Lazare, choisi par
Patrick Clervoy pour incarner son propos sur le traumatisme, est un
personnage biblique miraculeusement ressuscité quatre jours après
son décès et son enterrement. Du fait de son statut de miraculé,
il est pourchassé par les autorités d'une part, et suivi par une
foule qui veut l'admirer comme une curiosité d'autre part. Bien que
revenu à la vie, il doit renoncer à sa sédentarité, son village,
sa profession... " D'une certaine manière, Lazare n'existe plus, du
moins le Lazare d'avant le miracle". Ainsi, les conséquences
directes du traumatisme (hypervigilance, cauchemars, séquelles
physiques voire handicap suite aux violences subies) ne seront pas le propos
principal de ce livre qui traitera surtout des réactions de
l'entourage familial, professionnel, qui auront parfois du mal à
s'adapter à la nouvelle personne à laquelle iels ont affaire, voire
dont la compréhension fera place à l'impatience devant quelqu'un
qui pourrait quand même aller mieux un peu plus vite ("le temps du
traumatisme a pu être très court, l'après-traumatisme a pu être
particulièrement long").
Comme dans cet autre livre du même auteur, ce
livre sera principalement constitué d'une suite de récits
distincts, la différence étant que là où l'autre livre parlait de
moments historiques, ces récits concernent des trajectoires
individuelles. Et, comme dans l'autre livre, la lecture de ces récits
pourra être éprouvante. Un pompier gravement brûlé médaillé et
honoré sur le moment avant de devoir, les années qui suivent, se
battre durement avec les assurances pour être simplement indemnisé
alors qu'il est parallèlement de plus en plus mis au placard
professionnellement, un gendarme ancien otage de Nouméa dont on ne
comprend pas la réaction quand, de colère, il casse du mobilier
dans le bureau d'un supérieur qui s'est permis de plaisanter sur le
sujet, un pédophile provocateur avec son psychiatre autant pour se
disculper lui-même que pour le dissuader de faire un signalement
avant de révéler qu'il a lui-même été victime, enfant, de
violences physiques et sexuelles (l'auteur est très clair sur le
fait que ça n'excuse rien), une personne torturée dans son
adolescence par l'armée colonisatrice qui occupait son territoire
avant d'être gardée et élevée au camp pour éviter son exécution
par des rebelles pour avoir potentiellement parlé, un homme très
riche, habitué au confort, longtemps gardé en otage, dont on coupe
le doigt et qu'on menace régulièrement de mort pour appuyer la
demande de rançon, sont une partie des exemples donnés, montrant la
diversité des façons dont le traumatisme peut faire irruption dans
la vie psychique, et la diversité des conséquence qu'il peut avoir
après.
Cette diversité des situations et des individus
fait que, hélas, pour une thérapie efficace, "il n'y a pas de mode
d'emploi qui pourrait être distribué à chacun". Si quelques éléments sont bien sûr donnés (accepter
que la demande d'aide ne vienne pas tout de suite, identifier dans le
vécu de la personne les échos des éléments qui la marquent
particulièrement et faire des liens quand c'est possible avec le
vécu -violences subies, deuil difficile, ...-, observer l'évolution
des rêves, …), l'auteur recommande surtout de respecter la
temporalité du ou de la patient·e et bien sûr (surtout à travers des
contre-exemples de comportements déplacés!) de ne pas minimiser ses
souffrances ("la victime a besoin de se faire aider. La victime a
besoin de se faire entendre. Et, surtout, la victime a besoin de
comprendre"). Les deux attitudes recommandées dans la
conclusion comme guides pour le·a thérapeute, "la ténacité et la
fraternité", pourraient ainsi sonner comme un pseudo-humanisme béat
et facile, mais le reste du livre leur donne un sens bien plus pragmatique.
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