Consultant en éducation et formé entre autres à l'analyse
transactionnelle, l'auteur donne des conseils pour sortir, dans le
cadre de l'éducation des enfants (de 2 à 15 ans... les conseils ont
l'avantage d'être valables longtemps), de la grande valorisation
sociale de l'obéissance, en particulier à travers l'injonction
"sois sage" ou le fait que s'extasier sur le fait qu'un enfant est
sage soit une façon habituelle de complimenter les parents.
L'obéissance tend en effet, entre autres, à donner comme cadre à
l'enfant la conformité à la volonté des parents, plutôt que la
responsabilisation et l'autonomie. L'auteur donne donc quelques clefs
pour changer, telles que s'interroger sur l'émotion qui est la
source du comportement (et dans l'idéal dire à l'enfant qu'on est
bien conscient de cette émotion - "Oui, Justine, tu as très
envie de jouer avec ce jeu et Mila joue avec", … - ),
proposer des solutions alternatives ("Paul joue avec la voiture. Je
te propose cette voiture") voire inviter l'enfant à en chercher lui-même
("que pouvons-nous faire, pour que ça se passe bien pour toi et
moi?"), attendre qu'il soit calmé avant de revenir sur
l'incident, se donner les moyens de réagir calmement ("j'accepterai
les situations telles qu'elles sont et non telles que je voudrais
qu'elles soient", "j'arrête de prêter des réactions négatives à
mes enfants", "je sais que prendre contact avec ma respiration peut
m'aider à me calmer", "chaque jour, je prendrai un temps de
silence pour moi", …), s'interroger sur son propre rapport à l'éducation et sur son origine, ....
C'est bien expliqué, c'est concret, c'est magnifique, et c'est
illustré avec tout plein d'exemples, et l'auteur prévient même
qu'il n'y a pas non plus de solution magique qui hop résoudrait
chaque situation ("nous ne serons ici que dans des hypothèses,
dans des possibles et dans des débuts de solution"). Le problème, parce qu'il y a un
problème, c'est que la partie claire et concrète arrive à la fin
du livre, et qu'en attendant on doit se contenter de quelques
conseils qui peuvent laisser perplexe ("regarder l'enfant"... oui,
merci, ça va beaucoup aider) et qui semblent presque donnés par hasard
au milieu d'un discours manichéen et binaire (au point que les
quelques éléments nuancés qui
dépassent -du genre "ça peut quand même servir
que l'enfant apprenne les règles de vie en société"- semblent contradictoires avec le reste) entre d'un côté
une éducation bien-traitante et épanouissante et de l'autre un carcan qui condamne l'enfant à une vie proche de l'enfer. On apprendra
ainsi, avec une argumentation neurologique sommaire, que l'enfant de
2 ans est de toutes façon incapable d'obéir (il faut donc en
conclure que se responsabiliser est plus simple qu'obéir) ou que
l'éducation orientée vers l'obéissance mène aux résultats de l'expérience de
Milgram (une majorité des sujets de l'expérience électrocutaient
un·e inconnu·e -avec des chocs fictifs mais ça iels ne le savaient pas-
jusqu'à un risque de décès parce qu'un monsieur en blouse blanche
leur demandait gentiment) et à celle de Stanford (Phillip Zimbardo
a divisé au hasard des sujets entre gardes et prisonniers pour vivre
dans une prison fictive, l'expérience a été arrêtée
prématurément à cause de la détresse inquiétante des prisonniers et du
sadisme de certains gardes -à noter que l'auteur de l'expérience
est rebaptisé Zimbando... pourquoi pas, c'est joli aussi... et que
le film inspiré de l'expérience est évoqué sans qu'il soit
précisé qu'il n'a que le sujet de départ ou presque en commun avec la vraie
expérience-). Pire, la punition tue (puisque le chantage, néfaste
lui aussi, au même titre d'ailleurs que les récompenses, "ne tue
pas l'enfant comme pour la punition"), et les plus sceptiques
pourront se référer à "l'étude approfondie des histoires
personnelles des nazis, qui démontrent toutes une personnalité
de base et une éducation autoritaire rigide de leurs parents" :
si vous mettez un enfant au coin, non seulement vous réduisez son
estime de soi à néant et il passera le reste de sa vie à le faire
payer aux autres (si si, c'est écrit ailleurs), mais en plus vous
êtes potentiellement responsables d'un génocide! Bon, la personnalité autoritaire, c'est un tout petit peu plus compliqué
qu'une histoire de punitions, et sans nier un certain nombre de
responsabilités individuelles, le nazisme a quand même beaucoup à voir avec un contexte particulier, mais c'est tellement productif de
parler de bienveillance en traitant quasiment des parents de
criminels de guerre parce qu'il leur arrive de lever le ton ou de
sanctionner... L'éducation recommandée par l'auteur, en revanche,
cela va de soi, ne fait que multiplier les vertus ("une identité
solide", "son bonheur construit en cohérence avec lui-même",
"une curiosité, des envies d'apprendre, le goût de s'élever",
"des relations saines", …).
Si
les conseils finalement donnés sont clairs et semblent sensés, on
peut donc déplorer que le·a lecteur·ice ne puisse en bénéficier qu'après
avoir été jugé·e avec virulence s'iel ne les suivait pas par
anticipation, avec un manichéisme (et quelques approximations) qui
en plus nuisent à la crédibilité de l'auteur, et s'étonner que
précisément un spécialiste de la communication formé à l'analyse transactionnelle n'inflige une telle (longue) entrée en matière,
contradictoire avec les principes même qui sont défendus dans le
livre.
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