, et dans l'adaptation aux client·e·s, que le livre s'achève. L'importance de la relation, à de nombreux niveaux, est mise en avant ("les résultats scientifiques confirment très fortement la conclusion selon laquelle une bonne issue thérapeutique est associée aux fortes compétences relationnelles du thérapeute"), avec des informations, vous l'aurez compris, denses, pour l'intégrer au mieux dans la thérapie. Il est d'ailleurs déploré avec surprise qu'il ne semble pas y avoir de recherche sur l'effet du niveau d'implication du ou de la thérapeute dans la thérapie. Le contenu est exigeant, les auteur·ice·s le sont aussi, puisqu'ils ont des mots particulièrement forts sur le manque de remise en question général des thérapeutes : "C'est un choc de réaliser que l'efficacité thérapeutique ne tend pas à s'améliorer avec l'expérience professionnelle. Le fait que la confiance des thérapeutes, sinon leur expertise, augmente avec l'expérience, aide à expliquer ce constat regrettable.". Iels sont formel·le·s : continuer de se former (ce qui peut passer par lire, relire et rerelire leur livre, il y a de quoi s'occuper un moment pour tout intégrer!), ne pas surestimer son efficacité (des recherches citées montrent que c'est un défaut répandu), se remettre en question ce qui passe en grande partie par savoir écouter les client·e·s plus que sa propre expertise, ce n'est absolument pas négociable. Peut-être plus inattendu : avoir une approche de plus en plus intégrative est également recommandé.

dimanche 15 septembre 2024

Un an après le saut dans le vide : entre sensations d'envol et proximité alarmante du parpaing

 


  Il y a un an tout pile, donc, je rendais mon casque et mon badge de chargé d'assistance auto, pour une révolution physiologique (fini le travail de nuit! je rejoins l'univers des gens qui dorment la nuit) et professionnelle, puisqu'enfin je passais pro, nouvelle façon d'ancrer que, oui, je suis thérapeute.

 J'avais une énorme sensation d'euphorie, mais aussi beaucoup d'appréhensions. C'est peut-être une façon élégante de dire que j'avais beaucoup de représentations de la réalité, tout ayant fortement conscience que ce n'étaient que des représentations et que la réalité allait être mon souci principal, de façon très aiguë, dans les mois qui allaient arriver. Comme dit Lacan que je ne cite vraiment pas souvent, "le réel, c'est quand on se cogne", et il fallait trouver un équilibre entre limiter les risques d'impact et quand même me lancer un jour.

 Certains aspects qui me faisaient peur ont été beaucoup moins insurmontables que ce que je me représentais. L'administratif en particulier, il y a eu des moments relou mais en faisant les choses une par une c'est passé, j'ai créé mon entreprise, souscrit à une assurance pro et un organisme de médiation, et découvert qu'éditer des factures une fois qu'on a fait la liste des mentions obligatoires (et qu'on a un logiciel adapté pour le faire) (j'ai utilisé Invoice Ninja puis Henrri, pour les curieux·ses) ça n'a absolument rien de compliqué. Bon, pour autant je ne suis vraiment pas prêt de changer de statut, et j'ai une énorme flemme de demander le CEP (surtout que je suis déjà adhérent à la FF2P donc j'ai déjà une preuve que ma formation correspond à des critères qualitatifs interprofessionnels), mais par rapport à la montagne que je m'en faisais, ça va!

 Faire mon site était aussi un sujet d'inquiétude, mais si il y a eu beaucoup de réécritures, si ça a été un vrai travail, ça a aussi été un plaisir (merci Donatien pour les photos), les aspects techniques étaient largement gérables même avec mon niveau en  informatique, et en plus j'ai un logo qui me met en extase à chaque fois que je le vois (merci Dor Hud).

 Il y a aussi eu des demi-surprises. J'avais par exemple la conviction que, après avoir cumulé formation et travail en horaires décalés pendant 13 ans, j'allais enfin retrouver des horaires normaux. Certes c'est bien mieux qu'avant, mais ce n'est pas si simple. Être thérapeute à son compte, c'est évidemment recevoir des client·e·s, mais c'est aussi se former en autodidacte, se former pas en autodidacte (je vais bientôt ralentir sur cet aspect parce que le budget), s'occuper de sa visibilité ce qui peut recouvrir une infinité d'actions, ... Même quand le cabinet est vide ou presque, c'est un travail à plein temps, et surtout ça ne va pas toujours de soi de distinguer ce qui relève du travail et ce qui n'en relève pas. Lire ce livre ou regarder cette vidéo sur un sujet qui m'intéresse et qui a un lien avec la thérapie, travail ou non (quand ledit livre est un pavé ultra technique, évidemment c'est plutôt clair, quand c'est un roman autobiographique, ça l'est moins)? Quand je réponds au mail d'un·e ami·e que je connais dans le cadre de la formation, c'est de la vie sociale ou j'entretiens mon réseau? C'est une vraie libération de pouvoir gérer ses propres horaires plutôt que de composer avec le responsable grognon des plannings, mais c'est aussi un équilibrisme.

 Autre demi-surprise, la différence entre la pratique en formation et la pratique réelle. J'avais dit sur ce blog que dans les 2-3 dernières années de la formation on passait de l'écoute des personnes qui se forment à l'ACP à l'écoute de personnes de l'extérieur... en fait, oui et non. Les personnes que j'ai suivies dans le cadre de la formation l'ont été pendant à peu près 2 ans, donc elles ont eu le temps de s'habituer à ce modèle de thérapie. Les personnes écoutées dans le cadre de mon bénévolat à SOS Amitié savaient où elles appelaient, et pour des raisons mathématiques la plupart n'en étaient pas à leur premier appel. C'est très différent de recevoir des personnes qui cherchent "un psy" avec l'infinité de représentations, sur ce qui peut être attendu comme sur la façon de travailler, que ça peut recouvrir. Et enchaîner les premières séances, avec l'ajustement des deux côtés que ça implique, c'est énormément de stress, surtout quand ça s'ajoute aux autres aspects stressants de l'installation.

 Un aspect, en revanche, que j'avais largement sous-estimé (c'est peut-être un mal pour un bien, parce que je me serais lancé quand sinon?), c'est la difficulté à trouver des client·e·s. Pourtant c'est un sujet que je prenais au sérieux, puisque je l'avais déjà évoqué , et c'était en 2015. J'avais bien retenu l'info évoquée en supervision qu'il fallait 3 à 4 ans pour remplir un cabinet, mais j'avais plus intégré le moment où il finissait de se remplir en éludant adroitement ce que ça laissait entendre sur le moment où il commençait à se remplir (sujet critique : plus il se remplit vite, moins les réserves fondent, donc plus on a de temps).

 Dans ma tête, j'avais une piste (via des recommandations) pour avoir au moins quelques client·e·s dans un premier temps (avec le ralentissement de la fonte des réserves, et le bouche à oreilles, que ça implique). Dans ma tête, j'ai la chance de ne pas pratiquer une thérapie brève, donc je n'avais pas à me préoccuper de trouver des client·e·s tout le temps, la plupart de celles et ceux que j'allais trouver allaient rester. Dans ma tête, si vraiment j'étais coincé, j'allais faire une formation marketing et les client·e·s allaient arriver, c'est quand même une formation exprès pour ça et puis je pars de zéro donc je vais nécessairement apprendre beaucoup. Dans ma tête, en dehors de l'impression des cartes du cabinet, il n'y aurait pas spécialement de dépenses à faire pour la visibilité (je sais que j'étais hors-sol à ce point parce que je l'ai écrit noir sur blanc sur mon plan de financement). 

 Pour ce qui est de cette première piste, ça m'a rapporté zéro client·e·s (mais ça m'aura aidé à moins stresser au lancement, ce dont j'avais besoin aussi!). Les personnes qui cherchent un·e psy ne regardent pas nécessairement l'approche parce que ce n'est pas leur expertise parce qu'iels ont une vie, donc non, la plupart des client·e·s reçu·e·s ne sont pas resté·e·s longtemps (c'est probablement l'aspect sur lequel je me suis le plus planté). Et pour ce qui est de la formation marketing, si la partie "je pars de zéro donc je vais nécessairement apprendre beaucoup" était on ne peut plus vraie (pour juste prendre l'exemple de mon site, ça va du basique pour la mise en page de la page d'accueil au plus avancé pour la rédaction du "Qui suis-je?" -non, "je faisais un métier qui n'a rien à voir et j'ai eu une révélation", ce n'est pas original, aussi époustouflant que ça puisse paraître-), ce n'est pas pour autant une baguette magique donc certes c'était indispensable mais ça n'enlève pas le besoin de temps.

 Aspect qui n'arrange rien : ce qu'on met en place ne peut marcher qu'en différé (oui, décider d'aller en thérapie, ça prend du temps, choisir un·e thérapeute aussi), donc impossible d'évaluer en direct ce qui fonctionne ou non, avec les accès de découragement que ça peut impliquer. Très concrètement, j'ai eu ma première cliente à peu près deux mois après la création de l'entreprise (c'était aussi un moment magique parce que c'est le jour où j'ai récupéré le cabinet), ce qui voulait aussi dire deux mois à avoir l'impression d'être invisible même en sachant que c'est un lancement normal. Ensuite ça s'est développé très laborieusement mais ça s'est développé, jusqu'à fin mars/début avril où ça a chuté très brusquement (dont un retour de certaines semaines avec zéro consultations ce qui était dur à vivre pour moi) pour une remontée extrêmement laborieuse. L'angoisse s'est faite particulièrement intense quand l'approche des vacances d'été a coïncidé avec l'alarmante proximité de la fin de mes réserves financières : la deadline était à la fois concrète et quasi irréalisable (si le cabinet ne se remplissait pas à bloc en septembre-octobre, je devais me résoudre à rendre mon tablier). Plot twist fin juillet : j'ai finalement droit à des aides de France Travail, donc j'ai un sursis dont la durée va aussi dépendre de la vitesse à laquelle le cabinet se remplit, qui continue à être imprévisible (pour être extrêmement concret, j'ai eu des contacts sur le mois d'août et zéro depuis septembre, alors que c'est censé être l'inverse). Donc la stabilité est loin d'être acquise, mais elle reste réalisable, les mois qui arrivent le diront.

 Pour faire un bilan, l'enthousiasme est toujours là, le passage à la pratique réelle tient toutes ses promesses d'épanouissement même si la nécessité de se faire payer n'est pas la partie la plus sympa, j'ai toujours autant envie de pratiquer, toujours autant envie de me former. Mais j'ai aussi découvert la difficulté de gagner en visibilité, la complexité de cette partie du travail avec une diversité énorme (parler de son activité sans endormir les autres, se préoccuper des aspects plus techniques du référencement, utiliser les annuaires ou les média publicitaires qui fonctionnent, ...), ce qui certes est intéressant mais d'une part je n'ai pas le même enthousiasme pour ça que pour l'univers de la thérapie, et d'autre part vu l'enjeu ça s'accompagne d'un stress, voire d'une angoisse, qui ne sont pas négligeables. Je suis d'autant plus remonté contre les vautours qui s'emparent de cette angoisse avec des promesses de remplir le cabinet en trois mois avec leur méthode (si si, ça existe) parce qu'à un certain stade d'inquiétude on est vite prêt·e à faire n'importe quoi (je suis convaincu que je n'aurais pas fait certains choix si j'avais pu y réfléchir plus calmement, heureusement ce n'est jamais allé loin).

 Nous voilà à la fin de ce post de blog un peu détaillé et long, qui aura sûrement appris des choses à certaines personnes et aura constitué en un alignement de banalités pour d'autres. Même si j'aime râler, l'idée n'est pas tant de me plaindre (pour ça j'ai une psy en or et des amies d'une grande patience, cœur sur elles) mais de rendre visible une réalité, certes avec une grande part de subjectivité, qui n'est pas forcément la première qui vient à l'esprit quand on parle de la profession de thérapeute, ou plus généralement de réaliser sa vocation... et aussi de rendre visible cette réalité, comme je l'avais fait pour la recherche de stage en troisième année de licence, du point de vue d'une personne qui n'est pas meilleure qu'une autre et qui galère, parce que les conseils des personnes qui réussissent sont indispensables mais peuvent amener à se sentir seul·e quand on ne réussit pas ou quand on est en difficulté, alors que c'est rarement le cas, ça tend plutôt à être le contraire. Mon adresse mail est d'ailleurs pleinement dispo si vous souhaitez échanger sur ce sujet, que vous soyez dedans ou que vous hésitiez à vous lancer.

 Si vous souhaitez me donner un coup de pouce, vous pouvez bien entendu m'envoyer des client·e·s O:) ou plus simplement parler de moi, je reçois en cabinet sur Lyon et en visio dans le monde entier, en français ou en anglais, ou vous abonner à ma page Facebook et liker-commenter-partager les contenus (c'est du plus long terme mais c'est bien aussi, et puis j'essaye de faire des contenus intéressants!).

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samedi 14 septembre 2024

The Tribes of the Person-Centred Nation, dirigé par Mick Cooper (3ème édition)

 

 Vous pourrez trouver un splendide résumé de la seconde édition de ce livre ici , aussi j'aurais pu céder à la flemme dont l'appel s'est par ailleurs fait pressant, mais j'ai réalisé que si le livre avait, évidemment, changé entre deux éditions, j'avais moi aussi changé depuis la lecture du livre précédent, donc je me lance quand même dans une nouvelle présentation, qui sera probablement complémentaire avec la première.

 S'il est question de tribus de la nation ACP, il ne sera question que des tribus qui concernent la thérapie, ce qui n'est absolument pas explicite dans le titre (on apprendra d'ailleurs dans l'introduction que certain·e·s parlent d'Approche Centrée sur le·a Client·e pour évoquer la sphère strictement thérapeutique de l'ACP). Le travail de Carl Rogers dépasse en effet largement le cadre du cabinet, puisqu'il s'est préoccupé avec ambition de l'application de ses principes à la pédagogie, et même à la société en général. Ceci explique peut-être l'absence, qui m'interroge beaucoup, de la CNV parmi les tribus présentées. L'absence d'un chapitre consacré aux groupes de rencontre, qui par ailleurs tenaient particulièrement à cœur à Rogers, m'intrigue infiniment plus.

 Il est question de tribus d'une même nation, mais la démarche m'évoque bien plus les branches d'un même arbre. Les tribus peuvent être des spécialisations fortes de l'ACP comme la play therapy, le focusing, la pré-thérapie, l'art-thérapie centré sur la personne ou encore l'ACP spécialisée dans l'accompagnement des personnes dépressives, qui existe surtout pour des raisons institutionnelles (être prise en charge dans le système de santé britannique) ce qui ne la rend pas moins intéressante, des pratiques distinctes mais très voisines comme l'Emotion-focused therapy ou l'entretien motivationnel, ou des orientations d'une pratique classique comme la sensibilité aux thématiques existentielles ou l'ACP intégrative.

 Le livre a pour ambition d'être accessible aux étudiant·e·s comme aux expert·e·s. Pour avoir lu la seconde édition à peu près en milieu de formation et celle-ci en l'ayant finie depuis un peu plus d'un an, je peux dire que cette histoire de tribus est beaucoup moins floue quand on sait au moins approximativement avant la lecture en quoi consiste chacune. En revanche, c'est toujours précieux d'avoir un support qui reprend les fondamentaux de façon exigeante et donne des propositions de lecture de qualité pour approfondir. Mais, j'insiste, j'ai du mal avec l'analogie du titre, dans ma tête ce sont des branches. Comme indiqué dans la conclusion, les fondamentaux sont présents partout (respect profond des ressources des client·e·s, importance de l'aspect relationnel et du travail sur les émotions, ...), et les approches présentées vont généralement soit amplifier un aspect, comme le focusing ou l'Emotion-focused therapy, se spécialiser, comme l'art-thérapie, ou s'adapter à un public particulier, comme la play therapy ou la pré-thérapie. Certes il peut y avoir des divergences sur le niveau de non-directivité et d'interventionnisme, et c'est rappelé, mais le terme de "tribu" suggère, pour moi, des divergences plus profondes sur le sens de la même approche, et non des déclinaisons de cette approche qui ont du sens et une légitimité et dont l'une n'empiétera pas sur le terrain de l'autre.

 Dans la conclusion, Mick Cooper se réjouit que les débats soient plus cordiaux entre les tribus (il dit que dans certaines conférences ça a été à la limite de la bagarre, comme quoi, l'approche positive inconditionnelle...) et souhaite que ce développement en tribus continue. Il donne l'exemple d'une pratique de l'ACP qui serait adaptée aux autistes ou aux personnes trans, ce qui m'intrigue particulièrement (en dehors d'un·e thérapeute dont les stéréotypes -au mieux- ou le conservatisme -au pire- ne vont pas dégouliner pendant la séance, en quoi les personnes trans auraient besoin d'une écoute différente de celle des personnes cis? quand aux autistes, ce terme recouvre de nombreuses réalités différentes), ou encore déplore que l'ACP soit encore trop ethnocentrée et pas assez intersectionnelle, une critique pour le moins légitime pour une approche créée par un homme blanc occidental (et relayée par un homme blanc occidental, ce que Cooper reconnaît). Je pense que sur ce point l'ACP prend la bonne direction, puisque les préoccupations interculturelles sont souvent présentes dans la revue scientifique Person-Centered and Experiential Psychotherapies (et c'est le moins qu'on puisse exiger d'une approche qui dès ses racines mettait l'accent sur la subjectivité, l'aspect arbitraire des normes sociales, la diversité des points de vue et leur horizontalité).

 Un hommage est rendu à Pete Sanders, directeur de l'ouvrage précédent et maintenant décédé, et qui a co-écrit deux chapitres.

dimanche 4 août 2024

When Men Batter Women, de Neil Jacobson et John Gottman

 

 Ce livre est un objet assez étonnant, puisqu'il est la synthèse d'un travail de recherche de deux chercheurs et thérapeutes de couple, et pas n'importe lesquels, que ce soit Gottman ou Jacobson. La synthèse d'un travail de recherche faite par des chercheurs et thérapeutes, rien d'étonnant jusqu'ici... sauf que ce sont des experts de la thérapie de couple, et une situation de violences conjugales, ce n'est pas une relation amoureuse (même si c'est l'apparence d'une relation amoureuse qui permet de la créer et de la maintenir). En cas de violences conjugales, la thérapie de couple est non seulement contre-indiquée mais dangereuse, et ça... Gottman et Jacobson sont les premiers à le dire, dans leurs livres sur la thérapie de couple.

 La dimension militante, la volonté de faire autant de prévention que possible, est rappelée de diverses façons tout au long du livre, et c'est clairement ce qui a motivé cette recherche, par des experts qui avaient déjà les structures et la méthodologie pour observer des couples (y compris pour mesurer les changements physiologiques à différents moments), et qui ont croisé leurs observations en direct avec des entretiens avec chaque personne observée. Les observations les plus conflictuelles étaient suivies d'interventions pour apaiser le conflit et limiter le risque de violences. Gottman et Jacobson estiment que s'ils ne disposent que de récits pour étudier les violences physiques (ils ne les laissaient pas advenir, et heureusement!, dans leurs labos), les récits de chaque personne concernée avaient tendance à concorder (du moins sur l'aspect factuel du déroulement des violences, puisque les agresseurs tendent à minimiser énormément la gravité de leurs gestes) et étaient cohérents avec les conflits sans violence physique qu'ils ont pu observer. Ils pensent donc avoir recueilli des données aussi fiables que possible. Seuls des couples où des hommes étaient violents envers des femmes ont été observés, mais c'est le cas dans la grande majorité des situations.

 De nombreux éléments rapportés seront déjà connus par les personnes qui s'intéressent au sujet : la violence est d'abord au service du contrôle de l'autre, les violences psychologiques (dénigrement, insultes, autoritarisme -les demandes et besoins de l'agresseur sont non-négociables, ceux de la victime n'ont aucune légitimité-, ...) font partie du quotidien de la relation, le moment de la séparation est celui où le risque de violences est le plus élevé, ... Pour autant, les explications sont de qualité, plutôt denses et appuyées sur des exemples précis, et surtout c'est intéressant de savoir que des connaissances aussi précises existaient dès 1998, année de la parution du livre. Des idées reçues sont aussi démenties, en particulier sur la supposée passivité des victimes (quand bien même cette idée reçue serait une réalité, les auteurs le rappellent abondamment, ça ne rendrait en aucun cas les violences plus tolérables, et ne rendrait évidemment pas les victimes responsables de quoi que ce soit). Les mesures physiologiques sont claires : les victimes ressentent de la colère lors des conflits, même quand cette colère cohabite avec la peur ou la terreur. Le sentiment d'injustice est là, et elles se défendent, dans la mesure du possible et selon ce qu'il est le plus urgent de faire (sachant que leurs enfants peuvent être en danger immédiat dans les moments de violence). Il arrive même qu'elles soient violentes aussi, même si la violence n'est jamais comparable et qu'elles ne sont pas à l'origine du climat de violence. Leur violence les met d'ailleurs souvent en danger car elles servent de prétexte à des représailles (même quand elles sont à l'initiative d'un épisode de violence, ce qui est en général une réaction en différé à ce qu'elles ont subi, le comportement de l'agresseur ne peut absolument pas être assimilé à de la légitime défense, qui consiste à se protéger et chercher à apaiser).

 Autre stéréotype démenti, statistiques à l'appui : les victimes partent, beaucoup plus que ne le font les personnes dans un couple où il n'y a pas de violences. Et surtout, elle le font malgré le risque, qui se vérifie beaucoup trop souvent, d'un harcèlement judiciaire où les enfants vont servir de moyen de pression ou d'une aggravation de la violence physique, y compris des menaces de mort qui peuvent être suivies de tentatives de meurtre (sans compter la situation économique précaire qui est souvent la conséquence d'une asymétrie qui est au centre de la relation). Ce qui peut les faire rester, d'une façon parfois difficilement compréhensible d'un point de vue extérieur, en plus du risque évoqué plus haut, est le fait de s'accrocher à l'espoir que le conjoint arrête d'être violent (c'est exceptionnel, et dans la grande majorité des cas quand les violences physiques cessent les violences psychologiques continuent) donc au rêve vendu en début de relation par des experts de la manipulation, ou encore le manque de conscience que les violences ne sont pas normales (c'est évidemment renforcé par le dénigrement constant, mais ça peut être facilité si par exemple la personne a grandi dans un climat de violences intrafamiliales, qu'elle a reçu le message qu'on devait tout accepter de son mari, ...). Dans cette mesure, toutes les confirmations extérieures que les violences ne sont pas acceptables (en particulier les prises de décision judiciaires) sont d'une valeur inestimable.

 Dans les moyens pour faire cesser les violences, c'est rapidement très clair, c'est à une justice réactive que les auteurs prêtent le plus d'efficacité. Ils sont d'un grand scepticisme envers les programmes thérapeutiques, dans la mesure où les auteurs de violences conjugales sont de grands spécialistes pour dire aux personnes extérieures ce qu'elles veulent entendre. Un exemple glaçant est donné d'un agresseur qui après un programme consistant en des thérapies de groupe a reçu des commentaires élogieux du thérapeute, ce qui a rassuré sa conjointe... qui a été poignardée quelques mois plus tard. Les auteurs s'étonnent par ailleurs que les systèmes policier et judiciaire estiment que les personnes violentes méritent la répression... sauf quand il s'agit de violences conjugales où elles auraient besoin de soins. Gottman et Jacobson ne nient absolument pas que les agresseurs peuvent effectivement être en souffrance (dépendance affective, passé de violences intrafamiliales, addictions, ...), mais estiment, et c'est confirmé par leurs observations (et par des observations d'autres expert·e·s!), que ça ne les rend en rien moins responsables de leurs actes. Leur avis sur les différentes propositions thérapeutiques est par ailleurs extrêmement froid (apprendre à contrôler sa colère... oui ça peut marcher un peu parce que de fait ils sont en colère, même si ce n'est pas le vrai problème), et même cet avis plus que mesuré fait que le chapitre consacré à l'évaluation de ces modèles contraste voire est contradictoire avec leurs propos dans le reste du livre. Pour les auteurs, les thérapies n'ont une chance de marcher que si les agresseurs s'y engagent volontairement (sans attendre de récompense, en particulier de remise de peine, en retour), et seront de toutes façon bien moins efficaces que des sanctions pénales. Ils placent aussi leurs espoirs dans un changement social à grande échelle (ils citent d'ailleurs l'histoire de plusieurs combats féministes, ou encore observent que l'inégale répartition des tâches ménagères maintient une inégalité de fait dans le couple), tout en ne se faisant aucune illusion sur le fait que ça ne puisse être que du très long terme.

 Certains aspects du livre peuvent sembler obsolètes, comme le fait qu'ils estiment que les auteurs de violence se retrouvent plus dans les milieux sociaux défavorisés alors que ça fait partie aujourd'hui des idées reçues souvent critiquées (est-ce que ça pourrait venir de la population qu'ils ont observée, dans la mesure où la participation à la recherche était rémunérée? mais une erreur méthodologique aussi basique de la part de chercheurs aussi expérimentés, c'est étonnant), ou que les auteurs de violences ont presque toujours subi des violences enfant (la thérapie des schémas, par exemple, montre que ce n'est pas forcément le cas pour les personnes narcissiques... 100% des narcissiques ne sont pas auteurs de violences conjugales, et 100% des auteurs de violences conjugales ne sont pas narcissiques, mais beaucoup de comportements se recoupent). Leur insistance sur deux profils d'agresseurs, les Pit-Bulls (forte dépendance affective, vont beaucoup harceler au quotidien, sont violents quand ils se sentent mal que ce soit lié ou non au couple) et les Cobras (environ 20% des agresseurs, de façon stupéfiante, les mesures physiologiques montrent... qu'ils se calment au moment des épisodes de violences, quelle que soit la colère apparente qu'ils dégagent, les violences sont intimement liées au besoin de contrôle et de maintenir et renforcer une hiérarchie, ils sont très calculateurs, vont plus souvent utiliser des armes pour menacer ou agresser et ont déjà été condamnés pour des actes de violence), n'a à ma connaissance pas beaucoup été mobilisée après (je n'en avais jamais entendu parler avant, et leur livre a bientôt 30 ans).

 Je suis curieux de savoir s'ils ont poursuivi leurs recherches, mais à ma connaissance aucun autre livre de vulgarisation n'a suivi, donc s'ils ont continué ça a été médiatisé dans la presse scientifique directement. Je ne sais pas si c'est rassurant ou décourageant, alors que les violences conjugales sont toujours aussi massives, que de telles connaissances soient disponibles depuis si longtemps. Les explications sont claires, denses, documentées, donc ce livre est un excellent outil pour comprendre de nombreux mécanismes.