mercredi 29 octobre 2014

Le travail d'équipe en institution, de Paul Fustier


 Ce livre détaille la perception que peuvent avoir les membres de l'institution de l'institution elle-même, des patient·e·s (oui, il s'agit d'institutions thérapeutiques), d'eux·elles-mêmes et de leurs collègues (en particulier les collègues qui ont un rôle différent). Une mise en perspective des idéologies post-soixantehuitistes (l'auteur évite soigneusement de dire post-soixantehuitarde : une mise en perspective, serait-ce d'une utopie, n'est pas nécessairement un jugement de valeur négatif) oriente l'ensemble de l'ouvrage.

 Une première partie concerne le mythe de la création de l'institution : les créateur·ice·s, qui savaient ce qu'iels voulaient faire le plus souvent parce qu'iels savaient parfaitement ce qu'iels ne voulaient pas faire (mouvement de l'anti-psychiatrie par exemple), sont idéalisés a posteriori pour la quantité de travail fournie, l'adversité rencontrée, leur foi, leur éthique, ... C'est cet aspect de volonté révolutionnaire qui fait que plusieurs références sont faites à mai 68, parce que sinon il faut bien admettre que le lien avec le travail en institution, là comme ça, n'est pas non plus automatique. Et cet aspect sera particulièrement important en cas de crise ("la crise produit souvent des effets de résurgence de l'utopie"). La succession des fondateur·ice·s est un exemple de crise qui sera particulièrement problématique, surtout dans les cas où l'institution en est difficilement dissociable : le·a successeur·e sera nécessairement ressenti·e par plusieurs personnes comme illégitime, et pourra être tenté de faire sur certains aspects l'inverse de celui ou celle qui l'a précédé·e pour s'affirmer (bon il va sans dire que dans le livre c'est mieux argumenté que ça!). L'illustration de la thématique d'utopie et de contre-utopie est donnée en reprenant des articles de presse à un moment où une institution novatrice (La Belle Etoile, où des patient·e·s en difficultés psychique avaient beaucoup de liberté au quotidien et partageaient le lieu de vie avec infirmier·ère·s et médecins, tout le monde se tutoyant et s'appelant par son prénom) était menacée : les articles de presse prennent la défense de La Belle Etoile précisément sur ses aspects utopiques (dévouement des soignant·e·s, bien-être des patient·e·s qui se sentent plus pensionnaires que patient·e·s, horizontalité, convivialité, ...) tout en admettant que tout n'est pas non plus rose, face aux arguments anti-utopiques, bureaucratiques, des opposant·e·s (médecins de l'hôpital psychiatrique dont la structure dépend, CGT, ...) tels que la sécurité insuffisante, le flou entre patient·e et pensionnaire (pour un médecin, soit on est malade donc à l'hôpital, soit on est pas malade donc chez soi), la frontière trop poreuse entre vie personnelle et vie professionnelle des employé·e·s, la logique comptable (une journée à La Belle Etoile est moins chère qu'un journée en hôpital psychiatrique mais d'une part les coûts vont augmenter et d'autre part ce n'est pas de la vraie thérapie donc ça ne compte pas, ...), ... On peut être un peu perplexe en pensant que les éléments d'idéalisation et d'anti-idéalisation que l'auteur·ice remet précisément en question sont probablement loin d'être systématiques (une institution n'est pas nécessairement créée sur une utopie, et on peut même imaginer, soyons fou·lle·s, une institution qui a l'ambition de faire du chiffre justement en axant sa spécificité sur le bien-être des patient·e·s au service de l'efficacité des soins), donc en ayant l'impression que le mythe révélé est lui-même un mythe, mais c'est une grille de lecture qui reste intéressante. Elle permet par exemple de comprendre comment un·e professionnel·le (dans le domaine du soin ou pas, d'ailleurs) préfère, selon l'image qu'iel a de l'institution, s'affirmer dans ce qu'iel est officiellement (identité professionnelle a priori : poste, statut et éventuels privilèges qui vont avec -bureau personnel, voiture de fonction, ...- qui donc prendront davantage d'importance) plutôt que dans ce qu'iel fait (identité professionnelle a posteriori), ce qui peut aussi être un moyen de tempérer une crise ("la bureaucratisation est tout à la fois un signifiant de la crise et une solution institutionnelle à celle-ci").

 Celles et ceux qui ont lu mes résumés de livres de psychologie sociale savent bien (ou alors qu'iels prennent la peine de le dire, que j'aille me taper la tête contre un mur une heure ou deux) que la cause et/ou la conséquence de la discrimination, c'est de considérer l'autre comme moins humain que soi-même, ce qui peut être volontaire ou involontaire. Le danger est présent dans une relation entre soignant·e et soigné·e, et augmente radicalement selon les compétences cognitives des patient·e·s (le risque est plus grand si on s'occupe d'handicapé·e·s mentaux·ales que si on s'occupe de personnes souffrant de phobie sociale). De plus, il n'est pas écarté même quand l'asymétrie est précisément un des interdits de l'institution : prendre l'habitude d'utiliser le terme d'adulte handicapé·e pour lutter contre un réflexe d'infantilisation, c'est aussi rappeler que le terme d' "adulte" ne va pas de soi ("Eprouver le besoin de dire à l'adulte qu'il l'est, c'est tout à la fois nier et dévoiler que la représentation n'est pas stabilisée et que l'enfant surgit derrière l'adulte dans les représentations que l'on a du handicapé mental"). On tend en effet à se représenter spontanément comme un enfant "un adulte à qui il manquerait quelque chose" ("Si je sens avoir affaire à un adulte dans un lien existentiel spontané, alors j'aurais du mal à garder vivante la représentation du handicap. Mais surtout, et beaucoup plus fréquemment, si je sens que j'ai affaire à un handicapé mental, alors l'adulte sera gommé de ma représentation"). En ce qui concerne les patient·e·s aux troubles cognitifs encore plus importants, le·a soignant·e peut même avoir du mal à se les représenter comme des êtres humains. Paul Fustier propose alors une distinction entre Golem (créature mythique faite d'argile à laquelle un magicien donne puis enlève la vie -on en trouve aussi dans Donjons et Dragons ou dans Heroes of Might and Magic mais ça l'auteur n'en parle pas trop- ) et extra-terrestre ("Autant l'extra-terrestre pourra être la figure convoquée lorsqu'il y a rencontre avec une pathologie bizarre, parfois spectaculaire, quand on soupçonne qu'il y a bien du sens, mais qu'il ne nous est pas accessible, qu'il relève d'un autre univers de pensée... autant la figure du Golem sera présente dans les pathologies déficitaires graves propres à évoquer l'homme sans esprit, une matière à l'état brut"). Bon, je rappelle que les représentations décrites sont involontaires, voire inconscientes : à aucun moment l'auteur ne dit qu'un·e soignant·e s'amuse avec complaisance à cataloguer son ou sa patient·e comme enfant, extra-terrestre, Golem ou hobbit pour avoir un sujet de conversation devant la machine à café. Enfin, dans le cas où l'institution a effectivement pour objet de s'occuper d'enfants (enfants placés, principalement), la représentation des parents n'est pas non plus sans poser problème, les parents comme les éducateur·ice·s sont grandement tenté·e·s de diminuer la légitimité de l'autre pour justifier la leur. Un chapitre concerne également les moyens du personnel pour faire face à la violence dans les institutions les plus concernées ("certaines institutions subissent une telle violence de la part des personnes qu'elles accueillent, qu'elles semblent totalement organisées à partir de celle-ci", "En situation de violence une équipe n'est pas là pour aider à comprendre, elle est là pour faire corps, elle doit avant tout être "incassable" "). Une différence est faite en particulier, en se basant sur le travail de Jean Bergeret, entre la violence fondamentale (qui ne cible personne directement, "dans une situation qu'il ressent comme porteuse d'une extrême dangerosité, l'individu cherche à se préserver, à se maintenir vivant, et non pas à nuire à un objet extérieur clairement différencié") et "des situations dont le moteur est l'agressivité".

 La troisième partie concernera les liens au sein de l'équipe elle-même. Une idée qui revient plusieurs fois est qu'un cadre trop souple ne permet en fait pas grand chose : "il y a une intention meurtrière dans une approbation constante et non critique, qui nie que le travail de l'autre ait une importance suffisante pour être garantie par une instance se prononçant sur son intérêt". Un exemple très parlant est donné : une infirmière passionnée par la photo crée un atelier photo duquel elle attend beaucoup, y compris sur le plan thérapeutique. L'équipe accepte, sauf que l'atelier photo n'a en fait jamais lieu : on donne toujours à l'infirmière quelque chose de plus urgent à faire, ce qu'elle finit par très mal prendre. La même indifférence qui a permis à l'infirmière de planifier son activité sans avoir à plaider pour son intérêt fait qu'elle ne peut finalement jamais l'organiser, qu'aucun effort n'est fait pour fournir l'espace (plage horaire, disponibilité, ...) nécessaire. La délimitation des statuts sera aussi longuement évoquée. Là encore un exemple éloquent est fourni : une discussion qui ne devrait pas avoir une grande importance et qui est d'ailleurs amenée avec le sourire (faut-il autoriser tel·le patient·e à continuer à utiliser le court de tennis de l'hôpital) tournera à l'épreuve de fidélité, entre autres, des médecins envers les infirmier·ère·s ou à l'autonomie qu'on peut permettre aux patient·e·s. Un infirmier s'indignera ainsi que le patient ait déjà joué au tennis avec des médecins (et sous-entendra que c'est peut-être pour ça qu'il se croit tout permis avec les infirmier·ère·s), le médecin le rassurera en disant qu'à eux aussi, il leur tape doucement sur le système, la question sera posée de savoir si à l'origine les installations de loisirs sont destinées aux soignant·e·s ou aux patient·e·s, un médecin affirmera qu'on est à l'hôpital pour se faire soigner et non pour s'amuser (oh que je l'adore cet argument! on est donc bien d'accord pour dire que, comme la nourriture est faite pour apporter des nutriments, il faut penser à balancer une poignée de sable dans chaque assiette pour ne surtout pas se laisser distraire par le goût des éléments qui risquerait sinon de provoquer un plaisir tout accidentel), que la "tenissothérapie" n'existe pas et que de toutes façons aucune activité ne devrait avoir lieu sans au moins un accord de l'équipe soignante. Les enjeux de pouvoir dépassent donc largement la question pratique de la disponibilité d'un local.

 Le livre est court et clair (même si quelqu'un qui maîtrise les nombreuses références culturelles et théoriques en profitera, je pense, encore plus) et l'approche est originale et, je pense, salutaire : ça peut probablement éviter de se noyer dans un verre d'eau dans certaines situations en permettant de prendre du recul.

samedi 25 octobre 2014

Psychopathologie du sujet âgé, de Gilbert Ferrey et Gérard Le Gouès




 Si une partie considérable du livre est consacrée, comme l’indique son titre, à la psychopathologie, de nombreux autres aspects du vieillissement sont traités. Dans les différentes solutions face à la dépendance, par exemple, les auteurs évoquent l’option du maintien à domicile avec aide tout en déplorant le manque de formation des auxiliaires de vie.
 Le livre a aussi le mérite de consacrer une part importante aux problèmes somatiques, qui, personne ne le niera, augmentent avec l’âge et qui, on s’en doute, ont un impact sur le psychisme. Dans la partie consacrée au traitement médicamenteux, il est d’ailleurs recommandé de ne jamais prendre à la légère les plaintes qui concernent des douleurs, même quand les douleurs résistent aux traitements antalgiques comme aux placebo, et même quand les proches relativisent la plainte (la piste d’une dépression, par exemple, peut être à explorer).
  Les spécificités de la structure psychique de la personne âgée, du point de vue psychanalytique, sont aussi largement commentées : l’investissement de la vie, le transfert, ne se font pas selon les mêmes critères quand la fin de vie approche, et c’est à prendre en compte dans une éventuelle cure analytique (qui sera aussi différente selon que le·a patient·e a  déjà été analysé·e ou non). Le concept de psycholyse est proposé pour "tenter de rendre compte du déclin du psychisme, selon des critères uniquement psycho-pathologiques", et proposer des modalités d’échange thérapeutique avec le sujet dément qui s’appuieront principalement sur l’analyse du contre-transfert.
Je l’ai déjà évoqué indirectement : en plus de la partie strictement psychopathologique, les approches thérapeutiques sont évoquées, avec un chapitre par méthodologie, et incluent les TCC, ce qui est plutôt une bonne nouvelle (et comme les auteurs, qui ont oublié d’être dogmatiques, ne sont pas pour autant experts, le chapitre sur les TCC est rédigé par B. Rivière, qui a des connaissances en TCC mais, semble-t-il, pas de prénom). Les autres approches sont l’approche analytique (comment ça je l’ai déjà dit?), la psycho-sociothérapie institutionnelle (si si...), et, de loin le plus long, les thérapeutiques biologiques (ils auraient pu juste dire "les médicaments" mais c’est quand même moins classe). Ce dernier chapitre est intéressant à lire même quand on n’est pas médecin, d’une part parce qu’il parle aussi de l’alliance thérapeutique et de l’enjeu des prescriptions (les traitements temporaires à privilégier qui peuvent vite devenir permanents si le·a prescripteur·ice n’est pas vigilant·e, le risque d’envoyer un message qui manque de clarté dans le cas pas si exceptionnel où le médecin critique une molécule tout en continuant de la prescrire pour répondre à une demande supposée du ou de la patient·e, …), et d’autre part parce que des éléments de psychopathologie supplémentaires sont donnés. En ce qui concerne le chapitre sur la psycho-sociothérapie institutionnelle, vous n’apprendrez pas grand-chose, contrairement à ce qu’on pourrait croire, sur la thérapie systémique (même si, comme moi, vous n’y connaissez absolument rien), mais plusieurs problématiques pertinentes sont soulevées sur les maisons de retraite (installations "qui rassurent les visiteurs mais ne sont pas investies de fait par les personnes âgées, grands parcs, pièces d’eau, salons immenses et majestueux, chambres seules avec télévision mais isolées et ennuyeuses au fond de longs couloirs", équilibre nécessaire entre confort et sécurité –des sorties pas assez sécurisées peuvent être un prétexte pour refuser des sujets trop désorientés pour cause de risque de fugue, tout en invoquant la préservation des libertés individuelles, mais il n’est bien entendu pas question non plus que la résidence évoque l’univers carcéral-, réalité du "choc visuel, parfois auditif et souvent olfactif" des visiteur·se·s qui peut rendre particulièrement réticent au placement qui ne doit pas faire oublier que les conséquences de la vieillesse sont une réalité et qu’un établissement qui consacrerait une grande énergie à les dissimuler au détriment d’autres services serait plutôt suspect, la grande disponibilité demandée au personnel qui s’expose de fait à avoir des comportements de paternalisme ou de lassitude face à des demandes parfois répétitives et pas toujours compréhensibles, …) : ce chapitre court et clair gagnerait à être lu par les familles à la recherche d’un établissement.
Le livre est extrêmement proche du livre de Pierre Charazac sur la clinique des personnes âgées, mais là où une structure moins rigide est justifiée, dans le livre de Charazac, par un message régulièrement rappelé (quel que soit le symptôme ou la plainte initiaux, la personne est à considérer dans son ensemble –entourage, troubles passés, contexte de l’éventuel placement, … - pour augmenter les chances d’agir de façon pertinente), certaines particularités sont moins évidentes à comprendre dans ce livre là : pourquoi le diagnostic différentiel entre les différents types de dépression est-il traité dans le chapitre sur les thérapeutiques biologiques plutôt que dans le chapitre général sur la dépression? Pourquoi l’appareil psychique de la personne âgée (au sens psychanalytique) et les thérapies analytiques sont-elles dans des chapitres séparés? La tentation d’éventuellement utiliser le livre, à la structure apparemment claire, comme un dictionnaire (enfin, pour les rares personnes qui ne se sentent pas d’apprendre les 400 pages par cœur) pour faire face à certaines situations rencontrées risque de faire passer, du fait de ces particularités, à côté d’informations importantes. Plus anecdotique : le livre est destiné, c’est écrit derrière, aux psychologues clinicien·ne·s, aux psychiatres et aux médecins généralistes, donc si le vocabulaire est parfois spécialisé, le livre ne contient pas de lexique. Ce sera au lecteur de se souvenir que LCR n’a rien à voir avec Olivier Besancenot (enfin, pas plus qu’avec quelqu’un d’autre, je ne voudrais pas non plus l’insulter gratuitement) mais veut dire liquide céphalo-rachidien, ou encore,  comme moi, de découvrir avec émotion sur le dictionnaire d’anatomie que je consulte régulièrement wikipédia qu’en fait xérostomie ça veut juste dire sécheresse de la bouche (celui-là il faudra absolument que je le case dans une conversation!).
Un livre donc qui est enrichissant à lire et bien pratique à avoir sous la main, mais qui pourrait être encore plus pratique.

vendredi 10 octobre 2014

Pratiquer la psychologie clinique auprès des adultes et des personnes âgées, dirigé par Silke Schauder


 Une quinzaine d'auteurs, dont une grande partie sont enseignant·e·s à Paris VIII (tiens, du coup je me demande bien pourquoi ce livre en particulier m'a été recommandé par la prof qui s'occupe des stages, c'est un grand mystère...), reprennent les bases à connaître pour exercer le métier de psychologue clinicien·ne, dans dix des contextes professionnels très divers qui peuvent se présenter. Le livre est clairement axé sur la pratique, puisqu'en plus des traditionnelles bases théoriques et vignettes cliniques sont donnés une bibliographie commentée (y compris web), un annuaire des associations qu'il peut être utile de connaître, une présentation des professionnels avec lesquels on peut être amené à échanger, les tests qui pourront s'avérer utiles, ou encore ce qu'on peut faire d'intelligent de son temps FIR (FIR pour Formation Information Recherche, et vous ne devinerez jamais à quoi le·a psychologue doit le consacrer!). Le Code de déontologie des psychologues est aussi souvent évoqué.

 Le·a psychologue en secteur psychiatrique adulte travaille au sein d'une équipe dans laquelle iel devra délimiter sa place, qui n'est pas toujours claire, même si ça veut dire aussi qu'iel pourra bénéficier de la richesse d'une approche pluridisciplinaire (psychiatres, psychomotricien·ne·s, assistant·e·s sociaux·ales, éducateur·ice·s spécialisé·e·s, ...). Les demandes sont variées et, entre l'adulte qui demande un suivi pour son enfant ou la personne qui a la joie d'être accueillie dans le service suite à une hospitalisation d'office ou sur demande d'un tiers, le·a patient·e ne sera pas nécessairement un·e interlocuteur·ice des plus coopératif·ve·s. Le chapitre se conclut sur la journée type d'un psychologue clinicien du secteur 98 XL (qui comprend CMP, hôpital de jour, maison de retraite, ...) qui inclut une formation pour laquelle il a pu négocier pour se faire payer les frais de trajet alors que son crédit formations était épuisé.

 Le·a psychologue qui travaille dans le cadre de la prévention du suicide devra certes être bienveillant·e, mais iel devra par contre être un peu moins neutre que ses confrères·sœurs  ("Le psychologue représente la personne vivante, qui s'engage personnellement, avec son désir, dans la lutte pour la survie du suicidant", "dans tous les cas, les tentatives de suicide servent bien à interpeller l'Autre", "les réponses psychothérapeutiques traditionnelles apportées par un thérapeute seul ne suffisent pas"). On s'en doute, la vigilance sera aussi une qualité centrale ("parmi les patients psychiatriques décédés par suicide, un sur deux avait été en contact avec les services de santé mentale dans la semaine qui précède le suicide et un sur cinq le jour même"), d'autant que l'événement déclencheur peut sembler anodin (pour le·a patient·e, c'est "le dernier d'une longue série de pertes et d'échecs", et c'est bien entendu l'ensemble qui sera à prendre en compte dans le processus thérapeutique). Enfin, il faut savoir respecter le rythme des patient·e·s ("Vouloir commencer une thérapie en temps de crise, où il serait question de survie, serait hors de propos"). Des éléments théoriques et des outils pour mesurer le risque de passage à l'acte sont aussi présentés.

 Le·a psychologue clinicien·ne en alcoologie est confronté·e aux représentations diverses, voire contradictoires, de l'alcool. Alors que la consommation peut être valorisée socialement dans certains contextes ("L'alcool, symbole de socialisation, est toujours présent lors de grands événements sociaux positifs et négatifs"), ce qui servira d'ailleurs d'argument à un patient présenté dans une vignette clinique pour continuer de boire au nom de l'efficacité professionnelle (avant de constater plus tard que personne ne remarque quand il ne boit que du jus de fruits aux événements), une consommation importante solitaire est stigmatisée, ce qui n'aide pas à admettre qu'il y a un problème, d'autant que "les sujets alcoolo-dépendants sont impatients de retrouver un état dans lequel ils ne se sentent pas concernés par le monde extérieur" (et, de fait, les sujets alcooliques consultent peu : moins de 20% dans un délai de 10 ans). Une consommation dangereuse (lors d'une soirée d'intégration ou suite à un défi Facebook par exemple -mais Facebook est très vigilant sur la nudité, alors c'est pas grave-) ne signifie par non plus que le sujet est alcoolique : "s'il n'y a pas de dépendance, il n'y a pas d'alcoolisme". Le·a clinicien·ne en alcoologie a aussi de bonnes chances d'être confronté·e à d'autres troubles ("40% des personnes dépendantes à l'alcool présentent un trouble mental", et cette cohabitation est "stable dans le temps"). Une approche pluridisciplinaire est parfois d'une grande aide (en particulier une assistance sociale lorsque l'alcoolisme met en danger la situation professionnelle et familiale).

 Le·a psychologue clinicien·ne en victimologie devra avant tout respecter le rythme des patient·e·s, qui ne seront prêt·e·s à revivre leur traumatisme suffisamment pour l'intégrer dans leur histoire de vie et le surmonter que de façon très progressive, à une vitesse qui leur appartient. Il importe d'agir vite quand c'est possible ("il est aujourd'hui établi qu'une intervention précoce peut atténuer les troubles psychosomatiques"), parfois de devancer la demande ("certaines souffrances sont soigneusement masquées et détruisent d'autant mieux qu'elles sont tues") : la façon dont le·a psychologue peut être sollicité·e sont détaillées dans le chapitre et j'ai la flemme de tout reprendre ici les lecteur·ice·s intéressé·e·s pourront y retrouver toutes les précisions souhaitées. L'exercice est délicat : si "il est essentiel de garder la bienveillance et de nuancer la neutralité qui devient malveillance dans les situations traumatiques", la victime peut être demandeuse d'un·e psychologue dont le rôle se limitera à prendre parti, ce qui risque d'être néfaste sur le long terme, tout comme la situation où elle voit le soutien psychique comme une forme d'indemnisation et exige le mieux être. Une attention particulière est portée au moment difficile de la préparation au procès, autant à la confrontation à la partie adverse qu'à la prévention d'une trop grand attente (la conclusion du procès n'est pas la conclusion du traumatisme, d'autant que la sentence ne sera pas forcément celle qui est espérée).

 Le·a psychologue clinicien·ne en milieu carcéral (oui, le chapitre sur la prison suit immédiatement celui sur la victimologie) mettra les pieds dans un univers, c'est fait pour, plutôt ignoré du grand public. Les difficultés pour aller matériellement jusqu'aux prisonnier·ère·s ("le contrôle quotidien de son identité, le passage sous le portique détecteur de métal", "attendre parfois longuement que les lourdes grilles et portes s'ouvrent, selon la disponibilité des surveillants","négocier un bureau pour recevoir le détenu","attendre que le détenu soit appelé et qu'un surveillant aille le chercher") le distinguent de l'institution pénitentiaire aux yeux des patient·e·s, mais sont chronophages et ne facilitent pas la disponibilité (on peut pourtant imaginer, entre le choc de l'incarcération et le fait que les passages à l'acte puissent avoir été causés par des troubles ou des souffrances psychiques, que la disponibilité d'un·e psychologue soit particulièrement critique précisément dans ce contexte). Les détenu·e·s peuvent aussi être transféré·e·s brusquement, sans que le·a psychologue n'en soit informé·e (pour des raisons de sécurité), ce qui ne facilite bien entendu pas le suivi. Il est souvent nécessaire de recadrer la demande, les rôles des différents intervenant·e·s n'étant pas toujours clairs aux yeux des patient·e·s qui peuvent demander quelle peine ils risquent, des nouvelles des proches, un certificat pour dire qu'iels ne sont pas fou·olle·s, ...

 Le·a psychologue clinicien·ne à l'hôpital général, comme celui ou celle qui travaille en secteur psychiatrique adulte (et même plus), devra consacrer une partie de son travail à définir sa place ("les psychologues bénéficient d'une liberté quant à la faible hiérarchie les concernant, mais par là même, ont beaucoup de difficultés à inscrire leur pratique dans un monde qui ne les a pas prévus") : iel est "seul de son espèce au milieu des personnels médicaux et para-médicaux". La gestion de la demande est également difficile : si offrir un suivi à chaque patient·e est utopique et peut-être un peu exagéré ("mais si, on va donner du sens à votre fracture de la cheville... non, ne partez pas!"), "le psychologue peut très vite se retrouver isolé dans une sorte de tour d'ivoire, attendant en vain la demande". Le rôle du ou de la clinicien·ne consistera souvent à rester "vivant et contenant" face aux thématiques angoissantes rencontrées (la maladie, la mort, la douleur, l'entrée à l'hôpital, ...). Iel pourra aussi aider les patient·e·s à choisir avec plus de lucidité entre différentes options thérapeutiques, en collaboration avec les médecins.

 Les interventions des psychologues clinicien·ne·s en cancérologie peuvent prendre plusieurs formes : entretien individuel, rencontre informelle, travail de groupe, ... Il peut s'agir d'une réponse face à l'anxiété causée par la situation, ou d'une thérapie plus large ("les entretiens font souvent apparaître des souffrances antérieures à la maladie laquelle agit comme un révélateur : apparition de conflits auparavant masqués par l'activité professionnelle, exacerbation de conflits qui jusqu'alors n'étaient pas trop virulents..."). Il convient de porter une attention particulière aux différents temps de la maladie : l'annonce du diagnostic, le temps des soins, la rechute et l'arrêt des soins.

 Le·a psychologue clinicien·ne en gérontologie (ou plus exactement en institution gériatrique) intervient auprès des personnes âgées, mais également auprès de leurs familles. Iel accueille le nouveau résident dans ce moment de transition qui est loin d'être neutre, et accompagne le vieillissement et la fin de vie. Iel soutient également le travail des équipes dans ce contexte où "l'idéal professionnel des soignants qui est de faire vivre, soigner, guérir" est inaccessible (l'avancée de la science ne permet pas encore de soigner le vieillissement).

 Le rôle des psychologue en soins palliatifs est pour le moins paradoxal : si leur présence est pertinente dans la mesure où les patient·e·s risquent particulièrement d'être en grande souffrance psychique, il serait malvenu d'avoir l'ambition de soigner quoi que ce soit ("aider à mourir, c'est permettre d'affronter la peur extrême et ultime" mais convaincre qu'il n'y a aucun problème, c'est un drôle d'objectif thérapeutique). En reprenant Jean-Luc Dubreucq (Manuel de soins palliatifs, de D. Jacquemin, chapitre "Le psychiatre, compétences et expérience de chacun des intervenants"), l'autrice va même jusqu'à dire que l'objectif du ou de la psychologue est de dépsychiatriser (ne pas considérer la détresse du ou de la patient·e et de l'entourage comme pathologique) et de dépsychologiser (ne pas délimiter un processus psychologique standard de la personne mourante) dans ce champ clinique où "nous serions tentés de dire que le savoir n'existe pas" (les différentes étapes décrites par Elisabeth Kübler-Ross -déni, colère, marchandage, dépression, acceptation, pas forcément dans cet ordre et pas forcément les cinq- sont toutefois rappelées). "Ce qui est d'abord demandé au psychologue, c'est un cheminement d'être". La conclusion va dans ce sens : "parfois, la poésie, la littérature, la danse, le cinéma, les arts plastiques ou la musique nous font parfois mieux penser la mort que des essais spécialisés". Bon, personnellement, cette conclusion me laisse quelques réserves (l'art est d'abord quelque chose qui touche personnellement, c'est selon moi un outil précieux mais certainement pas un aboutissement, et ça me paraît -certes, c'est plus facile de dire ça de l'extérieur- saugrenu de penser à faire partager notre perception de la mort aux patient·e·s, ou alors si c'est important il faut remplacer le·a psychologue par un·e philosophe... et puis, sérieusement, la danse?), mais l'autrice en a aussi puisqu'elle écrit "parfois" deux fois dans la même phrase.

 Le·a psychologue clinicien·ne en libéral s'expose à de nombreuses difficultés, les premières étant administratives ("les procédures sont nombreuses et pas toujours très conviviales") et financières ("l'expérience montre que "tourner en moyenne à une dizaine de séances par semaine" est, du moins pendant la première année d'exercice, un bon résultat pour le psychologue installé en libéral", "le rapport à l'argent du psychologue en libéral doit donc être particulièrement serein"). De plus, si l'avantage de travailler seul·e est qu'on n'a personne pour nous casser les pieds à discuter nos choix orienter la thérapie dans une direction qui ne nous paraît pas souhaitable, le manque de soutien technique quand on est pris au dépourvu par une situation thérapeutique peut poser problème. De nombreux conseils sont donnés dans ce chapitre qui clôt le livre pour s'en sortir dans les nombreuses démarches administratives ou pour constituer un réseau (pour envoyer ou se faire envoyer les patient·e·s... dans l'intérêt des patient·e·s! -le risque financier est un fait, pas une excuse-). On peut être surpris·e par une vignette clinique qui indique de façon très spécifique (traitement psychanalytique) ce qu'il faudrait faire alors que précisément le psychologue en libéral a l'opportunité de se spécialiser dans un type de traitement, mais l'ensemble est clair et utile.

 Le livre n'est pas exhaustif, ni dans les situations présentées (même si il y en a déjà beaucoup) ni, bien entendu, dans les informations données dans chaque chapitre (une quarantaine de pages maximum)... mais il y a à chaque fois de nombreuses pistes pour approfondir, et c'est un bon outil si on a l'intention de se spécialiser dans un des secteurs mentionnés, que ce soit pour un stage, un mémoire, un premier poste, ... Un autre volume concerne la clinique auprès des enfants et des adolescents.



dimanche 5 octobre 2014

Sois stage, ô ma Douleur, et tiens toi plus tranquille


 Oui, bon, j'en fais un peu des caisses dans le titre, en fait c'est juste pour dire que je démarre mon stage demain matin (après avoir travaillé de nuit jusqu'à ce matin -et, certes, avoir jugé indispensable de raconter ma vie ici cet après-midi... hum- , je vais péter la forme). Après 5 ans à faire de la psycho avec des livres et des pdf, je suis tout ému de faire enfin de la psycho -en Ehpad, pour ceux qui suivent pas- avec des vrais gens (le bruit court que c'est même le but), même si normalement je vais surtout observer faire de la psycho avec des vrais gens. Et je suis d'autant plus ému que j'ai passé un certain temps l'année dernière à faire de la recherche de stage, ce qui n'est pas tout à fait le meilleur souvenir de mon cursus, donc j'apprécie particulièrement d'enfin faire pour de vrai ce stage si convoité!

 Sinon, vous vous souvenez, il y a pas trop longtemps quand je disais, à propos des lecture préparatoires : "il va vraiment falloir que je trace, donc les mises à jour devraient être plus fréquentes à partir de mi-septembre (ou alors je suis dans la m...)". Vu que sur 6 livres à lire absolument, j'en ai lu un et demie, la conclusion est plutôt rapide à déduire (par contre il va aussi falloir que je trace, ce serait bien quand même d'avoir lu les livres de préparation du stage avant la fin du stage, mais même ça ça va pas être évident).

 Donc, on récapitule, à venir sur ce blog : les livres lus pour préparer le stage en Ehpad, le troisième livre de Rogers que j'ai pas eu le temps de lire et là c'est pas le moment et, surprise, un livre conseillé pour le cours de méthodo de l'entretien que même une célèbre enseigne de librairie par correspondance a galéré pour trouver et que je n'attendais plus.