jeudi 30 mai 2019

De l’identité nationaliste, de Nicolas Kervyn, Jacques Philippe Leyens et Maïder Deschamps




Frustrés du manque de présence des psychologues sociaux·les dans les débats sur l’identité nationale française (par opposition aux "romanciers, journalistes, philosophes, sociologues, historiens, géographes, essayistes"), une journaliste et deux chercheurs en psychologie sociale… belges nous font partager ce que leur discipline peut apporter. Leur angle principal est une distinction entre l’identité nationale (le patriotisme, le plaisir de l’appartenance, "nous" et "vous") et l’identité nationaliste ("nous" et "eux", "qui va chercher dans l’histoire des justifications à la xénophobie, qui convertit les différences culturelles en différences de valeur", "qui distingue les "vrais français" des autres"). Alors que le·a patriote aura plutôt tendance à se réjouir de l’immigration (l’amour de son pays est partagé), le·a nationaliste la verra comme une tragédie et, pire encore, une menace.

Si l’opinion défavorable des auteurs et de l'autrice envers le nationalisme est plutôt limpide, iels ouvrent leur essai sur les vertus du patriotisme… qu’iels jugent fondamental au point de faire un lien avec la théorie de l’attachement. C’est pour elle et eux l’occasion d’aller plus loin dans la distinction en rappelant que la théorie de l’attachement a permis d’établir qu’un lien affectif plus sécurisant permet précisément d’atténuer la peur d’explorer, d’aller vers l’autre. Iels poursuivent leur raisonnement avec l’exemple concret de prisonniers de guerre ayant été soumis à l’isolement et à des tentatives de lavage de cerveau : "les soldats les moins influencés étaient ceux qui se référaient le plus à leur famille et à leur pays. De même, les prisonniers fidèles à une religion se trouvaient moins soumis", "ils avaient internalisé leur groupe d’appartenance : ils n’étaient pas seuls". Le patriotisme implique aussi l’intégration de valeurs morales ("loin d’être influencé par l’idéologie ennemie, McCain était sorti davantage convaincu du bien-fondé des opérations américaines"), et leur trahison peut avoir diverses conséquences. Par exemple, le sergent Thomson, en essayant d’empêcher le massacre de My Lai pendant la guerre du Vietnam, alors même qu’il était dans une situation de conflit armé (où il s’était donc engagé pour tuer des combattants ennemis), s’est au nom de ses idéaux patriotiques opposé à des soldats de l’armée américaine. Allant plus loin, Mordechai Vanunu, heurté par la politique d’Israël, a diffusé des documents secrets (il était technicien dans une centrale nucléaire, ce qui lui a permis de dénoncer le développement du nucléaire malgré des accords de non-prolifération) mais a également quitté son pays, s’est converti religieusement, a changé de nom pour un nom anglophone (John Crossman) et a refusé à plusieurs reprises de parler hébreu. L’aspect inclusif du patriotisme est, pour les auteurs, particulièrement bien représenté par la citation de Barack Obama : "Je crois en l’exceptionnalisme américain tout comme je suspecte que les Britanniques croient en l’exceptionnalisme britannique et que les Grecs croient en l’exceptionnalisme grec".

Les auteurs et l'autrice approuvent également la citation de Romain Gary "Le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres". La défiance envers l’autre, largement étudiée depuis des années par la psychologie sociale, n’est hélas pas l’exclusivité d’une personnalité ou d’une opinion particulière. Par exemple, on peut bêtement imaginer qu’un·e étudiant·e préfère avoir 15/20 que 13/20? Pourtant, dans une expérience menée auprès d’étudiantes en psychologie, une distinction pourtant assez superficielle (se destiner plutôt à une carrière auprès d’enfants ou auprès d’adultes) a suffi à provoquer une volonté de supériorité envers le groupe des "autres", même si cette supériorité avait un coût (dans le cas de cette expérience, préférer avoir 13/20 et que les autres aient 10/20, plutôt qu’avoir 15/20 et que les autres aient 17/20, ou encore que tout le monde ait 14). Cet effet n’est pas spécifique aux étudiantes en psychologie (en toute objectivité, je n’aurais jamais osé l’imaginer) : cette expérience est une réplication d’une expérience plus ancienne, pour laquelle la préférence pour un peintre plutôt qu’un autre avait donné des résultats semblables pour une somme d’argent à distribuer. Une autre tendance spontanée est l’ethnocentrisme : ceux et celles qu’on estime faire partie d’un exogroupe sont considérés au moins inconsciemment comme plus semblables entre eux, et bien entendu ayant plus de défauts, sinon moins de qualités. Les travaux de Susan Fiske ont montré que le fait d’accorder des qualités à l’exogroupe (les Noir·e·s sont sportif·ve·s, les Juif·ve·s sont travailleur·se·s, …) avait un effet pervers en rendant les stéréotypes plus résilients, en partie en les rendant plus socialement acceptables. Le fait de s’attribuer des identités multiples (nationale, professionnelle, religieuse, de centres d’intérêts, ...) permet de limiter ce type d’effets. Les auteurs et l'autrice rappellent quelques recherches montrant qu’on est tou·te·s, qu’on le veuille ou non, exposé aux stéréotypes, et que l’identifier est un premier pas pour mieux se comporter. Si le racisme explicite est plus rare que par le passé (même s’il est toujours existant - "chaque cri de singe ou jet de banane lors d’un match de foot, chaque plaisanterie de vieillard aigri sur la prochaine "fournée" d’artistes juifs nous rappelle que la déshumanisation n’est pas loin"), le danger vient aujourd’hui plus de l’infrahumanisation, plus discrète donc plus difficile à dénoncer mais aux conséquences bien réelles (discriminations sociales, économiques, policières, …) que de la déshumanisation (même si certaines populations, comme les Roms, subissent encore un racisme particulièrement violent).

Les arguments spécifiquement nationalistes vont porter sur une menace largement exagérée, qui peut porter sur les domaines de la menace réaliste (dans le sens où elle porte sur des éléments matériels, pas dans le sens où elle a quoi que ce soit de sérieux) et la menace symbolique (dans ce cas, c’est la culture qui est menacée). En ce qui concerne la menace réaliste, les auteurs et l'autrice donnent entre autres l’exemple des étranger·ère·s qui, lorsqu’iels travaillent, voleraient les emplois des Françai·se·s et lorsqu’iels ne travaillent pas, pilleraient les aides sociales, ou encore l’exemple du grand remplacement, qui ne s’appuie sur aucun élément démographique sérieux. De nombreux exemples permettent de constater que l’adhésion aux discours xénophobes est particulièrement forte en période de crise économique (montée du nazisme, crise grecque, …). En ce qui concerne la menace symbolique, les auteurs et l'autrice prennent  le temps de démontrer, avec l'exemple de l'Islam à quel point la part idéologique est importante, en particulier dans les débats sur le voile, en reprenant individuellement les arguments (libération des femmes, laïcité, lutte contre l’endogamie et le communautarisme) pour montrer qu’ils s’appliquent de façon disproportionnée dans ce cas précis (les restrictions vestimentaires pour les femmes sont loin de se limiter au voile, les signes ostentatoires de croyance juive ou catholique sont jugés bien moins alarmants, …).

Les auteurs et l'autrice s’intéressent également aux différentes façons dont la cohabitation peut être vécue, mais ce chapitre couvre malheureusement beaucoup de concepts en peu de temps, donc ne va peut-être pas très loin dans l’analyse des enjeux. Pour la population d’accueil, le souhait peut être l’intégration (ou multiculturalisme), dans laquelle les différences sont pleinement acceptées (les auteurs associent cette vision à celle de Nelson Mandela), l’individualisme où elles sont invisibilisées (cette vision est plutôt associée à Martin Luther King - "J’ai un rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés par la couleur de leur peau, mais par le contenu de leur caractère"), ou pour les plus nationalistes la ségrégation (le moins de contacts possibles) ou l’assimilation (injonction à effacer sa propre culture). Pour les immigré·e·s qui seraient réticent·e·s à l’intégration, les attitudes restantes sont la marginalisation (n’accepter ni la culture de ses ancêtres ni la culture d’accueil), l’assimilation (déjà évoquée plus haut) ou la séparation (les auteurs donnent l’exemple de Markus Garvey ou de Kemi Seba, rappelant qu’ils avaient le soutien respectivement du Klu-Klux Klan et de l’extrême-droite française).

Enfin, le dernier chapitre concernera les conditions pour que le contact permette une meilleure cohabitation… et ne rendra hélas pas particulièrement optimiste, les stéréotypes ayant plus facilement tendance à se renforcer qu’à diminuer. Une concurrence voire une absence de but commun, une hiérarchie (ce qui est d’autant plus difficile à contrer qu’avec les effets du plafond de verre, les situations de différence hiérarchiques renforcent mais sont aussi renforcées par le problème), une cohabitation sans trop de contacts, vont soit augmenter soit ne pas diminuer le racisme implicite. Le racisme qui créée dans une certaine mesure une ségrégation par quartiers va ensuite servir de prétexte aux accusations de communautarisme. Les exemples même d’intégration réussie peuvent avoir des effets pervers ("selon un certain nombre de nationalistes, dont Renaud Camus est le plus célèbre avec Alain Finkielkraut, elles ne seront jamais réellement Françaises. Pour d’autres, apparemment plus tolérantes, elles doivent faire preuve d’un talent qu’on n’exige pas d’un Français"). Les conditions de contact identifiées comme idéales sont une situation de collaboration volontaire inscrite dans la durée entre individus de même statut, bénéficiant du soutien des institutions… plutôt utopique difficile à organiser à grande échelle. Le seul domaine sur lequel les auteurs et l'autrice accordent leur optimisme est… le passage du temps! Aux Etats-Unis, les premier·ère·s immigré·e·s italien·ne·s étaient "considérés dans leur ensemble comme des mafieux", les Irlandais·es "associés à des cochons", alors qu’aujourd’hui la question de leur intégration ne se pose plus. Plus surprenant, l’exemple de… la tour Eiffel, il est vrai peu discrète, est donné.

Les auteurs et l'autrice insistent dans l’introduction sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage scientifique mais d’ "une réflexion, si pas objective, du moins honnête et rigoureusement documentée". J’ai d’abord eu du mal à comprendre ce qu’iels voulaient dire, puisque la psychologie sociale est précisément une discipline scientifique. Iels ont probablement voulu désigner leurs efforts de contextualisation : beaucoup d’exemples sont donnés dans l’actualité et l’Histoire, et en effet les auteurs et l'autrice ne sont pas historien·ne·s, ni sociologues, ni politologues. La précision, la représentativité des exemples donnés, ne peut pas être la même que pour la base scientifique qui appuie leurs observations. Mais même si certains passages ont pu me paraître un peu rapides (bon, j’ai aussi grincé des dents pour la biographie de Malcolm X ou de terroristes islamistes en fonction de leur situation d’intégration, mais c’est une part infime du livre), la promesse d’honnêteté et de rigueur est à mon avis remplie (la principale limite est que le livre, ancré dans l’actualité, risque de vite vieillir -encore que la présence médiatique d’Eric Zemmour ou d’Alain Finkielkraut ne me semble pas avoir particulièrement diminué-), et les explications par la psychologie sociale des mécanismes de l’identité et de la discrimination restent au cœur de l’essai.

jeudi 23 mai 2019

Tweak, de Nic Sheff




 Le nom de l’auteur évoquera peut-être quelque chose aux lecteur·ice·s du blog, même à ceux et celles qui me lisent depuis peu. Nic Sheff a en effet rédigé, en même temps que celui de son père si je ne me trompe pas, le récit de sa vie avec l’addiction. Il sera énormément question des causes psychologiques, l’accès douloureux, commencé sous la contrainte, à une meilleure connaissance de soi, sera considéré comme central pour arriver à l’apaisement décrit dans l’épilogue ("même si j’ai fait beaucoup de choses dont j’ai honte, je n’ai pas honte de moi"), mais dès les premières pages, les fragilités physiologiques sont évoquées. Quand il a voulu tester à 11 ans avec un ami l’effet qu’aurait une gueule de bois, alors que son ami a vite levé le drapeau blanc, lui a ressenti le désir intense de boire encore et encore ("j’étais sous l’emprise d’une pulsion, que j’étais incapable d’identifier et que je ne saisis toujours pas"). Alors que tout le monde fumait plus ou moins des joints dans son collège, lui était sous l’emprise du cannabis toute la journée et tous les jours, et buvait aussi. Et en effet, plus tard dans le récit, certes dans un moment où il est fragilisé par ailleurs, une seule prise de Suboxone (à son insu, il pensait prendre quelque chose contre des douleurs d’estomac) suffit à le faire rebasculer, malgré tout ce qu’il a reconstruit, dans cet état où tout tourne autour de l’achat et de la consommation de drogue. Son trouble bipolaire, qui le rend plus vulnérable (le précipitant dans des humeurs qui lui donnent la sensation que ses douleurs existentielles soudain pressantes seront tout de suite réglées s’il cède à nouveau à l’addiction), est aussi évoqué ("comment j’ai pu passer toute ma vie à me battre comme ça, sans savoir ce qui n’allait pas? Alors ça y est, je vois un docteur et on parle cinquante minutes et cette énorme pièce du puzzle qui me manquait est révélée d’un coup. Comment j’ai pu vivre si longtemps sans être soigné pour quelque chose d'aussi énorme?"), ainsi que les bienfaits du traitement ("je me suis mis à me dire, c’est bizarre, avant je ne me serais jamais sorti de cette spirale de négativité, de colère et de désespoir. Enfin, en tout cas pas aussi rapidement. Quelque chose a changé. Et puis ça me vient d’un coup : c’est peut-être le traitement").

 Si des retours dans le passé sont faits, le livre concernera surtout, sous la forme d’un journal, la période allant d’une rechute après 18 mois de sobriété à sa dernière cure de désintoxication dans un centre en date, sur une durée totale d’environ deux ans. La rechute qui ouvre le livre a lieu après une rupture amoureuse avec Zelda, une actrice bien plus âgée que lui, qui met fin à leur liaison alors qu'il espérait qu'elle finirait par quitter son copain officiel. Comme pour d'autres rechutes, alors qu'il est sobre depuis 18 mois, il ne l'a pas vu venir ("Le matin de ma rechute, ça ne m'était pas venu à l'esprit que j'allais vraiment faire ça. Et pourtant il y avait des signes assez évidents") et a oublié la force de l'emprise de l'addiction ("toutes mes valeurs, toutes mes croyances, tout ce qui est important pour moi, tout disparaît à l'instant même où je suis défoncé") et son aspect immédiat ("Il y a comme une folie qui prend le dessus. J'arrive à me convaincre jusqu'à le croire très fort que cette fois, juste cette fois, ce ne sera pas pareil"). S'ensuit environ un mois où toute sa vie tournera autour de la drogue, comment acheter de la drogue (en plus des vols qui sont presque un incontournable, l'auteur essayera avec un ami, sans grand succès, de trafiquer pour financer sa consommation, mais il s'est par exemple aussi prostitué par le passé), où se droguer (il se remet en relation avec une ex en partie pour profiter de l'appartement de ses parents), avec qui se droguer, ... Et malgré les overdoses, le danger de se faire arrêter, les dégâts qu'il fait subir à son corps (son état d'extase récurrent, et sa perspective, lui évitent de le ressentir, mais il constate que sa peau devient grise, que sa copine devient si maigre que sa tête et ses seins semblent disproportionnés), il se convainc régulièrement que ce choix de vie est le seul qui en vaille la peine, qu'il vaut mieux que la vie sans passion qui l'attend en cas de sobriété. 

 Il finit tout de même par se reprendre et décider d'arrêter, et contacte son père qui, ne se sentant pas capable de l'accompagner (il a trop souffert), le renvoie vers son sponsor. Si ledit sponsor subit le pire jeu de mots de l'histoire du jeu de mots (son prénom dans le livre est Spencer, on ne sait jamais si des lecteur·ice·s auraient du mal à suivre qui est qui), c'est l'un des personnages les plus importants du livre. Sa fermeté bienveillante, son investissement entier, sa connaissance des mécanismes de la rechute, sa foi (y compris religieuse, partie à laquelle l'auteur aura du mal à adhérer) dans les préceptes des Alcooliques Anonymes, en plus du cadre qu'il propose à Nic quand il l'héberge (une famille -Nic appréciera énormément le contact avec sa fille qui lui rappelle ses propres frères et sœurs, et son épouse le recrutera à mi-temps dans son salon de coiffure-, des promenades en vélo pour reprendre un contact positif avec son corps, ...) seront essentiels pour retrouver la sobriété et la garder. Les conseils qu'il donne sont rapportés en discours direct, et je suspecte l'auteur d'avoir utilisé ce procédé pour adresser lesdits conseils directement aux drogué·e·s ou ancien·ne·s drogués qui liraient son livre. Spencer parviendra d'ailleurs à prévenir une rechute (dans un moment de mal-être, après y avoir pensé plusieurs fois, l'auteur devient décidé à se droguer à nouveau, certain que ça ira mieux... chez sa mère pour nourrir les chiens, il hésite à appeler son sponsor, se dit que ça ne servira à rien, fouille pour chercher du liquide, n'en trouve pas, ce moment passé appelle finalement, Spencer trouve les mots pour le faire revenir), mais pas la deuxième.

 Nic a la surprise de recevoir un message de Zelda. Il hésite mais, bien que conscient des risques, la rappelle. Elle a rompu avec Mike, elle est encore amoureuse de Nic. Il la rejoint, pour une relation passionnelle. Ses parents, avec lesquels il a repris contact (même si son père, soucieux de protéger ses autres enfants, est plus distant), le vivent mal. Spencer, tout en restant humble et en insistant sur le fait que c'est à Nic de faire ses propres choix, fait part de son pessimisme. En plus de la relation amoureuse fusionnelle, le fait de fréquenter des célébrités du milieu du cinéma qui le passionne incite l'auteur à prendre des distances y compris avec Spencer, lui-même producteur. Il fréquente des stars (il se rapprochera de certaines dans les réunions Alcooliques Anonymes, auxquelles il se rend avec Zelda), est rémunéré pour des articles (il a toujours rêvé d'écrire professionnellement), qu'est-ce qu'il a à faire à perdre son temps dans un salon de coiffure? Avec ce loser de Spencer, ce producteur qui reste médiocre et sa vie si ordinaire (il finit par changer de sponsor)? Après quelques semaines de mensonges (elle est donc narcoleptique, ça explique tout!) et surtout de vigilance à ne surtout pas se poser de questions (quel hasard, elle est souvent aux toilettes quand il se réveille la nuit, et elle ferme à clef quand il l'appelle, avant de le rejoindre un peu plus tard), il finit par avoir des aveux de Zelda : elle a rechuté, le si gentil Docteur E. qui la suit lui sert surtout de dealer, et elle a tellement peur que ça ne brise leur amour. Nic choisit de rester avec elle, reste sobre dans un premier temps mais rebascule après avoir avalé une pilule de Suboxone ("elle me passe une petite pilule orange et me dit de la prendre pour mon estomac. Je commence par vouloir lui poser des questions, mais je ne veux pas lui donner l'impression que je suis naïf ou trop inexpérimenté pour elle") pour apaiser d'horribles douleurs d'estomac qui lui étaient par ailleurs familières ("dans mon enfance, à chaque fois que je devais prendre l'avion pour voyager de chez mon père à chez ma mère ou inversement, j'avais ces horribles maux d'estomac. Des fois ça allait jusqu'à me plier en deux"). Suivront environ six mois de rechute : Nic sera licencié du salon de coiffure sans se souvenir de ce qu'il a fait (mais c'était assez grave pour que les serrures soient changées!), Zelda vendra la plupart de ses affaires pour financer leur consommation et aura régulièrement des crises d'agressivité et de paranoïa (l'auteur reste discret -amnésie?- sur ce qu'il se passait lors de ses propres délires), ... L'événement qui lui permettra d'arrêter sera d'ailleurs une perte de contact avec la réalité de plusieurs heures... dans le garage de sa mère, alors qu'il était venu voler un ordinateur pour pouvoir écrire des articles et gagner de l'argent pour consommer. Son père se rend aussi sur place, et le contrat est clair : soit il accepte d'aller à nouveau en centre de désintoxication, soit sa mère porte plainte, avec le risque d'emprisonnement (et de séparation avec Zelda) que ça implique.

 Nic choisit ce qu'il estime être le moindre mal, c'est donc en traînant les pieds (et même en consommant ce qu'il peut, alors que le supplice du sevrage est passé) qu'il s'engage dans cette démarche, contrairement à la fois précédente : son amour est toujours aussi passionnel, et retrouver Zelda lui importe bien plus que de rester sobre. Après un premier séjour en hôpital, il rejoint un centre plus strict que les précédents, et pour un processus bien plus long. C'est surtout du travail sur lui-même qu'il y a effectué que l'auteur va parler. Alors que Spencer lui parlait surtout d'addiction en général, les différent·e·s thérapeutes vont lui permettre d'explorer sa propre personnalité. Alors que pour Spencer l'objectif ultime sera de s'occuper des autres, Nic découvrira que, alors qu'il estimait que la conduite addictive était une manifestation de son égoïsme, être sobre c'est aussi prendre soin de soi. Dans un atelier d'Expérimentation Somatique, il reprendra contact avec un moment traumatique (lors de sa période de prostitution) qu'il avait occulté. Il trouvera aussi des éléments pour comprendre pourquoi sa relation avec Zelda était aussi fusionnelle (des éléments qui ne sont pas sans rappeler le travail de Raphaële Miljkovitch sur l'attachement et la vie amoureuse ) : la différence d'âge et la présence au début de la relation d'un partenaire agressif sont des échos évidents à sa mère (Nic enfant a assisté à de violentes disputes entre sa mère et son compagnon), sauf que contrairement à sa mère il a pu sauver Zelda (elle a quitté Mike pour lui), le fait d'être en couple avec une personne qu'il admirait tant faisait écho à son manque d'estime de soi, qu'il nourrissait alors à travers elle au lieu de chercher ses propres ressources, créant alors une situation de dépendance, ... L'une des thérapeutes lui dira que ça ne lui poserait pas particulièrement de problèmes qu'il reste en couple avec Zelda en partant sur des bases plus saines mais qu'elle a des doutes dans la mesure où la relation s'est construite sur cette codépendance, et en effet la passion diminuera une fois le fonctionnement identifié. Les rêves de grandeur à travers les autres seront aussi travaillés... en interdisant à Nic de donner les noms de toutes ces célébrités qu'il a connues. Une session douloureuse mais intense d'art-thérapie avec ses parents aura aussi un effet important.

 Au moment de l'épilogue, Nic n'a pas rechuté depuis cette dernière fois, consacre du temps à l'écriture (d'où le livre, accessoirement), et n'est plus en couple avec Zelda. Je vais faire le commentaire le moins original du monde mais ce livre est très complémentaire avec celui de David Sheff, et pas seulement parce qu'il complète les trous dans la narration : dans le livre de David Sheff on percevait la défiance et l'épuisement émotionnel après tous ces mensonges, dans celui de Nic on perçoit le poids de cette tension, l'horreur de ne pas pouvoir retrouver une relation apaisée tout en comprenant pourquoi. On voit aussi ces deux personnalités si différentes, la personne droguée et la personne sobre, s'exprimer d'une même voix, et parfois ne pas être si distinctes l'une de l'autre (dans les envies de grandeur, dans la peur d'essayer de mettre fin à l'addiction, dans le sentiment d'être incompris, ...). Et les deux livres se rejoignent dans l'impossibilité de trancher entre les causes physiologiques et les causes psychologiques de l'addiction, des rechutes, en donnant des éléments sérieux dans les deux sens. Pour être peut-être encore moins original que dans le commentaires précédent, je dirais que le livre de Nic Sheff s'adresse peut-être en priorité aux victimes directes d'addiction, et celui de David Sheff à leurs proches, même si chaque livre pourra intéresser les deux.

lundi 20 mai 2019

Beautiful boy, de David Sheff




Dans ce récit autobiographique, le journaliste David Sheff raconte l’enfer qu’il a vécu, pendant des années, suite à l’addiction de son fils aîné. De la peur ressentie, l’impossibilité de trouver la bonne attitude (est-ce qu’il ne prend pas de risques inconsidérés en étant trop sévère? en ne prenant pas assez l’incident au sérieux? en n’étant pas assez dans une attitude d’écoute?) en trouvant une première boulette de cannabis dans le sac à dos de son ado de 12 ans au basculement bien plus définitif, quand Nic adulte disparaîtra pendant plusieurs jours et admettra la consommation de méthamphétamines (selon de nombreux·ses spécialistes consulté·e·s par l’auteur, cette drogue se démarque des autres par les conséquences directes de sa consommation et les difficultés du sevrage) pour arriver, de nombreuses mais surtout interminables années plus tard, au soulagement (relatif : même après 20 ans de sobriété, la rechute n’est pas impossible). La difficulté de s’en sortir est telle que Nic a fait une rechute après la sortie du livre, pourtant publié dans une période encourageante : ce n’est que lorsqu’une psychiatre, insatisfaite du fait de considérer les rechutes comme faisant partie du processus, a pu faire un diagnostic de bipolarité et dépression, qu’un traitement a pu être proposé et que la stabilisation a pu être bien plus solide.

Si le livre est très documenté (l’auteur a publié d’autres livres sur le même thème), c’est avant tout son vécu de père que David Sheff partage. Les éléments factuels même font d’ailleurs partager son angoisse : les statistiques sont variables ("on ne sait jamais si notre enfant va faire partie des 9, 17, 40, 50 ou je ne sais quoi pour cent qui constituent la vraie proportion de ceux qui s’en sortent") et le seul consensus et que l’adversaire est d’une puissance formidable, il est d’autant plus difficile de se renseigner sur les centres de désintoxication que c’est aussi un business juteux, les réponses ne sont satisfaisantes que temporairement et amènent d’autres questions (certes la drogue modifie le cerveau et c’est un raccourci d’en faire une question de volonté, mais est-ce que ce ne serait pas aussi un raccourci d’absoudre la personne dépendante de la moindre part de responsabilité? et quel espace laisserait cette perspective aux solutions à proposer?), les conseils, des proches et même des thérapeutes, sont contradictoires, … Adroitement, l’auteur fait rentrer dans l’introduction (Nic rentre pour les vacances d’été) l’essentiel des éléments de son calvaire : le jeune adulte joyeux, adoré de son frère et de sa sœur de 10 et 12 ans plus jeunes, la peur glaçante quand il ne rentre pas à l’horaire imposé, à essayer de garder son calme en attendant d’avoir des nouvelles, l’esprit successivement se préparant au pire ou recherchant des explications rassurantes, puis Nic apparaissant enfin, menteur et agressif, avec les signes de consommation que son père sait maintenant instantanément identifier.

Le récit, tragiquement, tourne d’ailleurs beaucoup sur la répétition. La défiance, la colère, l’espoir, la culpabilité (est-ce que le divorce, dans de mauvaises conditions, y est pour quelque chose? est-ce que fumer un joint avec Nic ado, dans l’espoir de le mettre en confiance et de rompre le cercle du mensonge, a été un point de non-retour?), et surtout la douleur, intense, reviennent régulièrement. Le·a lecteur·ice devient vite familier·ère avec le rituel d’appeler les commissariats et les hôpitaux à chaque disparition, la consigne de ne jamais donner d’argent à Nic quel que soit son récit parce qu’il le dépensera immédiatement pour consommer (Nic ira jusqu’à voler l’argent de poche de son petit frère), le poids sur l’ensemble de la famille de l’angoisse constante, les périodes de sobriété en sortant de centre de désintoxication puis la rechute, puis le combat éprouvant pour réussir à communiquer avec lui pour le faire retourner en centre de désintoxication, … Ce récit est aussi celui de l’importance de ne pas rester seul·e : le fait que la famille soit soudée aide Nic mais aide aussi la famille à tenir, le fait de briser le tabou et d’en parler permet à l’auteur de découvrir que de nombreuses personnes de son entourage sont dans une situation similaire mais le gardent pour eux, les groupes de parole (Al-Anon) en plus d’offrir un espace d’échange proposent des mantras qui sont parfois difficiles à écouter (les trois C, "you didn’t cause it, you can’t control it, you can’t cure it" -vous ne l’avez pas provoqué, vous ne pouvez pas le contrôler, vous ne pouvez pas le soigner-) mais qui sont salutaires à d’autres moments, …

Le livre donne souvent l’impression d’être celui que l’auteur aurait aimé lire pour traverser ces épreuves, qui l’ont amené à des endroits dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence (changer les verrous de sa maison pour se protéger contre son propre fils, être surpris de comprendre des gens soulagés que leur proche soit en prison car au moins ils savent où il est et il est relativement en sécurité, …). Il a d’ailleurs été beaucoup contacté par des personnes concernées suite à sa publication, mais aussi suite à un article qu’il avait écrit bien plus tôt pour le Times. La fin est moins autobiographique et concerne plus les orientations qu’il souhaite pour la lutte contre l’addiction en général, soulignant que la criminalisation du problème a des effets désastreux et que le fait de l’approcher comme une question de santé publique (couverture des soins par les mutuelles, thérapies correspondant aux conclusions de la recherche scientifique, …), en plus d’être économiquement rentable, fonctionne (c’est la direction prise par Obama avant que Trump ne fasse marche arrière). En plus d’être bien écrit et documenté, le livre a le courage de montrer à quel point les solutions existantes sont limitées, et appelle à la compassion (et l’autocompassion!) pour les victimes directes d’addiction et les proches.

dimanche 12 mai 2019

Fin de cycle 1


 Certes le cercle d'un groupe de rencontre rogérien peut facilement évoquer une centrifugeuse, mais le cycle du titre désigne bien une étape de la formation, et non le cycle d'une machine à laver (encore que, est-ce si différent? Quel·le étudiant·e du groupe n'a jamais eu la sensation d'être passé dans le tambour d'une machine, essorage inclus?).

 Il y a un peu plus de deux ans, faisant le deuil contraint de la perspective du titre de psychologue, je prenais un nouveau départ et me retrouvais, un peu perdu (la lecture de trois livres de Carl Rogers m'avait bien peu préparé à passer la journée à prendre les émotions des autres en pleine figure, et 6 ans de fac par correspondance encore moins), à passer trois jours intenses avec, à quelques changements près en cours de formation, les autres membres de mon si précieux groupe 14. Deux ans, sept autres groupes de rencontre (trois de trois jours et quatre de huit jours), deux séminaires expérientiels (un groupe de rencontre aussi sauf qu'on est une centaine et qu'il y a des ateliers libres avant et après pour ceux et celles qui ne sont pas assez fatigué·e·s), la rédaction d'une autobiographie et d'un épilogue de ces deux ans plus tard, me voici l'heureux propriétaire d'un magnifique diplôme. Ce morceau de papier bien particulier, c'est aussi des souvenirs intenses (euphémisme), des rencontres fortes avec moi-même (alors qu'avant la formation j'estimais que pour l'introspection je me débrouillais bien tout seul merci, à quoi peuvent bien servir les autres pour mieux me comprendre moi-même et puis d'ailleurs je n'ai pas grand chose à découvrir hahaha) et avec d'autres (aussi improbable que ce soit, avec mon tempérament notablement asocial). Je pense que le contenu du blog n'a pas particulièrement changé pendant cette période, pour les personnes (s'il y en a... hum) qui me suivaient avant et qui ne sont pas parties entre temps, j'espère que ça vous convient toujours.

 J'ai bien sûr resigné pour les deux années suivantes (le cycle 2), qui vont avoir plus de contenu théorique (histoire de l'ACP, psychopathologie, ...) même si la part des ateliers pratiques reste importante. Comme à la naissance du blog (la nostalgie m'étreint, sniff), une bonne part des résumés va donc concerner les lectures recommandées même si je devrais pouvoir en caser d'autres (bon, en vrai, il y avait aussi des lectures recommandées en cycle 1, donc ça ne change pas tant que ça). L'écoute sera aussi travaillée avec une activité bénévole qui permet de bénéficier de supervision, de pratiquer plus officiellement et plus régulièrement, d'aider son ou sa prochain·e (mais si, c'est important) mais aussi de développer des compétences de contorsionniste en essayant de caser tout ça dans son planning ("mais enfin ce n'est pas si compliqué, si on enlève une nuit de sommeil ou deux ça rentre parfaitement!") et, en deuxième année de cycle 2 (donc en quatrième année), de faire des vraies consultations avec des client·e·s qui veulent bien avoir affaire à une personne en formation (si jamais des personnes sur Lyon rêvent de m'avoir comme écoutant dans un an -on ne sait jamais-, n'hésitez pas à me le faire savoir par mail sur l'adresse du blog).

 Et si tout va bien, je devrais pouvoir poster ici dans deux ans un bilan de fin de cycle 2, et être relativement proche, après une inscription en fac de psychologie en 2009, d'ouvrir enfin mon cabinet.

dimanche 5 mai 2019

The Creative Connection, de Natalie Rogers



 Si riche que soit le travail de Carl Rogers, il faut bien admettre que la thérapie, en Approche Centrée sur la Personne, on est plutôt statique (du moins dans le sens où on reste assis·e, parce que le système nerveux végétatif a tendance à faire du rock acrobatique). Natalie Rogers l'optimise considérablement en y intégrant la création artistique : dans ce livre, la peinture, la sculpture, le chant, la danse, l'écriture, n'auront vocation ni au succès public et critique, ni même à soigner telle ou telle pathologie (encore que, quoi qu'en dise l'autrice, elle propose des applications spécifiques pour, par exemple, le deuil ou la résilience après des violences sexuelles), mais à permettre d'accéder plus pleinement à l'authenticité et à la connaissance de soi.

  Les objectifs sont donc les mêmes que dans la version classique de l'Approche Centrée sur la Personne, et les moyens coïncident aussi en grande partie... en particulier la présence empathique du ou de la thérapeute, et le non-jugement. Or, l'autrice le rappelle, en matière d'art, le non-jugement est un objectif ambitieux en soi! Entre l'habitude d'être évalué·e, en particulier avec le milieu scolaire, et la peur de ce qu'on va révéler de soi avec un médium qu'on ne maîtrise pas, les obstacles sont nombreux pour retrouver la spontanéité de l'enfant qui va sculpter, dessiner, chanter, sans trop se poser de questions. Natalie Rogers elle-même révèle avoir failli quitter au dernier moment un atelier (de chant, de mémoire) où elle s'était inscrite parce qu'elle ne se sentait pas compétente. L'un des moyens proposés pour se libérer de cette appréhension (en plus de rappeler aux participant·e·s que ce qu'iels vont créer leur appartient et qu'il n'est pas question d'accomplir une performance) est de multiplier les médiums dans un même exercice (de nombreux exemples sont proposés) ou encore de dessiner avec sa main la moins adroite, de commencer par écouter ses ressentis en prenant son temps avec une séance de méditation, de pratiquer l'écriture automatique (écrire pendant dix minutes ce qui passe par la tête, sans s'arrêter -en écrivant "je ne trouve rien à écrire" en continu aux moments où rien ne vient-, et sans se soucier du sens ni de la ponctuation), ... Si Natalie Rogers confie que ses séances durent généralement plutôt de une heure à une heure vingt, elle lève aussi l'éventuelle crainte du manque de temps en disant que ces exercices permettent plutôt en général d'accélérer le processus pour le client. Et, peut-être encore plus que dans une thérapie rogerienne classique, le·a thérapeute doit s'approprier ses éventuelles interprétations (dire "je perçois ça dans l'oeuvre" plutôt que "l'oeuvre représente ça"), pour éviter de créer des inhibitions ou de perturber le processus créatif, alors même que c'est une part de soi que le·a client·e révèle, et éventuellement découvre.

 La continuité avec les objectifs de la thérapie rogerienne est telle que j'ai été tenté de conclure ce résumé en disant que le livre resterait plus clair pour des lecteur·ice·s qui sont déjà familiarisés avec l'Approche Centrée sur la Personne... mais ça aurait été mettre de côté les chapitres qui expliquent magnifiquement, avec de nombreux exemples précis (souvent intenses), lesdits objectifs, de l'acceptation de ses parts d'ombre et leur intégration aux parts plus lumineuses, de la découverte, parfois dans un laps de temps très court, d'un aspect occulté de la personnalité qui se révèle avec une intensité et un sentiment de vérité insoupçonnables quelques instants avant, en passant par les enjeux sociaux de la bienveillance et de l'empathie, et par extension de l'action politique bienveillante et empathique, à la fois par un sentiment de connexion au monde et à chaque individu, et parce que, pour l'autrice, la Connexion Créatrice est un véhicule pour passer de l'émotion dormante au projet d'action. La façon dont les propositions de Natalie Rogers optimisent ces objectifs est tout aussi clair même si, comme pour l'Approche Centrée sur la Personne, la pratique est probablement le seul moyen de pleinement accéder au message transmis. Le livre est assez accessible (aux anglophones seulement, hélas...) pour pouvoir bénéficier aux thérapeutes qui voudraient enrichir leur pratique comme aux enseignant·e·s ou aux l'animateur·ice·s à la recherche d'activités ou aux personnes en quête de développement personnel et de différentes voies pour mieux se connaître.