Egalement cooautrice d'une Histoire de la psychologie, et autrice de Naissance et développements de la psychopathologie, Evelyne Pewzner fait figurer dans cette ouvrage différentes approches de la psychopathologie, en soulignant bien que cette discipline n'est pas à l'heure actuelle une science exacte ("la passion classificatrice des psychiatres des XXièmes et XXIième siècles ne le cède en rien à celle des aliénistes du XIXième siècle" , "il en résulte une inflation des catégories diagnostiques", ...) et qu' "au-delà des querelles nosographiques et des divergences théoriques, c'est à la clinique que la priorité doit toujours être donnée". Différentes approches vont donc cohabiter : il est expliqué clairement et synthétiquement ce que sont et ne sont pas névrose, psychose et hystérie, et un chapitre est consacré aux personnalités pathologiques (même si des distances sont prises avec cette notion : "l'intérêt d'individualiser ces différentes catégories semble devoir être relativisé, regardé en tout cas d'un œil critique!"), mais des pathologies bien plus spécifiques sont également présentées (anorexie mentale, alcoolisme, différents types de dépression, ...) avec une liste de symptômes qui évoquent le DSM.
L'originalité principale de l'ouvrage réside dans les rappels historiques fréquents qui, au-delà des éléments qui peuvent tenir de l'anecdote (l'homosexualité était criminalisée en France du moyen-âge à 1791, puis de 1940 à ... 1982!, l'hystérie était considérée comme résultant d'une insatisfaction sexuelle féminine avant que la morale chrétienne ne "déplace" son étiologie vers le cerveau, où elle restera jusqu'au XVIIème siècle, c'est Gilles de la Tourette qui a fait remarquer que, comme son étymologie ne l'indique pas, l'anorexie mentale ne supprime pas la sensation de faim, ...) ou en tout cas dont l'intérêt clinique immédiat n'est pas flagrant, permettent de prendre une distance que n'offrira pas forcément un ouvrage focalisé sur une approche plus spécialisée de la psychopathologie. Une autre originalité est qu'Evelyne Pewzner, intérêt pédagogique supplémentaire, partage la vedette avec d'autres auteur·ice·s : des citations sont régulièrement proposées sur plusieurs pages, soit de premières descriptions de telle ou telle pathologie (extraits de livres de Freud ou Kraepelin), soit de vignettes cliniques, princeps (syndrôme de Korsakoff) ou non (articles de presse spécialisée).
L'ouvrage se lit rapidement et parvient a être plutôt exhaustif en regard de sa longueur. Toutefois, comme son nom l'indique, il s'agit d'une introduction, qui de plus ne fait pas mention de la psychologie de l'enfant et de l'adolescent, et on pourra toujours trouver des manques (je pense en particulier à l'addiction, complètement absente alors qu'une place importante est consacrée à l'alcoolisme et à la toxicomanie -le catalogue des substances pourra intéresser certains lecteurs- et que depuis quelques années est développée une psychiatrie de l'addiction sans substances -jeux vidéo , sexualité, jeux d'argent,... - et que cette approche constitue une tentative d'explication d'autres pathologies, je pense par exemple aux troubles du comportement alimentaire -cette explication est présente dans plusieurs ouvrages résumés ici-).
Si ce "manuel" est très différent de celui dirigé par Jean Bergeret, il partage avec ce dernier l'avantage d'un chapitrage très clair qui incite à le garder sous la main pour retrouver un élément précis en cas de besoin. L'histoire n'étant pas plus une science exacte que la psychopathologie, les ouvrages de référence sont indiqués séparément dans la bibliographie, les spécialistes pourront donc éventuellement décider avant la lecture avec quelle distance ils l'aborderont.
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