mercredi 25 mai 2016

Evaluer les enfants avec déficiences ou troubles du développement, de Catherine Tourrette



 Outils complexes, éventuellement arides au premier abord, les tests peuvent pourtant vite s'avérer indispensables à la pratique du ou de la psychologue : ils sont précieux entre autres pour dépister un trouble,  préciser un diagnostic, élaborer avec les proches et les soignant·e·s un projet adapté, mesurer une progression, identifier des points forts pour compenser certaines lacunes, ou même bien sûr faire de la recherche. L'enfance est par définition le moment où d'éventuelles difficultés de développement vont apparaître, et un moment critique pour proposer une prise en charge pertinente s'il y a lieu, les tests sont donc particulièrement utiles aux psychologues qui ont affaire à ce public là.

 Le livre rappelle l'utilité, le fonctionnement des tests, la spécificité de ce type d'outil, comment ils sont élaborés (un test doit être sensible -permettre de différencier les personnes qui le passent entre elles-, indiquer précisément ce qu'il mesure, doit sauf exception pour être valide avoir été étalonné, c'est à dire passé par un grand nombre de personnes, ce qui permet de situer statistiquement les résultats, …), et surtout comment ils doivent être utilisés (le·a psychologue doit être attentif·ve -dans le sens de vigilant·e mais aussi dans le sens de bienveillant·e- à la personne qui passe le test et à son entourage, l'attitude lors de la passation pouvant donner des informations aussi précieuses que les résultats bruts et faisant partie intégrante des éléments à prendre en compte dans le bilan, les consignes de passation doivent être appliquées avec souplesse selon le contexte et le déroulement du test, …). De nombreux tests sont listés et décrits en détails, avec bien sûr les consignes de passation des différentes épreuves mais aussi des précisions sur leur solidité scientifique, ce qu'ils mesurent, ce qu'ils ne mesurent pas, les compléments qui peuvent être pertinents, … Le·a lecteur·ice sera ainsi renseigné·e sur les outils pour évaluer entre autres le développement intellectuel, psychomoteur, affectif mais aussi les troubles autistiques, les troubles des apprentissages, l'adaptation sociale, …


 Si, par l'abondance des tests présentés, le livre a des aspects de dictionnaire, il n'en a pourtant pas les inconvénients : une troisième partie décrit plus en détails les troubles eux-mêmes et donne des indications pour une évaluation de qualité dans des situations complexes (troubles associés à une déficience visuelle ou auditive, polyhandicap, troubles du langage ou autisme qui peuvent induire en erreur sur certains éléments d'une évaluation si la personne qui évalue n'y est pas vigilante, …) et, surtout, fournit de précieuses vignettes cliniques. En effet, c'est une chose (souhaitable et louable) d'insister dans l'introduction sur le fait que l'attitude de l'évaluateur·ice est d'une grande importance, que le test doit pouvoir être adapté à la personne qui le passe, c'en est une autre de voir des exemples précis où les résultats d'une partie du test sont mis de côté parce que les parents ont un peu trop aidé l'enfant sans que ça ne nuise à l'évaluation dans son ensemble, où une épreuve est zappée parce que l'enfant est vite angoissé par l'échec et qu'elle le mettrait en difficulté, où l'enjeu explicite (savoir si on oriente un enfant en école spécialisée où si on peut le faire redoubler en CP normal) est aussi un enjeu de tension entre les parents et l'enseignante (les parents remettant en question avec virulence les compétences de l'enseignante), le tout dans une situation clinique difficile (les parents sont sur le point de divorcer, l'enfant est accusé successivement d'être réorienté en CLIS parce qu'il ne travaille pas assez bien puis lorsque le CP paraît plus pertinent de rester à l'école parce que la CLIS ne veut pas de lui, …) : le message humaniste devient pragmatique. L'humanisme est d'ailleurs présent jusqu'au dernier paragraphe du livre, qui remercie les enfants de faire progresser les chercheur·se·s ("Nous devons aux enfants dont le développement est contraint par des déficiences ou des anomalies d'avoir interrogé les scientifiques sur les limites de la quantification de leur efficience, d'avoir questionné la psychologie du développement et de l'avoir poussée à évoluer"), façon détournée de rappeler que les tests doivent s'adapter continuellement aux enfants, et non l'inverse (la standardisation des évaluations pourrait pousser indirectement à vouloir faire rentrer les enfants dans des cases). La conclusion s'attarde d'ailleurs sur l'évolution que prend l'évaluation, par exemple la prise en compte croissante de la qualité de vie, ou encore les intérêts et les limites de la passation informatisée.

 Le livre est dans l'ensemble clair mais nécessairement technique. La quantité de tests listés en fait un outils précieux pour l'étudiant·e ou pour le·a practitien·ne, mais il peut également être d'une grande utilité aux proches de patient·e·s, pour en savoir plus sur les troubles mais surtout pour mieux comprendre les différentes évaluations effectuées ou savoir ce qu'ils peuvent attendre d'un bilan.