Psychiatre plutôt spécialisé dans la thérapie des Troubles Obsessionnels Compulsifs, l'auteur propose un ouvrage à la fois accessible et détaillé sur les spécificités et l'accompagnement du deuil, après avoir lui-même été pris au dépourvu par ses propres manques lors d'une consultation.
Le livre articule un regard général sur le processus de deuil et ses aspects contre-intuitifs (en particulier sa temporalité qui prend au dépourvu et la difficulté pour les personnes concernées à être comprises sur le long terme -"au cours des mois, de moins en moins de personnes pensent au défunt ou à l'endeuillé", "aucun proche ne perd la même personne", ...-) et un regard plus technique, par exemple sur les conséquences du deuil sur la santé physique et mentale (et les vulnérabilités qui augmentent le risque que le deuil soit un deuil pathologique), l'attitude à tenir face aux enfants qui est selon l'auteur peu documentée (principalement prendre la souffrance autant au sérieux que celle des adultes, prendre en compte leurs représentations et les contresens qu'ils pourraient faire, ne pas minimiser la situation ou tenir de propos contradictoires car les enfants finiront par le savoir, ...) ou encore le rapport au deuil des soignants.
Plus que d'autres ouvrages sur le sujet, celui-ci s'attarde sur les spécificités du deuil pathologique. C'est un sujet particulièrement délicat : Christophe Fauré, autre expert, insiste par exemple sur l'importance de respecter des comportements qui pourraient paraître extrêmes et pathologiques, Emmanuelle Zech (citée plusieurs fois) disait récemment dans une conférence que la distinction entre deuil normal et pathologique n'apportait rien à ses accompagnements, le fait de pathologiser certaines attitudes risque d'amplifier le manque d'attention et d'écoute évoquée plus haut... autant dire que je n'ai pas tout à fait abordé cette partie avec un enthousiasme incontrôlable.
S'il donne des éléments qui doivent alerter, en particulier le fait que les comportements ne semblent pas, sur le long terme, se diriger vers un apaisement, ou le fait qu'ils fassent du mal au reste de la famille qui n'ose rien dire (un exemple est donné d'une mère qui, après un échange, pose une photo de son fils décédé à côté de celle d'une autre personne décédée de la famille, plutôt que, via un montage, l'intégrer à chaque nouvelle photo de famille... un compromis qui semble lui convenir à elle aussi), il rappellera plus tard qu'il n'y a pas de consensus scientifique sur le sujet.
C'est dans la dernière partie, qui consiste en des recommandations pour un accompagnement en TCC et pas nécessairement destinée au grand public, que les réserves sur cette distinction entre normal et pathologique sont levées ou en tout cas largement nuancées : en effet, ce n'est pas le·a thérapeute qui décrète que tel ou tel comportement est néfaste et doit cesser, mais la décision est prise en commun à la suite d'un échange. Le·a thérapeute demande à la personne accompagnée si le comportement qu'on pourrait questionner lui fait du bien, et c'est sa réponse qui compte, et qui pourra amener à la proposition de solutions et l'élaboration commune d'un objectif. La personne, par exemple, n'est pas considérée comme irresponsable ou trop bouleversée pour savoir ce qui est bon pour elle, et c'est une précision fondamentale.
Ce livre est très complémentaire avec Vivre le deuil au jour le jour, de Christophe Fauré. Le premier, comme son nom l'indique, prend le temps de détailler cette expérience intense et profondément déstabilisante de vivre un deuil, ce livre là va donner plus d'éléments pratiques, ce qui correspond à d'autres besoins qui peuvent exister aussi.
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