lundi 21 juin 2021

Pause cafés


 Le top départ du mémoire est officiellement lancé (en vrai ça fait quelques semaines, mais chut), et comme je l'avais plus ou moins prévu, le sujet que j'ai choisi ne traite pas directement de la psycho, ce qui implique que les lectures préparatoires (à part celles que j'ai déjà faites et qui vont me servir, en particulier quelques livres de psy sociale qui devraient trouver un chemin jusqu'aux pages du mémoire), sauf exception, ne devraient pas être résumées sur le blog. Je vais aussi, je pense, relire les livres de Rogers, déjà parce que ça va me servir pour le mémoire en question (oui, pour un mémoire sur l'ACP, il se peut que ça ait du sens), mais aussi parce que je ne pense pas que je vais avoir la motivation pour me lancer là dedans à un autre moment (et, non, je ne vais pas refaire les résumés, même si vous êtes sympathiques).

 Le blog va donc être en pause pendant un moment, mais pas moi (d'où le pluriel à "café" dans le titre), même si je vais aussi prendre un peu de vacances (parce que les vacances, c'est bien), et les posts vont être soit absents, soit très rares, pendant deux ou trois mois je pense. En attendant, vous pouvez lire et relire les commentaires existants (il y a 237 livres, d'après l'outil "libellés" sur le côté) et ainsi vivre en direct la réécriture des anciens posts en écriture inclusive (pas tout de suite tout de suite, mais bientôt, par contre il y en a pour un moment), et même les commenter si vous avez envie.

 En attendant, je vous souhaite un bon été, et je fais au mieux pour revenir vite, parce que j'ai envie de faire le mémoire mais je suis aussi pressé de revenir ici.

samedi 12 juin 2021

Ecouter, parler : soigner, de Philippe Aïm

 

 

 Frustré de ne pas avoir de référence bibliographique de synthèse à conseiller aux soignant.e.s rencontré.e.s lors de formations sur les clefs utilisables pour faciliter la relation thérapeutique, Philippe Aïm a fini par l'écrire. Si le cadre théorique est très (très) clairement celui de la thérapie systémique, l'idée est de proposer des outils opérationnels et simples à comprendre, sinon à utiliser, pour tout.e soignant.e (médecin, infirmier.ère, psychothérapeute, ... -"ces outils sont à ajouter aux vôtres. Il n'existe pas d'ordre véritable et vous pouvez jongler parmi eux au gré de la conversation").

 Si les propositions sont diverses, elles ont en commun d'être autant de pistes pour surmonter des impasses, qu'elle soient relationnelles ("si le problème est le patient, vous exposez la relation à être une lutte contre le problème, donc contre le patient") ou liées à un problème, une souffrance, qui semble insurmontable (et, par la force des choses, c'est souvent le cas : les patient.e.s ont généralement épuisé un certain nombre de solutions avant de se tourner vers un.e thérapeute). Plus qu'une solution, l'important est de créer un espace de mouvement. L'auteur fait une analogie avec une personne qui serait bloquée sur un mur d'escalade. Peut-elle bouger un bras? Non. Peut-elle bouger une jambe? Non. Peut-elle bouger la tête? Oui, certes, mais ça ne sert à rien... ah si, il y a cette prise que la personne n'avait pas vue. Même dans les situations de contrainte (Philippe Aïm est psychiatre, donc a probablement été confronté professionnellement plusieurs fois à ce type de situation), il insiste là-dessus, c'est essentiel de toujours laisser un choix ("vous voulez que je vous amène un verre d'eau?", "nous allons devoir vous isoler pour que vous puissiez vous calmer, est-ce que vous souhaitez aller dans votre chambre ou dans une autre pièce?").

 Pour que la parole du.de la soignant.e soit entendable, il.elle doit d'abord écouter, et surtout faire savoir qu'il.elle écoute : pour s'accorder sur la façon d'avancer vers des solutions, des objectifs, encore faut-il s'assurer que ce soient ceux du.de la patient.e. Cette délégation au moins partielle de l'expertise aux patient.e.s est appelée position basse, et le terme reviendra très souvent. Elle permet aussi de rendre plus constructive une relation qui s'inscrirait sous le signe de la défiance ("si une bonne idée, mal exprimée n'a aucune chance de passer, l'inverse, en revanche..."), par exemple de la part d'une personne qui a eu un parcours difficile avec d'autres soignant.e.s (une première étape peut alors être de souligner le courage qu'elle a de consulter encore, plutôt que de déplorer un manque de confiance d'office, ce qui pourrait déclencher une escalade symétrique, autre terme qui revient souvent). Reconnaître la souffrance (tout en étant sincère, sinon ça se verra... "vous souffrez beaucoup de cette situation" est à préférer à "c'est terrible ce qui vous arrive", si intérieurement vous ne voyez vraiment pas ce qu'il y a de si terrible), reformuler pour s'assurer de la compréhension tout en utilisant des termes dits "parachute" pour souligner qu'on peut se tromper et être corrigé.e ("si je comprends bien", ...), permettent à la fois d'avoir plus d'éléments sur la situation et de créer une situation de coopération (en position haute, c'est par définition le.a patient.e qui attend du.de la soignant.e qu'il.elle fasse tout le travail, et en prenne toute la responsabilité). Une bonne prise en compte de la demande peut permettre d'avancer... même quand le.a patient.e est quelqu'un qui demande rien : une vignette clinique est présentée où un homme consulte parce que son épouse l'y oblige (il reconnaît à demi-mot une addiction aux jeux mais, selon ses dires, aujourd'hui tout est sous contrôle). Le thérapeute lui demande alors ce qu'il faudrait faire... pour que son épouse ne l'oblige plus à consulter, et peu à peu un travail thérapeutique démarre, avec un véritable engagement.      

 Une fois la demande entendue, des outils sont fournis pour la décomposer, mieux comprendre la situation dans son ensemble, percevoir d'autres angles d'approche, en d'autres termes sortir d'une souffrance qui serait un bloc insoluble ("mon couple va mal", "je n'arrive pas à arrêter la cigarette", ...). Une première approche proposée est de s'appuyer sur les ressources du.de la patient.e : ce qu'il.elle a fait jusque là, ce qui a fonctionné, les moments où ça va mieux, voire les aspects positifs du symptôme. Une solution complémentaire est de se concentrer sur ce que la personne veut (ce qu'elle ne veut pas, en général, c'est extrêmement clair) : qu'est-ce que le changement va lui apporter? Quand ça ira mieux, comment le saura-t-elle, qu'est-ce qu'elle pourra observer concrètement? Si des éléments sont apportés pour faire des pas supplémentaires (prescription de tâches par exemple), en général, rien que dans le dialogue, des solutions commencent déjà à se dégager, et c'est d'ailleurs l'idéal ("dans notre métier, réussir consiste à devenir inutile au patient"). Des solutions plus spécifiques sont proposées pour les situations les plus critiques, telles que le risque de suicide, ou les fois où les soignant.e.s sont confronté.e.s à la violence, la priorité restant de se protéger soi ("plus la crise est grave et plus la conscience de vos limites doit être claire dans vos esprits").

 Si la complexité augmente vers la fin et s'oriente clairement vers un public plus spécialisé, l'objectif ambitieux ("Tout le monde peut rendre compliquées les choses simples, c'est banal. La créativité, c'est rendre simple les choses compliquées", dit Charles Mingus, cité dans le livre) de polyvalence est rempli : les concepts proposés sont opérationnels, illustrés de façon concrète, et peuvent servir à de nombreuses étapes de la relation, de l'entrée en contact au suivi thérapeutique.

jeudi 10 juin 2021

40 commentaires de texte en psychologie clinique, dirigé par Jean-Yves Chagnon


 

 Dans une entreprise de définition géante de la psychologie clinique, 40 textes fondateurs sont commentés, de 1949 à 2013, des travaux de Lagache et Favez-Boutonnier pour délimiter et mettre en avant cette discipline à certains espaces spécifiques (clinique du travail, criminologie, ethnopsychiatrie, ...). On s'en rend vite compte : lesdits textes ne figurent pas dans le livre (je m'attendais à des extraits d'une page ou deux, le.a lecteur.ice se verra au mieux gratifié d'un court paragraphe), ce qui est annonciateur de démarches de recherches laborieuses pour les perfectionnistes qui voudraient savoir précisément ce qui est commenté. Dans chaque cas, il y aura contextualisation, puis commentaire du contenu lui-même et des enjeux.

 A la fois objet d'étude (le texte fondateur de Lagache, si je ne me trompe pas, était lié à la création de la psychologie comme discipline universitaire... le titre de psychologue, quant à lui, a du attendre 1985 pour être réglementé), pratique thérapeutique, espace de recherche et de création de savoirs, inutile de dire que les enjeux sont nombreux, alors même que l'identité propre de la psychologie clinique ne va pas de soi. Entre la psychanalyse, la médecine, la philosophie, la psychologie différentielle, c'est loin d'être évident, et surtout loin d'être unanime, de définir ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas (c'est particulièrement présent dans le rapport au diagnostic par exemple, mais j'ai aussi appris dans le livre que Lacan était favorable à exclure strictement la psychanalyse de la psychologie clinique). Les débats sont largement documentés mais, de façon extrêmement surprenante, la diversité des méthodes thérapeutiques, grande richesse de la psychologie clinique, n'est... même pas évoquée! Psychologie systémique, humaniste (bon, j'exagère, un chapitre est consacré à Rogers, mais ce sera tout), TCC, états modifiés de conscience, psychologie positive, ce sera comme si ça n'existait pas : le point de vue sera celui de la psychanalyse, dans sa diversité, certes, et il y a de quoi faire, mais ça reste une limite extrêmement arbitraire, avec souvent en filigrane (voire pas du tout en filigrane) une posture de supériorité pour le moins exagérée : je ne compte pas les affirmations du type "les approches expérimentales croient que le psychisme se limite à l'observable ptdr" (dans le même livre, Widlöcher est cité disant "Le chercheur ne croit en rien. Il sait que toute assertion n'est qu'une vue partielle et temporaire du monde", mais OSEF, je suppose), les limites observées et les emprunts sont autant d'occasions de s'extasier devant la capacité de la discipline à se remettre en question (ce qui est dans une certaine mesure contredit par la démarche même du livre, qui occulte l'existence de tant d'autres approches)... Un sommet est atteint avec la phrase "la psychanalyse est toujours en avance sur la psychologie expérimentale parce qu'elle découvre et n'ambitionne pas de faire la preuve (au sens expérimental) de ce qu'elle avance"... je suppose donc que si j'affirme que les planètes sont tractées par des licornes invisibles, je suis en avance sur l'astrophysique.

 L'essentiel du livre est plus nuancé, et la création d'espaces de dialogue (mais, encore une fois, d'espaces de dialogue avec la psychanalyse, il faut croire que le reste est moins important, tant pis si le titre du livre mentionne "psychologie clinique") avec les travaux de Piaget, la théorie de l'attachement, les tests (psychométriques et projectifs), la psychiatrie, sont documentés de façon intéressante. Reste le parti pris de faire semblant de croire que la psy clinique s'articule autour de la discipline centenaire qu'est la psychanalyse, ce qui est pour le moins douteux dans un ouvrage paru en 2014, et qui le reste même si ledit ouvrage rend compte des nombreuses modernisations proactives de la psychanalyse au cours de son existence.