vendredi 10 août 2012

Psychologie pathologique, théorie et clinique, dirigé par Jean Bergeret




 L'ouvrage, écrit à plusieurs mains, est très fortement orienté sur la théorie analytique, ce qui est revendiqué dès l'introduction par l'auteur principal ("Aux non-analystes qui estimeraient hasardeux de manifester un attachement trop exclusif aux hypothèses psychanalytiques, nous pensons pouvoir répondre que les données analytiques (théoriques, et non techniques) auxquelles nous nous sommes cantonnés correspondent à ce qui se trouve admis comme très classique par le plus grand nombre des psychopathologues contemporains et ne constitue, en définitive, qu'une connaissance bien générale, indispensable à l'honnête homme du début du XXIème siècle"). Il sera donc énormément question de structures psychiques (névrotique, psychotique, …), d'Idéal du Moi ou de conflit pré-Œdipien, plutôt que d'un dictionnaire (un bottin, diront les mauvaises langues) des différentes pathologies type DSM.

  Les concepts analytiques seront en revanche extrêmement détaillés, des plus basiques dont on a entendu parler en cours de philo en terminale, aux plus complexes. La complexité est d'ailleurs progressive, et une lecture très attentive des premiers concepts (ceux qu'on peut penser à tort bien maîtriser parce qu'un jour on a lu les Conférences d'introduction à la psychanalyse de Freud), voire une lecture très très attentive et des relectures, s'avère nécessaire pour comprendre de façon satisfaisante la totalité de l'ouvrage : synthétique ne veut pas dire simple. La table des matières est toutefois très claire, ce qui permet de s'y retrouver facilement si on veut revenir sur un concept en particulier. Dans la mesure où le livre fait 300 pages et non 3000, c'est surtout Freud qui sert de modèle théorique, les autres auteur·ice·s ne peuvent généralement qu'être évoqués. Et Freud sert de modèle théorique sans les explications longues et précautionneuses dont il a l'habitude, ce qui peut faire bizarre aux sceptiques ou aux non-initié·e·s (au XXIème siècle on ne sait pas dire pour qui un adulte va voter aux présidentielles malgré des enjeux financiers considérables, mais on sait avec certitude que, comme un chercheur l'avançait au début du XXème, le nourrisson ressent le boudin fécal comme faisant partie intégrante de son propre corps) et qui fera le plus grand bonheur des anti-psychanalyse (qui, en même temps, ont quand même du temps à perdre s'il·elle·s lisent ce livre).

  Un espace conséquent et spécifique est dédié à la psychopathologie de l'enfance et à ses particularités. Il est un peu plus DSM-esque que le reste de l'ouvrage (certaines pathologies particulières sont nommées) mais très peu. Les différent·e·s auteur·ice·s y ont une place un peu plus large, mais là encore le manque de place se fait sentir et mieux vaut lire les ouvrages des auteur·ice·s cité·e·s pour avoir un avis éclairé sur les théories mentionnées (certes, parler de l'autisme et de son étiologie à un public de psychologues ou qui s'intéresse à la psychologie est aussi périlleux que de dire "on donne trop d'argent aux chômeurs" à un repas de famille, et couvrir de manière exhaustive et impartiale les différentes théories qui concernent l'autisme suffirait à remplir un épais volume, mais rappeler par exemple en évoquant Bettelheim que sa stigmatisation des mères a fait énormément de dégâts aurait pu être souhaitable).

  Enfin, des indications plus pragmatiques sont données, concernant directement les soins. Jean Bergeret parle rapidement des thérapies d'inspiration analytiques et des thérapies d'inspiration non analytiques, en précisant qu'elles ne sont pas interchangeables (leur objectif et leur processus diffèrent) et ne peuvent être pratiquées que par des professionnel·le·s spécialisé·e·s (les thérapeutes ne sont pas plus interchangeables que les thérapies) et rigoureusement formé·e·s : pas question par exemple, même en ayant appris son livre par cœur, de pratiquer une analyse sans avoir été soi-même analysé·e puis supervisé·e. Les rééditions fréquentes (ce résumé concerne la 11ème) permettent d'être à jour sur la présentation des structures de soin existantes, même si ladite présentation ne concerne que la France, donc intéressera probablement peu le·a lecteur·ice Canadien·ne ou Belge.

  Exigeant et complet (en ce qui concerne les concepts de base), mais synthétique et clairement organisé, ce manuel est pratique à garder sous la main (même si pour débuter complètement la psychanalyse c'est peut-être un peu rude, les Conférences d'intruction et autres ouvrages de Freud permettent une entrée plus en douceur même si ça fait beaucoup plus de pages) pour affuter ses connaissances sur telle ou telle définition. Certains développements, moins basiques, spécifiques aux thèmes dont Jean Bergeret est spécialiste (la violence, l'homo-érotisme) ou non (travail de Michel Soulé sur la psychiatrie pré-natale) en augmentent l'intérêt.

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