jeudi 30 mars 2023

Anthropologie des émotions, de David Le Breton

 


 Les émotions se ressentent, s'expriment (volontairement ou involontairement), participent à la communication, peuvent être source de passage à l'acte ou réprimées, sont parfois opposées (alors que c'est très moyennement pertinent) à la rationalité... autant dire que le sujet est vaste.

 Et le traitement par l'auteur, c'est le moins qu'on puisse dire, est effectivement vaste, ce qui a probablement un lien avec le fait qu'il n'y ait pas de conclusion. Pas de surprise dans les thématiques du premier ("être affectivement au monde") et du dernier chapitre ("le paradoxe du comédien", qui en effet simule des émotions tout en restant lui-même, dans un contexte particulièrement codifié et social, de quoi interroger d'un point de vue anthropologique et de façon plus vaste sur les mécanismes des émotions), mais le voyage auquel le·a lecteur·ice se trouve invité·e inclut les thématiques du regard, du corps, ou encore, pour reprendre le terme de l'auteur, "de l'excreta", parce que pourquoi pas (on y apprend dans la citation qui introduit le chapitre que Montaigne n'aimait pas être dérangé dans ces circonstances, qu'est-ce que ça aurait été s'il avait vécu après l'invention du smartphone) (au risque de décevoir, rien dans ce chapitre sur les émotions ressenties à ces moments très spécifiques, je suis curieux de savoir quelles sources auraient pu être mobilisées). La diversité se poursuit à l'intérieur des chapitres, ce qui n'aide pas à trouver une cohérence, cohérence qui s'effrite au fur et à mesure de la lecture (comme je l'ai dit plus haut, il n'y a d'ailleurs pas de conclusion) alors que dans la plupart des livres elle tend au contraire à se consolider. On est invités à un voyage certes agréable et documenté, mais aléatoire, même si des développements et réflexions intéressants peuvent surgir (par exemple les limites de l'expression "langage non verbal" alors que le langage purement verbal n'existe pas, le corps, le contexte, venant forcément se glisser dans les échanges -même par écrit, la formulation suggère un ton, quand elle n'est pas assistée par le recours aux smileys-, ou la force de l'aspect social de ces manifestations qui sont aussi physiologiques, tant leur catégorisation, la façon -parfois très codifiée- de les exprimer et l'acceptation de cette expression peut varier selon les sociétés). La rigueur, c'est dommage, est elle aussi d'une grande variabilité : dans un chapitre l'auteur démonte de façon argumentée des choses qu'on apprend encore en fac de psycho (en reprenant le détail des expériences princeps, on constate que les six émotions primaires, identifiées pour l'universalité de leur expression, ne sont pas si universellement exprimées ou reconnaissables que ça), dans un autre il reprend sans la moindre distance l'histoire par exemple d'Amala et Kamala, allant jusqu'à prêter les modifications physiologiques dignes d'un récit fantastique cheap (dents rapprochées avec des bords tranchants, canines longues et pointues, yeux brillants dans l'obscurité, rien que ça...) à "un mode d'existence, d'alimentation"!

 Un drôle d'objet donc, je suppose que l'idéal est de le lire pour se faire sa propre idée (mais en tant qu'ancien étudiant en psycho j'aurais beaucoup aimé avoir lu certaines parties du chapitre "Critique de la raison naturaliste" plus tôt).

mardi 28 mars 2023

The dynamics of power in counselling and psychotherapy, de Gillian Proctor

 


 Sensibilisée aux enjeux de pouvoir au cours de sa formation, de par ses convictions, ou encore son expérience de client·e (elle évoquera en particulier son expérience de l'ACP et d'une thérapie de type analytique) et de thérapeute ("en tant que psychologue clinicienne en formation, le pouvoir et le statut d'experte qui m'étaient donnés sur des clients en détresse qui me demandaient de l'aide me mettaient dans un inconfort constant, et je m'inquiétais de la facilité avec laquelle je pouvais abuser de ma position"), l'autrice a entre autres codirigé Politicizing the person-centred approach. Certains retours ayant argumenté que la suite logique était de renoncer à l'outil oppressif qu'est la psychothérapie, elle développe ce sujet spécifique dans ce livre qui en est à sa seconde édition. 

 Le livre s'ouvre sur un développement théorique et complexe (en même temps, elle avait prévenu dans l'intro... elle a même dit qu'elle avait fait des efforts) sur les multiples dimensions que recouvre la notion, d'apparence simple, de pouvoir. De nombreuses approches, qui par ailleurs ne se recoupent pas forcément (Marx, Hobbes, ...), décrivent le pouvoir comme unilatéral et forcément négatif. Le postmodernisme, critique aussi, est plus complexe (Foucault est beaucoup cité, avec une observation, sinon ce serait trop simple, de l'évolution de sa pensée). Cependant, on peut aussi donner, restituer du pouvoir, ou en acquérir. Le pouvoir peut être sur l'autre mais aussi sur soi. Le féminisme intersectionnel, par exemple, articule plusieurs de ces aspects, comme la multiplicité des systèmes d'oppression (capitaliste, patriarcal, raciste, ...), théorise le fait que la prise de pouvoir individuelle peut avoir ses limites (voire renforcer le système d'oppression que la personne a au moins partiellement surmonté), mais célèbre aussi la force du collectif et la capacité de lutter. Ce résumé n'est bien entendu qu'un aperçu du chapitre, mais je vais m'arrêter là entre autres pour limiter les risques de contresens sur l'une des nombreuses réflexions qui le constituent. 

 Tout en étant critique sur la thérapie nécessairement inscrite dans une société inégalitaire (elle précise d'ailleurs que selon elle, plus une société est inégalitaire, plus la psychothérapie est proposée aux personnes qui en ont le moins besoin) et en argumentant solidement sur les aspects qui appellent à une vigilance particulière (sa critique par exemple de la psychiatrie telle qu'elle est théorisée et pratiquée rappelle par plusieurs aspects ce livre là, elle observe en particulier qu'alors que certaines pathologies sont selon l'état de la science provoquées ou renforcées par un manque de pouvoir, le réflexe de la psychiatrie est de retirer du pouvoir aux patient·e·s, et en particulier aux patientes), l'autrice n'invite bien entendu pas à tout arrêter. Ses observations se concentreront sur trois approches : les TCC, l'ACP, et les théories de type analytique. Si les TCC attachent une importance explicite à la relation thérapeutique, dans la mesure où l'adhésion des client·e·s au programme proposé est un critère essentiel de la réussite, l'asymétrie reste forte : la dite relation thérapeutique consiste surtout à expliquer à la personne concernée pourquoi le programme proposé par le·a thérapeute, qui peut brandir la science (Foucault revient, pour le plus grand bonheur des personnes qui ont tout suivi dans le chapitre compliqué) pour se légitimer, constitue la marche à suivre. Des critiques plus techniques sont faites, justement, sur l'appui sur des publications scientifiques, dont le fait que certains biais amènent à surestimer l'efficacité évaluée ou que cette culture de l'évaluation permet à cette approche d'avoir un poids institutionnel disproportionné. L'ACP a de loin, sur le sujet traité, la préférence de l'autrice (et elle a bien raison) (il va de soi que je ne dis absolument pas ça parce que je suis formé à cette approche), même si elle en relaye certaines critiques, l'une pour la contester (Carl Rogers se souciait bien du pouvoir des groupes et des dynamiques sociales de pouvoir, même si c'était plus explicite à la fin de sa carrière), l'autre pour la nuancer (elle évoque le dialogue entre Rogers et Buber dont je parle ici -et dans mon mémoire, aussi-) en relayant le propos d'un auteur qui argume que la divergence de point de vue vient peut-être d'une compréhension différente de la notion de pouvoir. Les réflexions sur la psychanalyse sont nécessairement plus complexes dans la mesure où, que ce soit dans la théorie et dans la pratique, tou·te·s les psychanalystes n'ont pas le même rapport au pouvoir dans ses différents aspects! Pour ne rien arranger, l'autrice vient à la toute fin complexifier sa propre expérience, très éclairante, de cliente (elle pouvait contester les interprétations et c'était bien accueilli, mais qu'elle remette quelque chose en question dans l'attitude de la thérapeute, qu'elle veuille arrêter la thérapie, et c'était la faute du contre-transfert, ce qui avait pour conséquence une invitation à la remise en question très très unilatérale) en disant qu'elle était récemment retournée voir la même thérapeute avec un tempérament différent et qu'elle n'observait plus la même chose (elle ne dit pas, par contre, si elle s'est demandé si la thérapeute avait elle aussi changé de tempérament ou même évolué dans sa pratique).

 L'autrice annonce avoir voulu proposer un livre accessible à tout·e·s et... disons que ça dépend ce qu'on entend par accessible. Je suis thérapeute et sensible au sujet et, en dehors du fait que j'ai du parfois franchement froncer les sourcils, je sais que je n'ai saisi qu'une parti des subtilités du développement. Mais d'un autre côté, il n'y a absolument pas besoin de tout comprendre pour avoir, en tant que client·e, un éclairage sur une colère éveillée par un séjour en psychiatrie ou des éléments pour choisir un·e thérapeute plus respectueux·se de l'ensemble des dimensions de sa personne (par contre, en attendant une traduction, il va falloir être anglophone).

mercredi 22 mars 2023

The Resilient Practitioner, de Thomas Skovholt et Michelle Trotter-Mathison

 


 

 L'activité de thérapeute est exigeante à plusieurs niveaux, et souvent relativement solitaire. Ce livre, qui annonce sur la couverture concerner la "prévention du burn-out et de la fatigue compassionnelle et des stratégies pour prendre soin de soi pour les professions d'aide" a attiré mon attention : ça me paraît plus prudent de me préoccuper du sujet avant de percevoir chez moi ou chez d'autres (les thérapeutes ont souvent la particularité de connaître d'autres thérapeutes) des signes que la situation est déjà urgente. Le livre concerne d'ailleurs les professions d'aide en général (médecins, infirmier·ère·s, enseignant·e·s, travailleur·es·s sociaux·ales, ou encore avocat·e·s), qui se trouvent être celles qui sont exposées au burnout tel qu'il est généralement défini (mais dans ce résumé je vais faire comme si seul·e·s les thérapeutes étaient évoqué·e·s sinon ça va faire des phrases très longues).

 Sentiment d'impuissance, agressivité des client·e·s (jusqu'au risque d'agression physique), exposition répétée à des récits de traumatismes, ou même risque de poursuites judiciaires, pas besoin d'avoir consacré un doctorat au sujet pour se rendre compte que l'activité de thérapeute peut être éprouvante. Pour autant, prendre de la distance et se constituer une armure est une fausse solution : c'est aussi l'engagement dans la rencontre avec l'autre qui rend la pratique gratifiante et permet, précisément, de faire face au reste. Pour l'auteur et l'autrice, le·a thérapeute doit se comparer à une tortue : une carapace solide, mais associée à une autre face plus tendre qui est tout aussi nécessaire. Même sans rencontrer de difficulté spécifique, les capacités, parfois contradictoires, à créer une relation (la relation Je-Tu de Buber est une référence qui revient souvent) et à accueillir la séparation sont d'ailleurs nécessaires, à moins d'avoir affaire aux mêmes personnes pendant toute sa carrière, ce qui ne doit pas concerner grand monde. Face aux situations les plus dures, il faut aussi accepter, point particulièrement délicat, d'avoir (et de poser!) des limites, voire de faire des erreurs ("parfois, on se sent inefficace, et le sentiment correspond à une réalité : on est inefficace!"). S'il s'achève sur un chapitre plus directif et synthétique, le livre consiste surtout en de nombreuses listes, de points de vigilance et de ressources à créer et solliciter, pour tenir sur le long terme et réaliser les promesses d'épanouissement qui étaient a priori à l'origine de la vocation.

 Une session est consacrée aux difficultés spécifiques des débutant·e·s, confronté·e·s au passage de la théorie à la pratique, ce qui revient en substance à passer de recommandations générales à des situations bien plus spécifiques qui demandent une adaptation propre, mais aussi à l'enseignement (et l'évaluation!) de pair·e·s qui se trouvent être humain·e·s et peuvent donc aussi avoir leurs défauts (dogmatisme, exigences inadaptées ou trop élevées, voire incompétence). L'auteur et l'autrice ont pu observer dans leurs recherches que les étudiant·e·s avaient tendance à ressentir des émotions vives, qu'elles soient positives ou négatives, dans leur relation avec les formateur·ice·s... ce qui a aussi l'avantage de confirmer que leur rôle est important : la sensation d'avoir un impact ou de ne pas en avoir est un élément intimement lié au sujet du livre, ce qui peut avoir l'effet insidieux de pousser à aller chercher, plus ou moins consciemment, les élèves ou les client·e·s les plus gratifiant·e·s. Livre dans le livre, un chapitre de 70 pages présente les résultats des recherches de l'un des auteurs (Thomas Skovholt) avec Michael Ronnestad, qui le coécrit, sur l'évolution des thérapeutes tout au long de leur carrière (ils ont d'ailleurs publié deux livres sur le sujet). Si le thème est légèrement distinct, c'est intéressant de voir les points qui se recoupent, dans la mesure où la carrière de thérapeute implique de faire face à des difficultés et de rechercher des ressources. Il est, là encore, souvent question d'équilibre, entre confiance en soi et perfectionnisme, investissement  et respect de ses limites... Bonne nouvelle, les résultats poussent à l'optimisme, les thérapeutes âgé·e·s semblent généralement satisfait·e·s de leur carrière.

 Le guide est à la fois complet, humain, accessible, et semble plutôt exhaustif ou en tout cas brasse large (il est même question par exemple des ressources financières, sujet qui ne va pas de soi voire qui peut être tabou dans une profession où l'humain est au centre et où on a potentiellement soi-même affaire à un public particulièrement défavorisé, mais qui est pourtant difficilement contournable dans la mesure où les revenus sont liés au moins implicitement à la reconnaissance et où en dessous d'un certain niveau de vie c'est plus compliqué de prendre soin de soi -par contre, j'ai trouvé les recommandations décevantes... en exagérant à peine il est surtout recommandé de dépenser moins-). Il me semble par contre qu'il n'est malheureusement pas traduit.

dimanche 5 mars 2023

The relationship cure, de John Gottman et Joan DeClaire

 


 Connu pour ses travaux sur la thérapie de couple, John Gottman présente ici, avec Joan DeClaire, des outils pour soigner les relations en général, le couple donc, mais aussi la famille (en particulier les relations parents-enfants), les relations entre ami·e·s, entre collègues, ...

 Les propositions s'articulent autour de cinq axes, qui vont être détaillés avec des explications théoriques, des exemples concrets et des exercices à faire, seul·e ou avec les personnes concernées. Le premier axe, de loin celui qui m'a le plus parlé, concerne la relation aux offres ("bids" en VO) de connexion. Gottman a observé, dans son love lab (le lieu utilisé pour observer des couples dans le cadre de ses recherches), que les échanges les plus anodins étaient en fait centraux et pour évaluer l'état de la relation et pour la faire évoluer dans un sens ou dans un autre. Une offre est un mouvement généralement verbal (mais ça peut aussi être un contact physique, un échange de regards, ...) vers l'autre, le plus souvent pour engager la conversation. Parler à l'autre du temps qu'il fait, poser une question anodine, a souvent plus pour objectif de créer un contact que d'avoir des informations, marque plus un intérêt pour l'autre que pour le sujet directement évoqué. Et pourtant, ces échanges, si anodins qu'ils soient sur la forme ("même les couples qui avaient un score élevé aux questionnaires sur la satisfaction envers leur mariage passaient l'essentiel de leur temps à parler de sujets aussi éblouissants que les céréales du petit déjeuner, les taux d'intérêt ou le dernier match de baseball"), s'avèrent être des piliers relationnels ("en m'appuyant sur les résultats de nos recherches, je pense que l'échec à créer des connexions est une cause majeure du taux de divorces élevé dans notre culture"). Les réactions à ces offres sont le mouvement vers (montrer du plaisir à l'interaction et un intérêt pour le propos, donner une réponse qui invite à un échange), le mouvement contre (sarcasme, remarque désobligeante, ...) ou le mouvement d'éloignement (ne pas réagir, ou répondre à côté... l'auteur et l'autrice constatent que cette attitude peut faire pas mal de dégâts dans le couple, en particulier quand c'est un sujet de conflit qui est évoqué). Des conseils sont donnés (persévérer dans la mesure du raisonnable, essayer d'identifier ce qu'il y a derrière l'attitude de l'autre et notre propre frustration, ...) pour optimiser les échanges lorsque la réception de l'offre de connexion est difficile dans un premier temps. 

 Le deuxième axe concerne les différents Systèmes de Commande Emotionnels. L'auteur et l'autrice proposent d'identifier quelle partie du psychisme est aux commandes à tel ou tel moment de la relation, chez soi mais aussi chez l'autre, dans différents échanges, entre le·a Commandant·e en chef, qui aime bien tout décider, l'Explorateur·ice, qui veut faire plein de choses en commençant par ce qui est inconnu et inédit, la Sentinelle, qui se préoccupe de la sécurité de tou·te·s, le·a Tsar de l'Energie particulièrement attentif·ve aux ressources et aux risques par exemple de faim ou de manque de sommeil, le·a Sensualiste (je ne vais pas vous faire un dessin -surtout que je dessine mal-), le·a Bouffon·ne qui a envie de passer de bons moments (mais de façon plus polyvalente que le·a Sensualiste!) et le·a Constructeur·ice de Nid qui s'inquiète du confort de chacun·e. Les identifier permet de mieux comprendre son propre tempérament (des questionnaires sont proposés dans le livre), mais aussi de percevoir différemment les enjeux quand il y a tension, désaccord ou conflit ("On vient d'arriver sur notre lieu de vacances ce serait sympathique de la part de Y de comprendre qu'on peut bien se reposer deux secondes avant de ranger nos affaires et de faire un planning des tâches ménagères" est plus inflammable que "le Constructeur de Nid de Y est en conflit avec mon Bouffon -ou mon Tsar de l'Energie-").

 Le troisième axe est l'identification de l'héritage émotionnel. La personnalité, la vision des interactions interpersonnelles, la façon de réagir en situation de conflit, se construisent sur le long terme et depuis la petite enfance, et ce qui est évident pour l'un·e ne l'est pas nécessairement pour l'autre, le sens de telle ou telle attitude diffère selon les personnes. La conscience de cet aspect, en plus de potentiellement générer plus d'intérêt pour le passé et les évènements de vie importants des personnes avec lesquelles on interagit, permet de mesurer la subjectivité de la façon dont on vit tel ou tel échange, et d'avoir moins de certitudes sur les intentions de l'autre, donc pousse à aller vers plus d'écoute et d'échanges pour clarifier et avoir une compréhension plus profonde. 

 Le quatrième axe est le développement de la sensibilité à la communication émotionnelle. Le verbal ne dit pas tout, et les multiples indices des mouvements du visage, de la posture, de la tonalité de la voix, contribuent à rendre tel ou tel message plus riche et mieux adapter sa réponse. L'auteur et l'autrice proposent de nombreux exercices où une même phrase peut avoir trois sens différents. Par exemple, dans l'interaction parent-enfant "tu as fait tes devoirs?" (oui pardon pour l'originalité), la question peut vouloir dire "est-ce que tu as le temps de faire tes devoirs? que je puisse adapter notre emploi du temps en fonction", "tes devoirs se sont bien passés? tu as besoin d'aide?" ou encore, aussi surprenant que ça puisse paraître, "j'espère que tu as enfin fait tes devoirs".

 Le cinquième axe est la recherche commune de sens, qui va d'identifier ce qui est important pour soi et pour l'autre (prérequis important pour mieux comprendre le vrai enjeu des conflits ou pour prévoir des activités qui vont avoir un intérêt réel pour chacun·e) à l'importance des rituels (sur ce point spécifique, je serais très curieux de ce que donnerait un échange entre John Gottman et Susan Johnson, autre spécialiste de la thérapie de couple qui est à fond anti-Saint Valentin)

 J'ai personnellement trouvé le livre assez inégal, entre le premier axe qui m'a beaucoup enthousiasmé (qui n'a jamais sous-estimé l'importance de ces micro-échanges omniprésents et d'apparence anodine?) et les autres, en particulier le troisième et le quatrième qui me semblent être des sujets très vastes donc moins propices à la mise en place d'une observation concrète du quotidien qui permettrait des ajustements rapides. D'un côté je me dis que c'est parce que je ne suis pas le public auquel le livre est destiné : c'est un peu facile de dire que l'intérêt est limité si, en tant qu'étudiant et même bientôt thérapeute, j'ai déjà entendu parler des sujets évoqués sous une voire plusieurs autres formes, et quelqu'un d'aussi expérimenté, en tant que chercheur comme en tant que thérapeute, que John Gottman est pour le moins bien placé pour savoir ce qui va parler aux personnes en difficulté et les aider, et d'un autre côté je me dis que oui mais quand même, certaines parties et en particulier le troisième et le quatrième axe me semblent être des sujets très vastes donc moins propices à la mise en place d'une observation concrète du quotidien qui permettrait des ajustements rapides (notre personnalité est en grande partie construite par notre passé et l'expression du visage donne des indications sur nos émotions... oui merci d'un coup je vois mieux comment régler mes problèmes!). Certains exercices et questionnaires m'ont aussi paru être plus du remplissage que des propositions fortes et pleines de sens, mais je ne saurais pas dire si ça a renforcé mon impression ou si ça a été renforcé par mon impression. J'imagine que chacun·e pourra se faire sa propre idée à la lecture, enfin seulement les personnes qui peuvent le lire en anglais car il me semble que le livre n'existe pas en français.