mercredi 16 mars 2022

J'ai choisi la vie. Être bipolaire et s'en sortir, de Marie Alvery et Hélène Gabert

  


 Ce livre croise les récits autobiographiques, depuis l'enfance et même l'héritage familial (les premiers chapitres ne sont pas sans faire écho à la psychogénéalogie), de Marie et Hélène, respectivement atteintes d'un trouble bipolaire de type I (plutôt constitué de "crises violentes") et de type II ("un quotidien d'oscillations permanentes entre les hauts, les bas et les milieux acceptables"). Peut-être à cause de la confusion causée par les états extrêmes provoqués souvent brusquement par le trouble bipolaire (ou alors, de façon plus pragmatique, parce que les chapitres, écrits respectivement par l'une et l'autre, sont courts et se succèdent rapidement), difficile de ne pas parfois se mélanger les pinceaux entre Hélène et Marie, ce qui est aussi une façon de donner un aperçu de la difficulté de s'y retrouver lorsqu'on passe par tous ces états (sans compter qu'en plus des atteintes de l'humeur, les traitements peuvent diminuer cognitivement). "Une personne atteinte de troubles bipolaires pourrait faire un bon personnage de cirque. Tour à tout, et parfois même simultanément, le clown qui rit, le clown qui pleure. Le lanceur de torches qui joue avec le feu. Le magicien capable de faire apparaître ou disparaître soudainement les choses les plus extraordinaires. Le contorsionniste capable de se mettre en boule pour s'éclipser et mieux réapparaître. Le dompteur maîtrisant ses tourments, phobies, addictions ou troubles obsessionnels compulsifs, alimentaires ou de l'attention. Le trapéziste qui se lance dans le vide pour enfin rebondir. Le funambule en équilibre au péril de sa vie."

 Si les parcours sont différents, les échos sont nombreux, comme la vie d'adolescente ou de jeune adulte où un moment difficile implique le risque de s'effondrer, les études et la vie professionnelle où les performances ("s'intéresser à une personne malade, ce n'est pas la démunir de ses ambitions") alternent  avec le besoin de s'arrêter, parfois longtemps, la vie amoureuse ("Guillaume est resté... de même que je ne suis pas partie") et surtout parentale (l'inquiétude pour les enfants exposés au différents états... sans compter le risque d'hérédité de la maladie, mais aussi la gestion particulièrement délicate du traitement au moment de la grossesse), le diagnostic, tardif, à la fois coup de poignard ("le diagnostic me choque", "je déambule dans la rue comme une alcoolique titubante", "je pensais être au bout du combat. Et pourtant, ce jour là, je compris qu'il n'en était rien") et soulagement ("je m'accorde des circonstances atténuantes"), la difficulté de vivre avec le traitement ("trois régulateurs d'humeur, cela fait trois pages d'effets "indésirables", comme on dit") même quand il est bien ajusté ou encore, pour Marie, les hospitalisations particulièrement éprouvantes (" "Profite de ton temps pour lire et écrire!" me dit naïvement mon mari. Mais si j'étais dans cette forme, qu'irais-je faire dans un hôpital? Les médicaments m'assomment littéralement"). Sont aussi comparés les mérites respectifs, des TCC (qui permettent, complémentaires avec les médicaments, de mieux faire face aux symptômes) pour Hélène, et de la thérapie freudienne très orthodoxe pour Marie, qui lui a certes permis de mieux se connaître mais jamais d'évoquer sa maladie, bien que son psychanalyste soit également psychiatre.

 Ces récits secouent, à l'image des vécus évoqués, et s'ils ne nient pas les difficultés (les risques de suicide, d'invalidité professionnelle, sont mentionnés), montrent qu'on peut vivre avec le trouble bipolaire, tout en étant très clairs sur les épreuves à traverser, le poids au quotidien, que ça implique.

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