mardi 28 février 2017

La fabrique des exclus, de Jean Maisondieu



  Comme le titre l'indique, Jean Maisondieu détaille dans ce livre la façon dont la société fabrique l'exclusion, en particulier ce que recouvre et implique le statut d'exclu. Par "exclu·e·s", l'auteur désigne ceux et celles qui sont contraint·e·s de vivre des aides sociales, qui n'ont pas accès à l'emploi ou alors de façon précaire, sans pour autant souffrir de pathologie psychique ou de handicap (bien qu'il rappelle qu'iels sont aussi exposés à la précarité!).

  Maisondieu constate par exemple que le terme d'inclu·e n'existe pas : les exclu·e·s sont implicitement hors norme, alors que les inclu·e·s n'ont pas de compte à rendre pour justifier leur inclusion. Par ailleurs, l'exclu·e, jusqu'à ce qu'on soit concerné·e, c'est l'autre, puisqu'iel est exclu·e de la société , du cercle des gens normaux... qui prendront soin de limiter les contacts avec elle ou lui, de peur de voir de trop près leur humanité, et ainsi percevoir le risque de finir exclu·e aussi, ou de culpabiliser d'être inclu·e, d'avoir ce privilège sur quelqu'un qui est tout aussi humain. Cette frontière est parfois perçue de façon particulièrement brutale : l'auteur rapporte le cas de deux patients qu'il a rencontrés suite à une tentative de suicide, un artisan qui avait été contraint par des difficultés économiques à fermer son commerce (et avait pris la peine de laisser la porte de son atelier entrouverte pour que l'huissier n'ait pas à la forcer!) et un autre, cadre supérieur, qui s'était brusquement retrouvé sans emploi et avait préféré le suicide à la confrontation à sa famille et à ses proches (mais aussi à ses propres préjugés sur les chômeurs) quand, après des recherches infructueuses, il n'avait plus les moyens financiers de dissimuler le fait qu'il était sans emploi. Une autre personne s'était, suite à un acte manqué (ou du moins une maladresse très surprenante de son propre aveu), gravement blessée à la main, supportant mieux le statut d'accidenté que de bénéficiaire bien portant d'aides sociales.

 Les aides sociales, qu'elles soient directement sous forme financière ou par des dispositifs d'aide au retour à l'emploi, de soins médicaux ou psychiques, rappellent que la société a une responsabilité dans cette situation... jusqu'à ce que la responsabilité ne soit celle de l'exclu·e. Maisondieu l'a perçu directement alors qu'il voulait faire une recherche comparant les performances intellectuelles des exclu·e·s avec celle des élu·e·s. L'idée provoquait souvent des ricanements, mais il a fini par rencontrer un élu de bonne volonté pour en parler plus sérieusement. L'élu a quand même fini par refuser par crainte que la recherche ne dévoile trop d'information personnelles (parce que, chez les politiques, on est intransigeant sur le sujet de l'intimité). Pour l'auteur, c'était l'occasion de constater une inégalité supplémentaire, tant l'intimité du ou de la demandeur·se d'aides sociales est fouillée sans aucune considération, pour bien s'assurer qu'iel ne touche pas plus qu'iel ne devrait et qu'iel fait bien tous les efforts nécessaires pour s'en sortir ("C'est tout le mal de la fabrication des exclus. Ils ne demandent pas à être exclus, ils sont exclus, et ensuite on leur demande pourquoi ils se sont exclus"). C'est là l'hypocrisie du statut d'exclu·e : l'exclu·e est exclu·e à cause de la société, jusqu'à ce qu'iel soit le·a fautif·ve. Que sa moralité soit insatisfaisante, qu'iel ne semble pas, l'espace d'un instant, faire assez d'effort pour retrouver le cercle des inclu·e·s, ou, pire, qu'iel remette en question la bienveillance de la société à son égard ou qu'iel soit réticent·e à une réadaptation trop brusque (tel ce SDF à qui il manquait un œil et qui devait se faire installer une prothèse pour avoir accès à un emploi de balayeur dans les jardins publics : l'offre avait ses avantages évidents, mais le contraignait à renoncer à une partie de son identité, alors qu'il avait pendant des années trouvé un avantage à sa mutilation qui lui permettait de gagner plus d'argent en faisant la manche, et qui avait un cercle d'amis lié à ce quotidien), idl passera de victime à coupable. Si la citation de La Boétie ("ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux") n'apparaît qu'en filigrane, à travers les multiples efforts, parfois inconscients et de bonne volonté, pour mettre les exclu·e·s à genoux, les derniers vers des Animaux malades de la peste, de La Fontaine ("Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir"), figurent bien dans l'ouvrage.

 L'un des éléments qui renforce la frontière entre inclu·e·s et exclu·e·s est ce que l'auteur appelle la psychopathologie de l'exclusion. Si des psychothérapies sont proposées aux personnes souffrant d'exclusion, cette proposition semble parfois avoir pour but de sous-entendre que l'exclusion est le résultat de souffrances, alors même qu'elle tend plutôt à les causer. Si Maisondieu a bien reçu des patient·e·s effectivement dépressif·ve·s en consultation, la plupart de celles et ceux jugé·e·s dépressif·ve·s ont été bien mieux soigné·e·s par la perspective d'un retour à une meilleure situation que par des médicaments! L'auteur constate aussi que le stress, peut-être trop valorisant car souvent associé au monde du travail, est souvent dénié alors même que la situation de chômeur·se est particulièrement stressante. Il déplore qu'alors qu'à la Révolution la notion de malade mental·e a servi à reconnaître le statut d'humain à des individus qui ne l'avaient pas, elle est aujourd'hui utilisé pour exclure un peu plus les exclu·e·s ("il est vrai qu'il est plus facile de soigner des gens sous le prétexte qu'ils sont malades que de prendre soin d'eux").

 Si c'est surtout son expérience de psychiatre (et d' "inclus de bonne volonté") qui a guidé l'auteur dans l'écriture du livre, il n'est pas sans rappeler des concepts de psychologie sociale comme la dissonance cognitive (réinventer la cause en observant la conséquence), ou encore l'expérience de Milgram (où le bourreau va estimer que la victime ou le donneur d'ordres sont les vrais responsables de l'acte qui le met mal à l'aise). C'est aussi, en plus d'un ouvrage politique au propos virulent, une redéfinition des conditions de l'humanisme.

jeudi 16 février 2017

Nouveau départ!



 C'est maintenant officiel! N'ayant pas été admis au Master initialement prévu, pour lequel il n'y avait supposément pas de sélection au moment où je me suis inscrit (oui, je suis toujours un peu aigri), c'est forcément plus compliqué de convoiter l'éventuel Master 2 qui s'ensuit, lui-même suivi de l'inaccessible étoile, le titre de psychologue (pour le coup très littéralement inaccessible). Et, comme je le prévoyais plus ou moins quand mon échec s'est officialisé, la thérapie à laquelle j'ai le plus envie de me former, moins universitairement mais plus directement, celle que j'ai le plus envie d'utiliser professionnellement, est l'Approche Centrée sur la Personne, de Carl Rogers. J'apprécie l'approche à la fois éthique (si le·a thérapeute ne respecte pas son ou sa client·e, cherche à lui imposer ses valeurs, serait-ce avec de la bonne volonté, ça ne peut pas fonctionner) et pragmatique (l'approche non-directive n'a pas été élaborée par Rogers parce que l'idée sonnait bien, mais parce que la méthode fonctionne, a des effets bien spécifiques, et Rogers insiste énormément sur l'importance de relever ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, de chercher sans cesse à progresser, ...), la compréhension du psychisme liée à la théorie de cette méthode m'aide moi-même au quotidien, ... Certes, je vais avoir du mal à dire "client" au lieu de "patient" (je viens à l'instant de rectifier ce que j'avais écrit plus haut), mais ça tombe bien, je vais justement suivre une formation de plusieurs années, ça fait un premier axe de progrès.

 Je vais donc prendre le car demain matin à l'heure indécente de 6h40 pour me rendre à Conqueyrac (si si, ça existe) pour un premier week-end avec l'organisme ACP France. Si je ne vais pas cacher que ce n'était pas mon premier choix et que j'aurais préféré faire un Master normalement et être psychologue normalement, qu'une partie masochiste au fond de moi regrette le sprint de révisions paniqué en fin d'année à se débattre avec des cours pour certains incompréhensibles, ou encore la perspective de l'épreuve initiatique du mémoire de recherche (en plus j'avais trouvé un stage, grrrrr!), ça va être une bouffée d'oxygène, après 6 ans de fac (oui, j'ai mis 6 ans à avoir ma licence... oui, je sais) et en tout et pour tout 100 heures de stage comme présence sur le terrain avec des vrais gens, d'avoir une approche plus directe et concrète de la thérapie (sans parler, après 6 ans de fac par correspondance -oui, je sais, j'ai mis 6 ans à avoir ma licence-, d'être en formation avec des gens).

 C'est encore plus officiel que quand j'ai reçu le mail me disant d'aller me faire voir m'annonçant que ma candidature en M1 développement n'était pas retenue, je ne suis plus Iedien (je suis.. euh... ACP-Francien? ACP-Français?). Bon, je ne vais pas changer le nom du blog parce que c'est galère, et en plus mon (long) premier contact avec la psycho était, et restera, avec l'IED, mais surtout le contenu ne va pas profondément changer. Il est fort possible que la proportion de fiches de lecture sur l'approche rogerienne, voire plus généralement sur la psychologie humaniste, augmente, mais je ne compte pas me documenter exclusivement sur cette méthode, puisque des éléments d'autres approches peuvent enrichir la théorie de celle-ci, et puis ça peut toujours être utile de se renseigner sur un sujet en particulier (psychopathologie, neurologie, ...) quelle que soit la méthode concernée (et en plus, si j'avais trouvé pertinent depuis le début de ne me renseigner que sur une méthode en particulier, je n'aurais jamais entendu parler de l'approche rogerienne!). Certes, les livres présentés auront été lu avec en tête les concepts techniques et éthiques, la sensibilité de l'Approche Centrée sur la Personne, mais c'était déjà un peu le cas puisque si cette sensibilité ne m'avait pas parlé, je me serais dirigé vers une autre formation.

 En tout cas, pour l'instant, I'M GOING ON AN ADVENTURE \o/

lundi 13 février 2017

La dette de vie, Itinéraire psychanalytique de la maternité, de Monique Bydlowski



  L'autrice, dans ce livre, nous fait profiter de ses expériences dans des services de périnatalité, bien loin (techniquement, sinon physiquement) du divan auquel les psychanalystes sont plus souvent accoutumé·e·s (pratique qu'elle juge toutefois nécessaire de continuer en parallèle, comme des gammes de piano). Même si le livre est centré sur le vécu des patient·e·s, la multiplicité des interlocuteur·ice·s est souvent rappelée : le·a psychanalyste peut en effet salutairement désamorcer des situations tendues quand des soignant·e·s, que ce soit par leur sensibilité personnelle ou par leur rôle, sont en difficulté avec certain·e·s patient·e·s ("on ne saurait trop insister sur l'importance de cette disponibilité aux équipes et du temps incompressible qu'il faut y consacrer"). Les thèmes abordés sont nombreux dans ce petit livre (200 pages) : représentation de l'enfant, du désir d'enfant et de la grossesse, appréhension de l'accouchement, stérilité, procréation médicalement assistée... Le livre est recommandé par Anne Ancelin Schützenberger, spécialiste de la psychogénéalogie, et ce n'est pas surprenant : la transmission de la vie n'est-elle pas le moment intergénérationnel par excellence? 

  Les liens abordés ne seront d'ailleurs pas uniquement entre la mère et l'enfant, la grossesse interrogeant, selon le propos de l'autrice, les représentations, inconscientes ou non, de l'enfance, de la parentalité, de la transmission de la vie, faisant parfois surgir des conflits ou des douleurs qui jusque là ne semblaient pas occuper de place importante dans le psychisme. L'autrice évoque de très nombreux cas où une stérilité, parfois pesante depuis de longues années, ne trouvant pas d'explication médicale, se trouve soudainement résolue après la prise de conscience d'un deuil, d'une angoisse ou d'une rancœur ancienne, … Le vécu de l'enfance et la relation aux parents seront principalement interrogés, et des liens faits entre le concept freudien d'envie du pénis (pour aller très vite, étape freudienne du développement psychique de la petite fille où elle réalise que, contrairement aux garçons, elle n'a pas de pénis) et la grossesse.

  Si une partie des propos sont appuyés sur des recherches scientifiques (dont l'une, un entretien semi-directif passé par des donneuses d'ovocytes dans le cadre d'une procréation médicalement assistée, a été menée par l'autrice elle-même) ou s'articulent avec des situations cliniques bien précises (dont des dates de naissances qui coïncident avec une date très significative dans la vie psychique de la mère, éléments qui rappellent furieusement le travail de Schützenberger), les éléments théoriques proposés, foisonnants, ne sont pas toujours justifiés ou expliqués en longueur. On ne comprend par exemple pas nécessairement pourquoi le fait qu'une mère ne s'inquiète pas pendant sa grossesse indique qu'elle refoule une appréhension, pourquoi une très forte angoisse après une expérience terrible lors d'un accouchement précédent (douleurs intenses, enfant mort-né ou souffrant de séquelles, …) viendrait d'éléments de l'inconscient plutôt que de la peur bien palpable d'une répétition (une sage-femme refusant d'appeler un médecin malgré les demandes insistantes voire terrifiées de la personne qui accouche, n'est-ce pas marquant en soi, sans aller chercher un enjeu œdipien?), ou encore comment l'autrice a conclu que "chez l'humain, à la différence de l'animal, les conduites sexuelles s'appuient sur l'identification aux aînés" (pensée émue pour les chameaux, ornithorynques, libellules ou autres hamsters passés sur le divan pour faire avancer la science). On pourrait aussi mentionner des affirmations contradictoires ("l'avortement peut être le prix du sang à verser pour devenir femme soi-même" mais "l'adolescence féminine ne s'achève qu'avec la première naissance, même tardive") ou au contraire le fait que l'autrice reprenne à son compte une phrase de Nietzsche ("plus actuelle encore aujourd'hui qu'à son époque") qui n'est que trop compréhensible et dont le sexisme mettrait mal à l'aise Jean-Marie Bigard ("Tout chez la femme est énigme et tout chez la femme a une solution unique, laquelle a nom grossesse").

  Si les éléments avancés ne sont donc généralement pas assez développés, les pistes théoriques restent nombreuses et peuvent permettre, par exemple dans le cadre d'un stage dans le secteur de la périnatalité, d'être attentif·veà différents enjeux mis à jour par une pratique professionnelle riche et intense.

samedi 11 février 2017

Calme et attentif comme une grenouille, d'Eline Snel



 Enseigner la méditation aux enfants, ça peut sembler contre-intuitif. La méditation est une pratique qui a surtout des effets sur le long terme, qui demande de la patience et de l'assiduité, de rester de longues minutes à, délibérément, ne rien faire, ou du moins pas dans le sens où on l'entend habituellement... Soyons francs, même pour un·e adulte qui s'est motivé·e de lui ou d'elle-même, ce n'est pas forcément évident. Par exemple, la simple évocation de l'exercice du raisin sec me fait frémir (mon truc, c'est plutôt de manger une assiette de frites en 5 minutes). L'autrice a pourtant constaté que la méditation pouvait parfaitement être proposée aux enfants. Le livre vient d'ailleurs d'une demande d'adultes qu'elle a rencontrés dans ce cadre (parents, enseignant·e·s, …) : ce sont donc d'autres personnes qui ont constaté que non seulement les enfants étaient réceptifs aux exercices, mais aussi que l'autrice était compétente pour leur mise en place.

 C'est plutôt une bonne nouvelle : la méditation permet, la recherche scientifique l'a abondamment confirmé, d'être plus attentif·ve, de mieux maîtriser ses émotions, d'être moins procrastinateur·ice... autant de compétences que nombre d'enseignant·e·s et de parents rêveraient de voir maîtrisées par les enfants. Et, comme je l'ai dit plus haut, c'est une pratique de long terme : n'est-ce pas une bonne raison pour s'y mettre tôt?

 C'est classique pour un ouvrage d'initiation à la méditation, le livre est accompagné d'un CD (les méditations guidées sont aussi téléchargeables sur le net, avec un lien obligeamment fourni dans le livre, à côté de l'annuaire pour les lecteur·ice·s qui voudraient pratiquer avec un·e vrai·e enseignant·e). Je n'ai pas encore testé le CD en question, et c'est bien dommage parce que je me serais fait un plaisir de vous livrer une étude hautement scientifique en direct (groupe expérimental N=2, âge moyen 5 ans, âge médian 5 ans, groupe contrôle N=0). Je vais donc me contenter d'un témoignage de quelqu'un que j'ai croisé dans le métro me disant que ça marchait super bien avec sa fille de 4 ans qui pourtant avait souvent la bougeotte, et du commentaire du journal Le Monde rapporté par l'éditeur (à titre purement informatif) : "La voix douce de Sara Giraudeau aide les enfants stressés, dispersés ou anxieux à se recentrer et à s'apaiser". 11 méditations sont proposées, avec différents objectifs (s'endormir, contrôler les impulsions - "le bouton pause" -, les ruminations ou les émotions désagréables, …).

 En ce qui concerne le livre lui-même, il présente très clairement les enjeux et les bénéfices de la méditation de pleine conscience, et de la pratique de la pleine conscience en général, comme par exemple le fait que simplement identifier ce qui se passe au niveau des pensées et des émotions a de nombreux bienfaits, ou encore la différence entre lâcher-prise et résignation. Un·e adulte qui veut s'initier directement à la méditation de pleine conscience (ou même simplement savoir de quoi il retourne) peut parfaitement le faire avec ce livre. Les explications sont accompagnées d'anecdotes vécues avec des enfants (parfois issues de la vie de famille de l'autrice), et d'exercices à proposer qui ne sont pas nécessairement des méditations guidées.

vendredi 3 février 2017

Les écrits techniques de Freud (Séminaire, Livre 1), de Jacques Lacan



 Adoré (voire vénéré) ou détesté, connu pour ses concepts aux noms... euh... originaux comme mal-à-dit, sinthome ou objet a ou encore pour sa pratique de la séance courte de la scansion, autant dire que c'est avec appréhension que j'ai ouvert ce premier livre de Lacan, mais aussi avec la curiosité de savoir ce qu'il pouvait bien raconter exactement.

 Dans cette série de séminaires, à travers à la fois ses propres apports théoriques et des analyses minutieuses et critiques de textes de Freud (y compris des éventuelles erreurs de traduction), mais aussi par exemple de Mélanie Klein ou d'Alice et Michael Balint (il est aussi question d'un texte de Saint Augustin, mais j'ai cru comprendre qu'il ne s'agissait pas à proprement parler d'un texte de psychanalyse), il sera avant tout question de représentation. Entre la communication entre analysé·e et analyste, le transfert ("de n'être pas reconnu, le transfert a opéré comme obstacle au traitement. Reconnu, il devient le meilleur appui du traitement"), le rêve ("chaque élément signifiant du rêve, chaque image, fait référence à toute une série de choses à signifier, et inversement, chaque chose à signifier est représentée dans plusieurs signifiants"), les manifestations de l'inconscient, nombreux sont en effet les concepts à préciser ("on distingue mal entre imaginaire, symbolique et réel") pour comprendre finement tout ce qui se joue. Le séminaire a la qualité d'être interactif : Lacan répond aux questions des participant·e·s et les invite surtout à commenter les textes (une partie non négligeable du livre est donc constituée de commentaires de commentaires).

 Il va sans dire que l'idéal est de relire les textes dont il est question avant de lire la partie qui leur est consacrée : je ne l'ai pas fait et ça a contribué au fait que j'étais souvent perdu, même si j'étais bien content d'avoir de vagues souvenirs, par exemple, des Cinq psychanalyses de Freud. Mais force est d'admettre que même en ayant lu chaque texte en temps réel comme ça paraissait logique de le faire, j'aurais été perdu la plupart du temps : entre les références à la philosophie du langage (il est question à un moment de la création par l'humain du mot "éléphant" qui si j'ai bien saisi aurait eu plus de conséquences pour les éléphants qui tout ce qui a pu se produire d'autre dans leur vie d'éléphant, l'idée viendrait de Hegel), la complexité d'une bonne partie des propos (j'avais renoncé à comprendre l'histoire du miroir convexe posé en face d'un pot de fleur renversé bien avant que Lacan n'aille considérablement complexifier le truc) ou le fait que, décidément, certaines affirmations sont trop exotiques pour moi ("Les enfants, on les prend beaucoup trop pour des dieux pour l'avouer, alors on dit qu'on les prend pour des animaux" -mais de quels parents il peut bien parler?-, ou encore "L'animal est soumis à la mort quand il fait l'amour, mais il n'en sait rien" -la phrase n'est pas de Lacan, mais il y répond sans être perturbé le moins du monde-), l'essentiel de l'ouvrage ne m'a pas été tout à fait limpide. Pour ne rien arranger, les vignettes cliniques auxquelles se raccrocher pour éclairer la théorie sont rares. Je suis donc toujours aussi incapable qu'avant d'ouvrir le livre d'arbitrer, de dire si la psychanalyse lacanienne est un tissu de sophismes jargonnant ou si elle procure des éclairages transcendants sur la clinique analytique.

 Je ne peux que conseiller de l'aborder, pour ceux qui voudraient tenter l'aventure, déjà avec de l'aspirine de la patience, en ayant une connaissance au moins basique de Freud (et d'autres psychanalystes si possible), et de préférence un bon niveau en philosophie, en particulier pour ce qui concerne le langage.