dimanche 29 juin 2014

My Mad Fat Diary (saisons 1 et 2)



 J'ai un peu hésité à parler de cette série ici parce que, si elle est tirée d'un livre autobiographique, je ne sais pas dans quelle mesure la série est fidèle au livre, ni même d'ailleurs dans quelle mesure le livre est romancé ou colle strictement à la réalité. Mais bon, je n'avais pas parlé de Compliance pour des raisons similaires, et après coup j'ai réalisé que c'était quand même con, donc je parle de My Mad Fat Diary malgré mes réserves. La série elle-même a l'ambition d'aller au delà du divertissement, puisque le site web de la chaîne de télévision qui la diffusait proposait un complément "pour celles et ceux qui se sont sentis concerné·e·s par les problèmes de Rae" (par contre je n'ai aucune idée de la forme ni de la qualité). Et puis, j'en ai entendu parler par une personne sur Twitter qui n'osait pas la regarder entièrement parce que ça lui rappelait trop des moments douloureux par lesquels elle était passée, donc on peut imaginer que ce n'est pas non plus fantaisiste.

 La série nous narre les tribulations de Rachel Earl, en l'an de grâce 1996. Rae est en surpoids, s'automutile, n'a pas vu son père depuis sa petite enfance, est sujette à des crises de panique, est adolescente (16 ans), ne peut pas manger devant des gens (à part sa mère, avec laquelle elle a des relations qui pourraient parfois bénéficier de l'assistance d'un·e diplomate de l'ONU), a une estime de soi qui tend à tirer vers le bas voire le très très bas, et au moment où l'histoire débute sort d'un hôpital psychiatrique où elle a été admise après une tentative de suicide. Mais l'intérêt, justement, c'est que la série nous parle de Rae Earl, et pas de ses symptômes. Sa thérapie, et les souffrances liées à sa pathologie sont présentes, parfois très présentes, mais c'est du personnage principal dans son ensemble qu'il est question. Ça fait un peu penser à une des choses que disent Pedinielli et Fernandez sur le sujet et l'objet : l'apprenti·e psy ne sera pas tant tenté que ça de faire un puzzle avec les différents symptômes et des calculs savants sur le thème de la comorbidité pour établir un diagnostic, ni de chercher frénétiquement si la thérapie la plus adaptée serait analytique, cognitivo-comportementale ou magnéto-systémique. On s'intéresse à la vie de Rae Earl, à sa passion pour la musique, à sa meilleure amie moins bizarre, plus intégrée, plus belle, plus riche (arrêtez de m'insulter, je parle du point de vue de Rae!), qui peut sans préavis se montrer très prévenante ou d'une grande cruauté, aux unions et tensions de son groupe d'ami·e·s, aux hommes auxquels elle aimerait faire des choses qu'elle décrit en des termes bien trop colorés pour que mes traductions maladroites puissent leur rendre justice, à sa mère qui enchaîne les régimes exotiques et qui vient de tomber folle amoureuse d'un immigré clandestin qu'elle dissimule donc chez elle, ... Et on part de là pour percevoir ses souffrances, sa peur d'être cataloguée malade mentale (à l'appréhension des crises de panique, s'ajoute la peur d'avoir une crise de panique en public), ses complexes, la différence entre ses relations avec les autres patient·e·s de l'hôpital psychiatrique et avec ses ami·e·s de l'extérieur... C'est un peu une étude de cas filmée de 10 heures, sauf que le psy (je ne sais pas s'il est -chiatre ou -chologue) n'est pas le narrateur mais un personnage parmi d'autres. D'ailleurs, un des points forts de la série est que la grande majorité des personnages n'est pas stéréotypée, même si certains peuvent en donner l'impression (la série aurait probablement pu être tout aussi intéressante si elle était centrée sur la mère, ou la meilleure amie, de Rae). Le psy ne fait pas exception : si dès le premier épisode il montre, dans une métaphore agréable faute d'être discrète, qu'il sait prendre des libertés avec le cadre, ce n'est pas un superpsy du type de celui de Will Hunting qui sait tout ce qu'il faut faire et quand il faut le faire et qui a une proximité unique avec au moins le personnage principal parce qu'il bouleverse l'ordre établi et qu'il a lui aussi une blessure grave et secrète. La plupart du temps ses thérapies sont parfaitement classiques, et il lui arrive de se ramasser et d'en souffrir.

 Une série à voir, qui fait réfléchir malgré les inconvénients de la fiction et plus encore de la semi-fiction, et à voir, par pitié, en VO (je doute que la VF existe pour l'instant, mais dans le doute, j'insiste). Je suis un intégriste de la VO en général, mais franchement, rater l'accent de Rae (qui parle aussi en voix off -ben oui, c'est un journal intime adapté en série- donc on l'entend presque constamment) ou la parfaite articulation entre sa diction et les expressions de son visage, c'est criminel (et puis le langage non-verbal donc c'est important, et toc!). Sinon, je ne suis pas en train de regarder des séries au lieu de passer du temps sur mes cours (même si, vu les notes qui sont arrivées, ça pourrait être une bonne initiative d'arrêter les dégâts -le terme de "correction" des copies a pris tout son sens-). Enfin, là, techniquement, si (mais ça ne compte pas parce que... parce que... oh, regardez ce bel arc-en-ciel!), mais des références plus académiques vont bientôt suivre. Et la série est bien!

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