L'ouvrage, écrit à plusieurs mains, est très fortement orienté
sur la théorie analytique, ce qui est revendiqué dès
l'introduction par l'auteur principal ("Aux non-analystes qui
estimeraient hasardeux de manifester un attachement trop exclusif aux
hypothèses psychanalytiques, nous pensons pouvoir répondre que les
données analytiques (théoriques, et non techniques) auxquelles nous
nous sommes cantonnés correspondent à ce qui se trouve admis comme
très classique par le plus grand nombre des psychopathologues
contemporains et ne constitue, en définitive, qu'une connaissance
bien générale, indispensable à l'honnête homme du début du
XXIème siècle"). Il sera donc énormément question de
structures psychiques (névrotique, psychotique, …), d'Idéal du
Moi ou de conflit pré-Œdipien, plutôt que d'un dictionnaire (un
bottin, diront les mauvaises langues) des différentes pathologies
type DSM.
Les concepts analytiques seront en revanche extrêmement détaillés,
des plus basiques dont on a entendu parler en cours de philo en
terminale, aux plus complexes. La complexité est d'ailleurs
progressive, et une lecture très attentive des premiers concepts
(ceux qu'on peut penser à tort bien maîtriser parce qu'un jour on a
lu les Conférences d'introduction à la psychanalyse de
Freud), voire une lecture très très attentive et des relectures,
s'avère nécessaire pour comprendre de façon satisfaisante la
totalité de l'ouvrage : synthétique ne veut pas dire simple.
La table des matières est toutefois très claire, ce qui permet de
s'y retrouver facilement si on veut revenir sur un concept en
particulier. Dans la mesure où le livre fait 300 pages et non 3000,
c'est surtout Freud qui sert de modèle théorique, les autres
auteur·ice·s ne peuvent généralement qu'être évoqués. Et Freud sert
de modèle théorique sans les explications longues et
précautionneuses dont il a l'habitude, ce qui peut faire bizarre aux
sceptiques ou aux non-initié·e·s (au XXIème siècle on ne sait pas dire
pour qui un adulte va voter aux présidentielles malgré des enjeux
financiers considérables, mais on sait avec certitude que, comme un
chercheur l'avançait au début du XXème, le nourrisson ressent
le boudin fécal comme faisant partie intégrante de son propre corps) et qui fera le plus grand bonheur des anti-psychanalyse (qui, en même temps,
ont quand même du temps à perdre s'il·elle·s lisent ce
livre).
Un espace conséquent et spécifique est dédié à la psychopathologie de
l'enfance et à ses particularités. Il est un peu plus DSM-esque que
le reste de l'ouvrage (certaines pathologies particulières sont
nommées) mais très peu. Les différent·e·s auteur·ice·s y ont une place un
peu plus large, mais là encore le manque de place se fait sentir et
mieux vaut lire les ouvrages des auteur·ice·s cité·e·s pour avoir un avis
éclairé sur les théories mentionnées (certes, parler de l'autisme
et de son étiologie à un public de psychologues ou qui s'intéresse
à la psychologie est aussi périlleux que de dire "on donne trop d'argent aux chômeurs" à un repas de famille, et couvrir de
manière exhaustive et impartiale les différentes théories qui
concernent l'autisme suffirait à remplir un épais volume, mais
rappeler par exemple en évoquant Bettelheim que sa stigmatisation
des mères a fait énormément de dégâts aurait pu être
souhaitable).
Enfin, des indications plus pragmatiques sont données, concernant
directement les soins. Jean Bergeret parle rapidement des thérapies
d'inspiration analytiques et des thérapies d'inspiration non
analytiques, en précisant qu'elles ne sont pas interchangeables
(leur objectif et leur processus diffèrent) et ne peuvent être
pratiquées que par des professionnel·le·s spécialisé·e·s (les thérapeutes
ne sont pas plus interchangeables que les thérapies) et
rigoureusement formé·e·s : pas question par exemple, même en
ayant appris son livre par cœur, de pratiquer une analyse sans avoir
été soi-même analysé·e puis supervisé·e. Les rééditions fréquentes
(ce résumé concerne la 11ème) permettent d'être à jour sur la
présentation des structures de soin existantes, même si ladite
présentation ne concerne que la France, donc intéressera
probablement peu le·a lecteur·ice Canadien·ne ou Belge.
Exigeant et complet (en ce qui concerne les concepts de base), mais
synthétique et clairement organisé, ce manuel est pratique à
garder sous la main (même si pour débuter complètement la
psychanalyse c'est peut-être un peu rude, les Conférences
d'intruction et autres ouvrages de Freud permettent une entrée
plus en douceur même si ça fait beaucoup plus de pages) pour
affuter ses connaissances sur telle ou telle définition. Certains
développements, moins basiques, spécifiques aux thèmes dont Jean
Bergeret est spécialiste (la violence, l'homo-érotisme) ou non
(travail de Michel Soulé sur la psychiatrie pré-natale) en
augmentent l'intérêt.
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