samedi 19 mars 2022

Les états-limites, de Vincent Estellon


 

  Parfois état parfois structure parfois trouble, aussi nommé borderline... ou encore micropsychose, héboïdophrénie, schizophrénie fruste, caractère impulsif, dysharmonie évolutive ou schizoze (liste vraiment pas exhaustive), la définition même des états-limites est complexe, comme si la porosité psychique qui peut y être associée s'étendait à sa définition ("on comprend mieux les critiques de certains taxant de catégorie "fourre-tout" le diagnostic d'état-limite").

 L'auteur a la bienveillance de ne nous plonger dans cette confusion conceptuelle que dans un deuxième temps. Il commence par décrire les grandes lignes de ce profil qui potentiellement ne facilite la relation thérapeutique ni pour les thérapeutes ni pour les patient·e·s ("les cures ou thérapies deviennent souvent complexes, éprouvantes, difficiles"), "estime de soi alternant entre sentiment de toute-puissance et vide sidéral", fonctionnement "peu capable d'attente et de patience" "plus tourné vers l'agir que vers l'intériorisation", "monde psychique attaqué par de folles angoisses existentielles", vulnérabilité "à des débordements émotionnels, effondrements et états de détresse", puis permet à chacun·e de s'identifier en le rapprochant de situations plus familières, comme l'adolescence (avec au passage, c'est dommage, un discours décliniste qui pourrait avoir un semblant de crédibilité si on ne l'entendait pas depuis Socrate et s'il ne s'accompagnait pas d'une comparaison entre la société contemporaine et 1984 qui démontre uniquement que l'auteur n'a pas lu le livre -et c'est dommage, il est bien-), les transgressions ou encore les scènes de ménage ("la scène de ménage a pour fonction manifeste de communiquer sur l'incompréhension, tandis que sa fonction latente est de semer la discorde", "dans cette expérience fondée sur l'incompréhension, le but premier est de rendre coupable l'autre de la mésentente").

 Passés ces premiers propos, la complexité augmente de façon exponentielle lorsque l'auteur confronte plus finement les modèles théoriques (exclusivement psychanalytiques, à l'exception d'un bref passage par la thérapie systémique avec la notion d'injonction contradictoire) pour la définition, la compréhension, l'étiologie des états-limites. Certes, le livre n'est pas épais, mais il y a de quoi s'occuper, et des connaissances avancées en psychanalyse ne sont pas de trop. Il permet d'ailleurs presque autant de mieux comprendre la psychanalyse que les états-limites tant des enjeux clefs, et les confrontations théoriques qui les concernent, seront détaillés, tels que le traumatisme, la construction précoce de la personnalité, les notions d'objet et de clivage...

 Difficile avec une telle densité de contenu de donner en plus leur juste place à d'autres modèles théoriques, mais il aurait peut-être été plus juste d'intituler le livre "les états-limites selon la psychanalyse".

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