samedi 26 avril 2014

L'observation clinique et l'étude de cas, de Jean-Louis Pedinielli et Lydia Fernandez



 Dans ce livre, des précisions parfois très techniques seront apportées sur les nombreux éléments en jeu dans l'observation clinique et dans l'étude de cas, avec une attention particulière portée sur la différence entre objet et sujet. En effet, même lorsque les outils des clinicien·ne·s ne comportent ni tests ni sémiologie, iels appliqueny une méthodologie aux patient··s pour atteindre un objectif. A l'inverse, les tests ou la sémiologie, s'ils sont intégrés à d'autres éléments, ne réduisent plus le·a patient·e à une score sur une échelle, ou à une liste de symptômes : même un diagnostic fait avec l'utilisation la plus caricaturale du DSM ("voyons voir, j'ai pu cocher 5 cases sur 7, il en fallait au moins 4, donc vous êtes xxx") peut impliquer d'intégrer ce diagnostic dans une compréhension bien plus générale des patient·e·s (sens du diagnostic ou des symptômes pour la personne, éventuels bénéfices secondaires, inscription dans son histoire, impact sur sa vie, ...). La part de l'objectif et du subjectif ne va donc jamais de soi.

Observation clinique et étude de cas sont successivement décrites et problématisées, de la façon de les effectuer à leur restitution. Les notions présentées le sont souvent sous forme de liste, ce qui est bien pratique pour faire des fiches, et le contenu des chapitres est très détaillé, ce qui est beaucoup moins pratique pour les résumer. Des concepts parfois très voisins (comme histoire des patient·e·s -dans le cadre de l'entretien clinique, pas d'une fiche wikipédia- et anamnèse) sont souvent définis avec précision pour permettre de les distinguer. Si le livre est extrêmement technique, il invite aussi régulièrement le·a clinicien·ne à ne pas se cacher derrière la technique, d'autant qu'il est impossible de s'effacer complètement derrière elle : dans le choix des informations relevées, de la façon de les relever et la façon de les traiter, bien sûr dans le contre-transfert, dans la façon de rédiger une éventuelle étude de cas (qui est comparée à un roman qui aurait pour contrainte de décrire la réalité, dans lequel le·a narrateur·ice est forcément un personnage et qui est adressé, dès sa rédaction, à un public particulier -chercheur·se·s, confrère·soeur·s, ...- ), sa personne a une influence.

La taille de ce tout petit livre est trompeuse : il est très compact, et fournit des informations nombreuses et parfois complexes... d'où le résumé très court, détailler le contenu reviendrait en fait probablement à rédiger un texte plus long que le livre, qu'on peut voir soit comme un dictionnaire de poche de l'observation clinique et de l'étude de cas, soit comme un chapitre particulièrement dense d'un livre de cours.

dimanche 20 avril 2014

La pratique de l'entretien clinique, de Gérard Poussin


 Ce livre se veut un mode d'emploi de l'entretien clinique, tout en reconnaissant qu'il est impossible de faire tenir la conduite à suivre pour le·a clinicien·ne dans un mode d'emploi. En faisant référence au livre de Colette Chiland sur le même sujet, il se rassure en constatant qu'il n'est pas le seul à être empêtré dans cette contradiction : "C. Chiland a écrit : "il faut se méfier de ceux qui, dans notre domaine, disent "il faut toujours..., il ne faut jamais...," Nous sommes devant des situations uniques auxquelles il faut savoir répondre". En relisant mon texte, je me suis aperçu que je disais souvent "ll faut" ou "Il ne faut pas". Cela dit, je remarque que la phrase de C. Chiland commence et se termine de la même façon ("Il faut se méfier..."/"Il faut savoir répondre"), ce qui me rassure un peu sur tous mes propres "Il faut" . "

 L'entretien clinique est d'autant plus central dans la pratique des psychologues clinicien·ne·s que le·a patient·e n'a généralement rien à négocier dans la consultation, de traitement médicamenteux ou d'autorisation de sortie de l'hôpital par exemple ("C'est précisément parce qu'il est sans pouvoir réel que le psychologue peut redonner le pouvoir au sujet"). Il existe bien sûr des exceptions, mais Gérard Poussin parle bien dans ce cas de négociation ("l'entretien de négociation est tout aussi noble que l'entretien clinique, mais il n'obéit pas tout à fait aux mêmes règles"), et exclut d'évacuer cet aspect de l'entretien, de faire comme s'il n'existait pas. Il donne aussi l'exemple de la consultation sur injonction judiciaire : en ce qui le concerne, il refuse de "signer le papier" si le·a consultant·e vient uniquement pour faire acte de présence et non en tant que patient·e.

 Les "Il faut" et "Il ne faut pas" assumés mais un peu regrettés par l'auteur viennent du fait que l'ouvrage s'apparente souvent à un manuel de déminage : nombre de pièges se glissent dans ce qui ressemble à priori à une simple situation de dialogue (voire de monologue entrecoupé de "hmm"). On échange même quand on ne veut pas échanger ("tout message est en fait interprété", "l'interprétation, au sens commun du terme, est notre pente naturelle"), et le·a patient·e le sait, voire le devance même quand ça n'arrange pas le·a psychologue qui cherche à être et paraître neutre -et bienveillant·e, bien sûr- ("le sujet cherche constamment à savoir ce que cherche l'interlocuteur, ce qu'il veut lui communiquer"). Le cadre lui-même fait partie intégrante de la situation clinique, et ce dès la prise de rendez-vous ("il faut toujours garder à l'esprit la façon dont les patients prennent rendez-vous"), et il n'est pas évident de trouver un équilibre entre le respect du cadre et l'adaptation aux demandes et spécificités des patient·e·s et des situations, même si l'avis de l'auteur sur celles et ceux qui sacralisent le cadre est plutôt limpide ("le soi-disant respect des règles, appliqué de manière obsessionnelle, n'est rien d'autre que l'aveu d'une rigidification à l'encontre des manifestations projectives agressives ou séductrices du patient lui-même").

 Le·a psychologue a aussi un grand devoir d'humilité, déjà parce que l'entretien clinique est impossible à maîtriser parfaitement, mais aussi parce que son attitude peut être néfaste aux patient·e·s, et ça a plus de risques d'arriver quand on est trop sûr·e de sa bienveillance ("le psychologue n'intervient pas. C'est par la médiation de son écoute, et de sa parole, qu'il permet au patient d'intervenir en sa propre faveur", une autre attitude risque de l'infantiliser et/ou de l'enfermer dans son trouble)... ou de son infaillible niveau technique ("on ne répond pas au vide mental en le remplissant de ses propres mentalisations", "les psychologues ne sont pas différents des autres humains et sont victimes eux aussi de préjugés", ...). Iel doit aussi, dans le cas où iel travaille en institution, ce qui est selon l'auteur indispensable dans un premier temps ("la pratique s'acquiert au sein d'une équipe, et non dans la solitude d'un cabinet", même quand on a un beau Master 2 -la chance!-, et même quand on a fait une analyse didactique et qu'on peut désormais répliquer "j'ai fait une analyse!" à chaque fois qu'un Moldu ose nous contredire), veiller à ce que l'institution ne le·a contraigne pas à des pratiques contraires à son éthique (consultation forcée, non-respect de la confidentialité, qui revient à avoir une fonction de "psychologue flic" ou de "psychologue bonne conscience"), quitte à brandir le code de déontologie si besoin, même si ça peut être difficile quand on débute parce qu'on est moins sûr de ses compétences donc c'est plus difficile d'envoyer promener le reste de l'équipe et en plus, comme le monde est mal fait, on est tout en bas de la hiérarchie (et, normalement, en CDD et/ou en temps partiel, même quand on a un beau Master 2 -la chance quand même!-) : l'auteur "pense néanmoins qu'il faut s'en tenir à ces règles et s'y accrocher, quel qu'en soit le prix". L'institution peut également être une excuse pour prendre des libertés : une patiente, par exemple, avait la sensation d'avoir été trahie parce qu'une partie des propos tenus lors de l'entretien clinique avait été restitué lors d'une réunion d'équipe. C'est normalement un peu le but des réunions d'équipe (non, le rôle des psychologues ne consiste pas à regarder, muet, les autres échanger avec un sourire entendu pour dire qu'iels savent plein de trucs que les autres ne savent pas), mais il s'est avéré qu'il n'y avait aucun intérêt clinique à répéter ces propos en particulier, l'attitude du psychologue était donc effectivement déplacée.

 J'ai utilisé les termes de mode d'emploi ou de manuel parce que les conseils donnés sont le plus souvent très spécifiques, même si des apports théoriques plus généraux sont fournis (comme la différence entre empathie -être capable de savoir ce que ressent l'autre-, transfert -représentation particulière de l'autre, accompagné d'un ressenti qui peut être intense, en fonction de son propre psychisme- et clivage -division du monde en bon et mauvais, qui implique d'inclure l'interlocuteur·ice dans une des catégories-), avec en particulier pas mal de notions de linguistique (la partie sur la méthodologie de l'entretien de recherche était pour moi parfaitement incompréhensible, mais pour le reste c'est quand même clair). Des conseils sont par exemple donnés pour les consultations avec des enfants ou des personnes âgées, mais aussi à des patient·e·s atteint·e·s de pathologies qui rendent la pratique de l'entretien clinique particulièrement difficile, comme la paranoïa, la dépression ou la psychose ("renoncer de mener des entretiens avec des personnes atteintes de certaines pathologies, c'est renoncer à leur reconnaître le statut de personne").

Si la psychanalyse reste le modèle théorique principal, l'auteur a une approche pragmatique et intègre ce qui lui semble fiable et avoir de l'intérêt quand c'est pertinent, et n'hésite pas à le préciser quand une notion psychanalytique est contredite par une avancée scientifique (il se sent obligé de s'en expliquer au début du livre, les missiles entre pro et anti fusant à un certain rythme depuis quelques années... c'est l'occasion de constater que le livre est récent, puisque le fameux livre de Michel Onfray sur Freud -sur lequel j'ai bien envie d'être désobligeant, mais je ne peux pas parce que je ne l'ai pas lu, et hélas il est long- fait partie des exemples donnés et il date de 2010). Une étude de psychologie sociale nous fournit ainsi un renseignement précieux : dans les techniques pour inviter l'interlocuteur·ice à continuer de parler de la façon la plus neutre possible, la reformulation et la complémentation sont plus efficaces qu'une nouvelle question ou une interprétation.

 Ecrit, on en a en tout cas l'impression, avec passion, ce couteau suisse est bien utile pour éviter de se vautrer dans des pièges d'autant plus dangereux qu'ils ne sont pas évidents à identifier.

samedi 12 avril 2014

L'entretien clinique, dirigé par Colette Chiland


 Ecrit à plusieurs mains (Colette Chiland est aidée de Marie-France Castarède, Michel Ledoux, Anne Ledoux et Béatrice Marbeau-Clerens), ce livre évoque les spécificités de l'entretien clinique (thérapeutique ou de recherche) et de son enseignement ("le savoir positif en notre domaine ne constitue pas un corpus cohérent et achevé qu'on puisse enseigner dogmatiquement ou axiomatiquement et posséder une fois pour toutes, comme la géométrie euclidienne"). Il s'appuie en effet sur une rencontre entre un sujet et un autre sujet (parfois plus de personnes encore sont impliquées, comme les parents lorsque le·a patient·e est enfant ou adolescent·e, ou un tiers quand la consultation concerne une relation).

 Les pièges à éviter, parfois insidieux, sont en effet nombreux. La neutralité bienveillante est essentielle pour le bon déroulement de l'entretien (le·a consultant·e ne doit pas se sentir menacé·e ni méprisé·e, doit sentir qu'iel peut s'exprimer librement), mais "ni la neutralité, ni la bienveillance ne vont de soi". Inciter le·a consultant·e à développer lorsqu'iel est mal à l'aise, si ça part d'une bonne intention (lui faire comprendre qu'iel peut tout dire, et accessoirement arriver au fond du problème), peut le·a braquer et faire qu'iel ne reviendra pas (une mauvaise réaction peut parfaitement avoir lieu en différé). Trop abonder dans son sens risque de briser la relation soignant·e/patient·e, du moins dans l'esprit du ou de la patient·e, et empêcher d'identifier un blocage qui ne surviendra pas. Au contraire, si le·a clinicien·ne donne des leçons de morale, même quand ça semble pertinent, l'interlocuteur·ice sera trop occupé·e à être sur la défensive pour donner une chance de comprendre son attitude et le·a rendre réceptif·ve au discours qui s'avérera approprié. Sur ce dernier point, deux exemples sont donnés, qui rappellent aussi qu' "il est essentiel, pour bien mener un entretien, de chercher à comprendre la personne présente, et non celle qui est absente". Dans le premier, la belle-mère d'une enfant de 6 ans en grande souffrance tient à ce que l'enfant l'appelle "maman", et compte ne pas lui révéler qu'elle n'est pas sa mère biologique avant l'âge de 10 ans (alors qu'elle voyait régulièrement ses frère et sœur aînés, habitant eux avec la mère biologique). La psychologue a essayé de lui expliquer que son attitude était destructrice pour l'enfant, ses arguments n'ont pas été reçus avec compréhension et enthousiasme. Consciente de son échec, elle propose une deuxième consultation, au cours de laquelle elle apprend que la "marâtre" ne pouvait pas elle-même avoir d'enfants, et avait été abandonnée par sa propre mère. En acceptant d'écouter ses souffrances, elle a finalement pu ensuite la convaincre d'avoir une attitude plus constructive. Dans le deuxième exemple, un homme consulte parce qu'il compte se séparer de celle qui est sa compagne depuis quatre ans, et qui est enceinte. La psychologue, pour le moins, sympathise peu, et oriente plus l'entretien vers des aspects matériels que psychiques (la responsabilité affective et matérielle envers l'enfant, les possibles poursuites judiciaires, …). Le consultant, terrassé par la culpabilité après ce premier contact, est aller consulter un autre psychologue auquel il a cette fois-ci eu le loisir d'expliquer que sa compagne, qui n'avait jamais accepté de se marier, avait arrêté sa contraception sans le lui dire, et refusait qu'il ne reconnaisse l'enfant pour pouvoir bénéficier de pensions alimentaires de la part des trois pères potentiels. Il a aussi pu exprimer sa demande, de savoir quelle était la meilleure attitude pour que son ex-compagne le laisse voir l'enfant (l'auteur ne dit pas qu'il faut systématiquement être du côté de la personne qui consulte, simplement qu'il faut prendre connaissance de ses représentations pour que l'entretien ait du sens pour les deux parties).

 Les effets de transfert et de contre-transfert sont eux aussi détaillés. L'attitude des patient·e·s (agressive, fusionnelle, ...) est une information sur la façon dont iels approchent les relations, ou une relation importante en particulier (avec le père, la mère, …). Rentrer dans le jeu des patient·e·s risque de provoquer un cercle vicieux, disqualifier l'attitude pourrait être mal compris. Le contre-transfert est aussi source d'informations ("nous savons tous combien la fatigue, le malaise ou l'angoisse que nous pouvons ressentir lors d'un entretien peuvent avoir une valeur diagnostique"), et peut s'exprimer envers le·a patient·e (si ce n'est pas identifié, il devient donc moins sujet et plus objet) ou encore envers un groupe fréquenté par le·a patient·e, ce qui peut être particulièrement néfaste si c'est exprimé, serait-ce en croyant bien faire ("certaines personnes investissent un groupe, une institution, comme l'enfant sa mère"). L'anticléricalisme d'un thérapeute l'a ainsi conduit à diagnostiquer un patient comme psychotique pour ses pratiques et croyances religieuses. Un chapitre entier est également consacré au langage non-verbal, très informatif ("si on enregistre au magnétoscope un entretien avec un patient, et qu'on projette à un groupe d'étudiants la bande magnétique sans le son, on est étonné de voir la quantité d'informations qui ont pu être saisies par les spectateurs quant à la personnalité du consultant, alors que ce dernier ne communiquait intentionnellement avec le clinicien que par le discours") mais difficile à maîtriser en temps réel (d'où l'intérêt d'identifier le contre-transfert!).

 La situation spécifique de l'entretien clinique appelle bien entendu une formation spécifique. Les outils proposés sont l'analyse après-coup d'entretien à plusieurs (un·e étudiant·e parle avec d'autres étudiant·e·s d'un entretien effectué), l'analyse d'un entretien enregistré en vidéo (seuls les entretiens de recherche clinique sont concernés, pour des raisons éthiques) ou encore le jeu de rôles, qui a le mérite de permettre de se mettre plus littéralement à la place des patient·e·s (avec débriefing entre étudiant·e·s après, à chaud ou après visionnage de l'enregistrement). C'est l'occasion de réaliser l'écart entre approche rationnelle et ressenti. Plusieurs exemples sont donnés. Dans l'un d'eux, une étudiante s'enthousiasme d'un entretien auquel elle a assisté lors d'un stage : l'approche non directive du psychologue a permis aux patient·e·s d'exprimer spontanément les informations importantes pour la thérapie. L'enseignant propose de reproduire l'entretien, et d'enregistrer ce moment d'enchantement pédagogique. L'étudiante se rend compte lors du visionnage qu'elle a eu exactement l'attitude inverse de celle dont elle avait chanté tant de louanges : ses questions étaient non seulement très directives, mais parfois même rhétoriques ("vous ne pensez pas que...?"). Un autre cas concerne un entretien dans lequel la patiente était une jeune femme (16 ans) enceinte. Au moment du débriefing, une étudiante s'emporte vite : l'adolescente est en train de ruiner sa scolarité et son avenir, c'est complètement irresponsable de la laisser partir sans un rendez-vous en planning familial pour prévoir un avortement. Jeu de rôles pour qu'elle montre comment il fallait faire : face à la patiente (même incarnée par une autre étudiante), elle se rend vite compte que ses convictions idéologiques n'étaient pas adaptées à la situation de cette adolescente qui percevait sa grossesse sur un mode affectif.

 Les spécificités de l'entretien clinique avec l'enfant et l'adolescent sont également détaillées (promis, je n'ai pas fait exprès de faire une transition avec l'exemple juste avant où il est question de l'enfant d'une adolescente). Le feeling est particulièrement important avec l'enfant ("la conduite et le mode d'entrée avec l'enfant sont d'une extrême variété"), ce qui est souvent illustré par un jeu de gribouillage auquel Winnicott s'adonnait avec ses jeunes patients, source de matériel clinique mais aussi activité qu'il appréciait sincèrement, même si "chacun de nous ne réussit pas à établir le contact avec n'importe quel enfant". La situation varie non seulement en fonction de l'âge de l'enfant, mais aussi du niveau et de la nature de la participation des parents (ce qu'ils souhaitent, et ce que le thérapeute souhaite leur attribuer), de la demande de l'enfant et de ce qu'il comprend de la situation.

 Le chapitre sur l'adolescence concerne finalement plus l'adolescence elle-même que l'entretien clinique avec l'adolescent·e. Différentes dynamiques à l'œuvre sont évoquées, dont le parallèle entre le vécu des parents et celui de l'adolescent·e : alors que l'adolescent·e est dans sa propre période de transition, qui l'amène à revoir sa relation avec ses parents, les parents revivent leur adolescence, ce qui peut se faire dans la rancœur si eux-mêmes ont été frustrés à cette période et que leur enfant ose ne pas l'être, ou en la revivant plus littéralement en ayant une attitude de pote qui va rendre plus flous les repères entre les générations au moment même où ils sont en train de se constituer autrement. La complexité de ces dynamiques rend particulièrement indispensable d'être vigilant·e aux transferts et contre-transferts : le·a thérapeute est forcément un·e adulte au même titre que les parents, le·a consultant·e adolescent·e forcément un·e adolescent·e, la distance nécessaire à la neutralité bienveillante n'est donc pas évidente à avoir. Il peut paraître plus légitime qu'avec le·a patient·e adulte de juger avant de comprendre, et l'enjeu presque incontournable du conflit avec les parents est un terrain glissant : l'autonomie est attirante mais n'est pas forcément rassurante, les interdits sont pesants mais peuvent avoir besoin d'être réhabilités, le·a soignant·e qui se pose trop du côté des parents risque de relancer le conflit, celui ou celle qui approuve avec insuffisamment de réserves les revendications du ou de la patient·e le·a prive d'une certaine sécurité.

 L'entretien clinique de recherche est aussi évoqué, les informations données sont plus techniques (en particulier l'aspect quantitatif, pour le choix des sujets et le traitement des données), même s'il y a des points communs avec l'entretien clinique tout court (le sujet doit se sentir en confiance, doit être d'accord avec ce qui va se passer, …). L'entretien de recherche peut d'ailleurs avoir des conséquences cliniques : sentiment de libération du fait de pouvoir s'exprimer, identification d'un problème (l'auteur rapporte même un cas où l'entretien a du s'interrompre, le sujet pris d'une crise d'angoisse suite aux affects éveillés).

 A travers les nombreux exemples donnés, l'équilibre entre théorie et pratique qui convient particulièrement pour le sujet de l'entretien clinique est respecté, autant que faire se peut pour un livre, qui est après tout un cours magistral en différé. Le propos est toujours clair et les enjeux sont bien exposés. Mélanie Klein, Donald Winnicott et Carl Rogers (dont le travail a eu un impact décisif sur la façon de mener un entretien non directif) sont très largement dominants dans les modèles théoriques. Le livre gagne probablement à être lu à différents niveaux de la formation (avant d'avoir eu affaire à un·e patient·e, après un premier stage, un fois qu'on a le sentiment d'avoir une expérience solide, …).

mercredi 9 avril 2014

14 approches de la psychopathologie, de Serban Ionescu



 Si "le chemin menant des approches exclusives à une approche intégrative est semé d'embuches" (ce qui n'empêche pas Serban Ionescu de prévoir de s'attaquer au sujet), l'auteur estime que l'évaluation de notre approche habituelle "ne peut que bénéficier d'une connaissance approfondie des autres approches". Il nous propose donc une introduction, courte mais loin d'être superficielle, à 14 approches qui ne communiquent pas nécessairement entre elles, et qui sont la psychopathologie dite athéorique (DSM), la psychopathologie behavioriste, la psychopathologie biologique, la psychopathologie cognitiviste, la psychopathologie développementale, la psychopathologie écosystémique, l'ethnopsychopathologie, la psychopathologie éthologique, la psychopathologie existentialiste, la psychopathologie expérimentale, la psychopathologie phénoménologique, la psychopathologie psychanalytique, la psychopathologie sociale (la psychopathologie en vacances, la psychopathologie à la ferme, la psychopathogie se rebiffe, la revanche de la psychopathologie) et la psychopathologie structuraliste.

 La naissance et l'évolution problématisée de chaque approche sont présentées dans le chapitre qui leur est consacré, et selon les objectifs de l'approche des informations sont données sur leur nosologie, leur vision de la clinique, leur méthodologie de recherche, …

 Le chapitre sur la psychopathologie athéorique est le premier chapitre, et malheureusement celui où l'ancienneté du livre (l'édition en cours, la 3ème, date de 1998) se fait le plus sentir : aucune information ni avis ne seront donnés sur le DSM 5. L'auteur précise tout de même que le terme d'athéorique n'a pas vraiment de sens (je suis plutôt d'accord, à moins de confier la rédaction du DSM à des gens qui n'ont strictement aucune connaissance en psychopathologie et en leur interdisant formellement de se renseigner sur le sujet), le DSM devrait plutôt se dire polythéorique, au mieux impartial (entre les théories existantes), à supposer que ce soit possible.

 La psychopathologie behavioriste a la particularité de ne s'intéresser qu'aux comportements observables, qui sont une réponse à l'environnement. Sa forme moderne, peu connue, est le behaviorisme social ou paradigmatique, où les comportements pathologiques sont classés d'une part en absence de comportement souhaitables, d'autre part en présence de comportements nuisibles. Le comportement découle de l'environnement, mais a aussi des conséquences sur celui-ci.

 La psychopathologie biologique concerne les éventuelles causes physiologiques des troubles psychiques. L'auteur donne l'exemple des étiologies successivement attribuées à l'hystérie, ou d'une étude sur le lien entre le manque d'acide 5-hydroxyindolacétique et le suicide.

 La psychopathologie cognitiviste a pour objet la façon dont certaines pathologies peuvent provenir d'une modalité particulière de traitement de l'information. Par exemple (pour résumer très très très succinctement), le fait de s'estimer responsable des événements négatifs qui surviennent contribue à la dépression.

 La psychopathologie développementale, à ne pas confondre avec la psychologie du développement, étudie les liens entre personnalité et pathologie.

 La psychologie écosystémique s'intéresse aux réseaux sociaux (rien à voir avec Facebook et Twitter), en distinguant par exemple des réseaux de type névrotique et psychotique (bon, j'entends les mauvaises langues dire que ça n'a pas tant rien à voir que ça avec Facebook et Twitter).

 L'ethnopsychopathologie s'interroge sur les liens entre culture et troubles psychiques, d'une part en s'intéressant aux troubles qui semblent spécifique à une culture en particulier (comme le koro, crainte que le pénis ne se rétracte a l'intérieur du corps, ou l'amok, crise de folie meurtrière sans égard pour sa propre vie, qui a tout de même eu la particularité de se moderniser -les patient·e·s sont passés du kris, poignard traditionnel, aux grenades-) et remettent en question l'idée d'universalité des troubles psychiques, d'autre part en s'intéressant aux pathologies induites, voire créées, par la culture -Georges Devereux fait une distinction entre déviation de la norme (qui peut amener à une stigmatisation et une exclusion plutôt qu'un diagnostic clinique) et conformité à certaines normes marginales (être fou conformément à la façon attendue d'être fou)-.

 La psychopathologie éthologique est surtout particulière pour ses apports méthodologiques : elle a adapté les méthodes d'observation du monde animal à la recherche sur le psychisme humain. Son principal mérite est d'avoir contribué à élaborer l'incontournable théorie de l'attachement.

 Je serais bien en peine d'expliquer correctement en quoi consiste la psychopathologie existentialiste parce que, je suis ravi que Ionescu me l'accorde, "l'approche existentialiste requiert sans doute une bonne compréhension de la philosophie qui porte le même nom. Ceci n'est pas facile!" . Même Maslow trouvait ça super compliqué, au point qu'il l'a écrit dans un livre consacré au sujet. D'après ce que j'en ai laborieusement compris, ça consiste à faire précéder l'existence à l'essence (pour aller très vite, mon identité vient de ce que fais plus que de mon état civil). Le·a patient·e doit donc, avec l'aide du ou de la thérapeute (et non d'une secte), découvrir son être propre, et identifier les mécanismes qui pourraient fausser la perception de son identité (être défini par le monde alentour -Umwelt-, notre entourage -Mitwelt- ou notre image de nous-même -Eigenwelt-), dénouant progressivement les symptômes, voire permettant de se libérer d'une "psychopathologie de la moyenne".

 La psychopathologie expérimentale a débuté suite à des résultats imprévus du travail de Pavlov et son équipe : certains animaux sujets d'expérience sur le conditionnement développaient des troubles psychiques (on se demande bien pourquoi, passer ses journées dans une cage entre des expériences qui se termineront soit bien -nourriture- soit par des chocs électriques, ça doit pourtant être très épanouissant). La méthode a subi des objections sérieuses (Pavlov lui même, mais on aurait pu le faire sans lui, rappelle que les conclusions obtenues avec des animaux ne peuvent être transposées telles quelles pour les êtres humains) et moins sérieuses (un chercheur qui expérimentait sur les chats -probablement financé par le CCC- s'est vu opposer l'argument que les comportements observés ne pouvaient pas être le résultat de névroses, puisque les névroses ne pouvaient que provenir d'un conflit œdipien non résolu, hors les chats concernés n'avaient pas connu leur père). L'auteur donne un exemple plus moderne où des expériences de psychologie cognitive (mesure des temps de réaction), effectuées cette fois-ci directement sur la population concernée, ont permis d'établir que les patient·e·s schizophrènes (humain·e·s!) avaient une vitesse de traitement de l'information visuelle inférieure à celle des sujets non schizophrènes.

 La psychopathologie phénoménologique a le point commun avec la psychopathologie existentialiste d'avoir ses origines dans la philosophie, et d'être très complexe. Sa principale originalité est son approche de la recherche : au lieu de partir, comme la méthodologie l'impose habituellement, d'une hypothèse que l'on va confirmer ou infirmer selon des critères très stricts, on part de l'observation la plus exhaustive possible du ou de la patient·e, en particulier de ses propos (le·a chercheur·se ou le·a thérapeute "tente de connaître ce qu'est "l'expérience de la folie" à partir de ceux qui l'ont vécue et qui deviennent, ainsi, les principales sources d'informations et de données"). Autre particularité : "il s'agit d'une recherche engagée socialement qui, en se développant davantage, pourra contribuer à un changement des politiques en matière de services psychiatriques".

 Bon, la psychopathologie psychanalytique, je pense que vous connaissez. Intérêts particuliers du chapitre : Ionescu isole un tronc commun en quatre points des très nombreuses théories analytiques (le passé peut provoquer des troubles psychiques, surtout lorsqu'il est refoulé donc inconscient, la sexualité est centrale, le sens donné au vécu et son impact dépendent du stade de développement auquel il est survenu, la maladie mentale a une fonction, c'est une adaptation à la réalité pour éviter une souffrance), et dresse un inventaire des réponses données à l'éternelle question "la psychanalyse est-elle une science?" (y compris celles données par les détracteur·ice·s de la psychanalyse).

 La psychopathologie sociale, qui n'est pas la psychologie sociale, a pour objet d'identifier les aspects pathogènes de la société. Son point de départ était le constat quantitatif que les troubles psychiques étaient plus fréquents dans les milieux sociaux défavorisés.

 La psychopathologie structuraliste inscrit la psychopathologie dans la personnalité : une personne de structure névrotique, si elle est atteinte d'un trouble psychique, souffrira de névroses, une personne de structure psychotique souffrira de psychoses. Les structures peuvent être identifiées par les relations entre les différentes instances de l'inconscient chez le sujet (Ça, Moi, Surmoi, Idéal du Moi, …).

 Le titre du livre et sa brièveté peuvent donner l'impression qu'il s'adresse aux débutant·e·s, mais si le texte est clair, le contenu est dense, et une familiarité avec la psychologie clinique ne dispensera pas d'une lecture attentive. L'auteur a le plus souvent la démarche d'expliquer le général en rentrant dans les détails d'un exemple particulier, ce qui permet de publier le livre en un seul tome tout en ayant l'espace pour rentrer dans les subtilités nécessaires. Selon lui, toutes les approches doivent être prises au sérieux (même la psychopathologie behavioriste), et il commence sa postface en ironisant sur le fait que les amateur·ice·s de caricature auront probablement été très déçu·e·s en le lisant (iels pourront se consoler en lisant mon résumé! c'est ce qui arrive quand on résume en quelques lignes un contenu nuancé, et qu'on n'est pas Serban Ionescu mais un étudiant de 3ème année). Pour appuyer son plaidoyer sur l'écoute attentive entre les approches, il suggère que "Freud ne s'étonnerait pas des développements actuels des approches biologique, éthologique et sociale de la psychopathologie".

 Note : je l'ai déjà dit plusieurs fois mais c'est particulièrement le cas ici puisque pas mal de contenu que je ne maîtrise pas (on parle quand même de 14 approches qui ont chacune évolué au cours de décennies de réflexions entre spécialistes) est balayé dans un tout petit résumé, si il y a des approximations ou des contresens n'hésitez pas à le signaler en commentaire, pour éviter que des étudiant·e·s lisent des âneries

vendredi 4 avril 2014

Comment les jeux vidéo tentent de vous rendre accro (mais n'y réussissent pas toujours)



 Pour discuter de ce sujet qui n'est pas récent, à l'occasion de cette émission -C'est pas qu'un jeu- d'@rrêts sur images co-produite avec Canard PC (c'est le thème du dossier de leur dernier n°), sont invités Maria Kalash (c'est un pseudo!), une journaliste de la rédaction de Canard PC, Fabien Delpiano, le concepteur du jeu Rayman Jungle Run (dont la phrase "je fais des jeux vidéo, pas de la drogue" a intéressé la rédaction), un psychiatre spécialiste de l'addiction (Marc Valleur, déjà invité ici par la rédaction d'@rrêts sur images) et Olivier Mauco, docteur en game studies (si si!).

 Ponctuée par des extraits d'un documentaire affligeant d'Arte où des philosophes parlent des gamer·euse·s de la façon la plus méprisante possible tout en ne connaissant absolument rien à leur sujet, l'émission est au contraire précise et intéressante. La problématique est évacuée très tôt par Marc Valleur : seule une infime partie des joueur·se·s est concernée par l'addiction (ce qui est aussi le cas pour les autres substances addictives, précise-t-il)... ce qui implique tout de même que cette addiction existe. A ma grande surprise, il maîtrisait d'ailleurs merveilleusement bien le sujet du jeu vidéo : j'avais été surpris de le voir utiliser naturellement le mot FPS, mais il parle aussi spontanément et avec aisance de farming, de roleplay...

 Exploit pour une émission si courte avec tant d'intervenant·e·s (j'ai beau être abonné avec enthousiasme à @rrêts sur images depuis un moment, je n'en attendais pas tant!), les nuances sont exprimées, et le sont clairement : parler d'un jeu addictif, ce qui est paradoxalement un argument de vente, n'évoque absolument pas l'addiction au sens clinique, chronophage non plus ne veut pas dire addiction (l'argument sera appuyé par des exemples d'activités dont l'aspect chronophage est plus accepté socialement, comme la télévision, la lecture -la personne qui, plongée dans Dostoïevski, rate sa station de métro, ne passera pas pour une dangereuse asociale-... ou le violon). La personne souffrant d'addiction est la personne qui, elle-même (si si, un·e ado, même un·e ado qui passe son temps devant un écran, saura prendre ses responsabilités s'iel se sent prisonnier·ère), demandera de l'aide... et les cas existent. Les MMORPG (jeux de rôle en ligne, le plus connu est World of Warcraft) semblent plus propices que les autres à l'addiction clinique (Marc Valleur se souvient avoir reçu ses premier·ère·s patient·e·s victimes de cette addiction avec Dark age of Camelot), d'où peut-être la grande maîtrise du psychiatre des termes techniques de ce type de jeu.

 Les différentes raisons pour lesquelles le·a joueur·se succombera, le plus souvent on l'a vu de son plein gré, à l'appel du jeu, sont évoquées : recherche de progression technique (c'est en particulier le cas pour Counter Strike, qui a semble-t-il inquiété de nombreux parents), levelling -on joue pour que notre personnage, à force de temps passé, devienne plus fort- (l'aspect novateur de World of Warcraft est d'ailleurs le fait qu'on ne risque pas de régresser même en cas de mort de son personnage -il ressuscite comme il était avant-, donc le temps joué ne peut que le faire progresser), gestion de l'aléatoire selon le concept de la boîte de Skinner, aspect social (c'est là qu'il est question de guilde et de roleplay), … Il suffira qu'Olivier Mauco évoque des doutes sur l'aspect aléatoire des grilles proposées dans le fameux Candy Crush pour que le jeu en prenne plein la gueule de la part de l'ensemble des intervenant·e·s : sa gestion de la difficulté leur paraît douteuse au niveau éthique, surtout que rejouer implique de plus en plus de dépenser de l'argent.

  L'émission parlera aussi de l'addiction sans substance en général, et ça vaut le détour. Déjà, on apprendra que le sujet n'est pas récent : un des textes les plus anciens (16ème siècle) qui stipule que l'addiction n'est pas un problème moral ni religieux mais médical parle de l'addiction aux jeux d'argent. A l'occasion d'une digression de Fabien Delpiano qui compare la passion amoureuse à ce qui pourrait être considéré comme de l'addiction, Marc Valleur répond que, depuis peu, des patient·e·s viennent consulter pour que leur passion amoureuse soit tempérée! En revanche, dans la plupart des cas, c'est pour se sortir d'une relation considérée comme néfaste (violences, …) : il n'y a semble-t-il pas encore eu de Roméo qui se ruait à la clinique pour arrêter de passer ses soirées à envoyer des SMS enflammés à Juliette.


Si vous voulez commander le Canard PC avec le dossier, c'est le n°293, j'imagine que c'est bien aussi mais je ne l'ai pas lu.

mardi 1 avril 2014

Next!



 Maintenant que les lectures préparatoires pour le projet tutoré sont faites (plus qu'à se mettre au dit projet tutoré), je dois faire un choix cornélien entre deux priorités : 1°) lire les livres recommandés par ma responsable de stage pour optimiser le temps extrêmement court que je vais passer sur le terrain, 2°) comme prévu en début d'année (et même en fin d'année dernière, quand j'ai appris avec émotion que mon semestre était validé), piocher dans la bibliographie conseillée pour la matière Méthodologie de l'entretien clinique. Bon, je dis choix cornélien parce que j'aime bien en rajouter, mais vu que je n'ai pas encore trouvé de stage ça fait pas mal de critères plutôt objectifs pour pencher vers l'option n°2. Mais je le vis bien, de ne toujours pas avoir de stage en avril. Ça ne m'inquiète aaaaabsolument pas, j'ai encore largement le temps (15 jours?). D'avoir énormément de mal à avoir ne serait-ce qu'une réponse, ça pourrait être décourageant, mais ce n'est pas mon genre... Se taper la tête contre les murs quand je cherche une structure qui a plus de chances de m'accepter (de donner signe de vie?) que la précédente, se ronger les ongles jusqu'à l'épaule, avoir envie de fumer cigarette sur cigarette alors que je suis non-fumeur, avoir une insomnie assortie d'un coup de speed surpuissant parce que ça fait 2 jours que personne ne répond au téléphone dans la structure qui a déjà demandé de rappeler plus tard les deux tentatives précédentes, ça n'a rien à voir avec le stress, c'est une méthode de yoga très moderne. D'ailleurs, tant que j'y suis, si vous êtes psychologue près de Lyon (près de Lyon, c'est large tant qu'il y a une gare, j'ai l'esprit ouvert surtout à cette époque de l'année) et que votre rêve le plus fou était justement de m'avoir en stagiaire (100 heures), je serais ravi de vous combler, je suis joignable sur l'adresse e-mail juste au dessus.

Vous voilà rassurés sur ma sérénité, je vais donc m'attarder sur les prochaines fiches de lecture qui vont apparaître ici. Au delà de l'exigence légendaire de l'enseignante pour la matière Méthodologie de l'entretien clinique, c'est surtout son importance qui fait que c'est utile d'aller au delà du cours lui-même (bon, ça, et le fait que c'est demandé explicitement!). C'est ce cours qui fait que la remarque "c'est bien la peine de faire 5 ans d'études pour écouter, j'ai des ami·e·s qui le font très bien (et gratuitement)" est à côté de la plaque (sauf pour la dernière partie... ou alors il faut peut-être changer d'ami·e·s, sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas). Un·e psychologue clinicien·ne ne fait certes pas qu'écouter mais c'est quand même au centre de la profession, et écouter n'est pas une activité passive (d'ailleurs "entretien" implique de parler aussi). Savoir quand parler et quand se taire ("garder le silence" dans le sens d'être le gardien du silence, disait Georg Garner), obtenir et identifier les informations utiles pour faire le bon diagnostic (ça ne veut pas dire les inventer anticiper parce qu'on a décidé du diagnostic au bout de 2 secondes), éviter de blesser le·a patient·e (en donnant l'impression de le·a juger négativement, de ne pas être intéressé·e par ce qu'iel dit, …) ou de lui donner la sensation qu'on ne peut pas l'aider (si on ne peut vraiment pas l'aider, il faut le·a diriger vers un·e autre professionnel·le, c'est dans l'article 6 du Code de déontologie des psychologues), respecter et faire respecter le cadre, rester ni trop proche ni trop distant·e, ça ne va pas non plus de soi. Certes, apprendre l'échange oral en lisant des livres ne va pas suffire (d'où l'intérêt de trouver un stage... … …), mais il faut bien commencer quelque part cet apprentissage qui, la perfection n'existant pas, se prolongera tout au long de cette carrière convoitée.