dimanche 18 mars 2018

Le syndrome de Lazare, de Patrick Clervoy




 Lazare, choisi par Patrick Clervoy pour incarner son propos sur le traumatisme, est un personnage biblique miraculeusement ressuscité quatre jours après son décès et son enterrement. Du fait de son statut de miraculé, il est pourchassé par les autorités d'une part, et suivi par une foule qui veut l'admirer comme une curiosité d'autre part. Bien que revenu à la vie, il doit renoncer à sa sédentarité, son village, sa profession... " D'une certaine manière, Lazare n'existe plus, du moins le Lazare d'avant le miracle". Ainsi, les conséquences directes du traumatisme (hypervigilance, cauchemars, séquelles physiques voire handicap suite aux violences subies) ne seront pas le propos principal de ce livre qui traitera surtout des réactions de l'entourage familial, professionnel, qui auront parfois du mal à s'adapter à la nouvelle personne à laquelle iels ont affaire, voire dont la compréhension fera place à l'impatience devant quelqu'un qui pourrait quand même aller mieux un peu plus vite ("le temps du traumatisme a pu être très court, l'après-traumatisme a pu être particulièrement long").

 Comme dans cet autre livre du même auteur, ce livre sera principalement constitué d'une suite de récits distincts, la différence étant que là où l'autre livre parlait de moments historiques, ces récits concernent des trajectoires individuelles. Et, comme dans l'autre livre, la lecture de ces récits pourra être éprouvante. Un pompier gravement brûlé médaillé et honoré sur le moment avant de devoir, les années qui suivent, se battre durement avec les assurances pour être simplement indemnisé alors qu'il est parallèlement de plus en plus mis au placard professionnellement, un gendarme ancien otage de Nouméa dont on ne comprend pas la réaction quand, de colère, il casse du mobilier dans le bureau d'un supérieur qui s'est permis de plaisanter sur le sujet, un pédophile provocateur avec son psychiatre autant pour se disculper lui-même que pour le dissuader de faire un signalement avant de révéler qu'il a lui-même été victime, enfant, de violences physiques et sexuelles (l'auteur est très clair sur le fait que ça n'excuse rien), une personne torturée dans son adolescence par l'armée colonisatrice qui occupait son territoire avant d'être gardée et élevée au camp pour éviter son exécution par des rebelles pour avoir potentiellement parlé, un homme très riche, habitué au confort, longtemps gardé en otage, dont on coupe le doigt et qu'on menace régulièrement de mort pour appuyer la demande de rançon, sont une partie des exemples donnés, montrant la diversité des façons dont le traumatisme peut faire irruption dans la vie psychique, et la diversité des conséquence qu'il peut avoir après.

 Cette diversité des situations et des individus fait que, hélas, pour une thérapie efficace, "il n'y a pas de mode d'emploi qui pourrait être distribué à chacun". Si quelques éléments sont bien sûr donnés (accepter que la demande d'aide ne vienne pas tout de suite, identifier dans le vécu de la personne les échos des éléments qui la marquent particulièrement et faire des liens quand c'est possible avec le vécu -violences subies, deuil difficile, ...-, observer l'évolution des rêves, …), l'auteur recommande surtout de respecter la temporalité du ou de la patient·e et bien sûr (surtout à travers des contre-exemples de comportements déplacés!) de ne pas minimiser ses souffrances ("la victime a besoin de se faire aider. La victime a besoin de se faire entendre. Et, surtout, la victime a besoin de comprendre"). Les deux attitudes recommandées dans la conclusion comme guides pour le·a thérapeute, "la ténacité et la fraternité", pourraient ainsi sonner comme un pseudo-humanisme béat et facile, mais le reste du livre leur donne un sens bien plus pragmatique.

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