jeudi 19 janvier 2017

L'examen psychologique de l'enfant et l'utilisation des mesures (Conférence de consensus), coordonné par Robert Voyazopoulos, Léonard Vannetzel et Louis-Adrien Eynard

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 Pour cette Conférence de consensus, qui date de 2010, de nombreux·ses expert·e·s, qui généralement ne se connaissaient pas, ont travaillé en groupe sur divers sujets (pertinence et nécessité de l'examen, compétences du ou de la psychologue et limites de l'évaluation, …) avant de répondre aux questions du Jury suite à leur présentation. En plus de son évident objectif théorique, la Conférence de consensus a aussi des ambitions institutionnelles, s'inscrivant dans la continuité de la réflexion de Daniel Lagache sur l'unité de la psychologie en 1949 ou encore de la création du Code de déontologie des psychologues, faisant communiquer des professionnel·le·s qui se parlaient peu (ou peu aimablement) au delà de l'adversité entre chercheur·se·s et practicien·ne·s, ou entre diverses approches théoriques ("la présente Conférence de consensus a expérimenté et éprouvé la possibilité d'une psychologie unifiée, souple et tolérante").

 Le titre, ne faisons pas semblant, n'est pas particulièrement annonciateur d'une lecture trépidante. D'une part le sujet lui-même, les tests psychologiques appliqués aux enfants et adolescent·e·s, est particulièrement technique, et d'autre part le terme de consensus est de ces termes qui ont le potentiel de faire bailler presque mécaniquement (le meilleur moyen d'être d'accord avec tout le monde n'est-il pas de ne surtout rien dire de nouveau?). Si c'est très souhaitable de rappeler qu'un test ne résume en aucun cas l'individu, que d'ailleurs le résultat chiffré d'un test (quand c'est un test qui aboutit à un résultat chiffré) n'est pas forcément plus parlant que ce qui a eu lieu pendant la passation ("ce sont les "surprises", les décalages, qui sont intéressants car dans les surprises vient se manifester "du sujet" au clinicien et à l'enfant lui-même"), que ce que le·a psychologue a pu déduire doit être restitué de façon à la fois compréhensible et non stigmatisante ("le psychologue n'avance rien sans l'argumenter", "il faut éviter des comptes-rendus qui se contenteraient d'énumérer les difficultés de l'enfant"), est-ce pour autant bien la peine de réunir autant d'expert·e·s pour raconter ça? Cette réticence n'est pourtant finalement pas justifiée : les nombreux·ses auteur·ice·s, en tant que spécialistes, auront à cœur de dire des choses intéressantes (j'aurais par exemple apprécié, dans mon cours de 3ème année sur le sujet, de savoir que "le débat est encore ouvert pour savoir ce que teste ou pas le Rorschach") et, consensus ou non, de rappeler les questionnements non résolus, et les échanges à la fin des différentes présentations, là encore entre expert·e·s, pointeront les limites où les éléments à compléter dans ce qui vient d'être dit et sont potentiellement préalables à des avancées ambitieuses.

 Si, par exemple, l'opposition de certain·e·s à l'évaluation chiffrée m'a un peu laissé perplexe (dans la mesure où il est rappelé que même si un test aboutit à un résultat chiffré, ce chiffre ne constitue qu'une fraction de ce qu'on peut déduire du test -même si, dans le cas du fameux QI, c'est souvent le seul élément retenu par les interlocuteur·ice·s au moment de la restitution, risque qui peut être contourné en communiquant l'intervalle de confiance - "le QI est entre xxx et xxx " - plutôt que le QI mesuré-), certaines discussions ont plus d'intérêt, parfois d'ailleurs là où on ne l'attend pas ("les échelles de Wechsler sont parfois exploitées au moyen de cadres théoriques très différents, ce nomadisme conceptuel conduisant à en interroger la validité"... les échelles de Wechsler ne font-elles pourtant pas partie des échelles les plus standardisées de l'Univers?). Chacun·e sera par exemple à peu près d'accord sur les conditions de restitution des résultat d'un test aux personnes concernées (compréhensible, contextualisé, non stigmatisant, …), mais une discussion entre expert·e·s est plutôt salutaire pour se mettre d'accord sur les conditions de restitutions aux différents tiers. Sur un autre sujet, l'existence, pour certains tests, d'une conclusion automatisée, ne fait on s'en doute pas l'unanimité. Si personne ne défend ouvertement le gain de temps occasionné, certain·e·s ne sont pas choqué·e·s par la pratique (l'ordinateur ayant des capacités de calcul incomparables serait-ce à celle des meilleur·e· practicien·nes, il peut voir certaines choses que le·a psychologue ne pourrait percevoir que laborieusement, avec des risques d'oubli) tant que le retour informatique est complété par un regard humain, et surtout que le texte constitué automatiquement ne parvient pas directement à l'enfant évalué où à ses parents! Le dernier texte, sur les aspects interculturels, est particulièrement riche autant sur le plan technique que théorique. Si la situation interculturelle a peut-être lieu plus souvent qu'on ne pourrait le penser ("une culture dépend des individus qui constituent un groupe et un individu donné peut faire partie de plusieurs groupes", "même quand on travaille avec des petits Français, il y a souvent de l'interculturel, parce que le psychologue n'est pas souvent de la même culture et de la même classe sociale que l'enfant avec lequel il va travailler") bien qu'il soit dangereux de décréter trop rapidement qu'il y a interculturalité ("Il n'est jamais neutre, encore moins absolu, d'assigner un enfant à une appartenance"), les enjeux concernent la construction, la passation, l'interprétation des tests de façon générale (en plus du fait que l'adaptation de tests généraux à des déficiences spécifiques, comme la surdité, suit des problématiques semblables). Par exemple, dans la traduction des tests, malgré de strictes recommandations méthodologiques, des difficultés peuvent se glisser, tels le fait que les Lituanien·ne·s réussissent moins bien l'épreuve de mémoire de chiffres du WISC... parce que leurs chiffres sont en deux syllabes. Des spécificités linguistiques viennent même se glisser dans le Rorschach, qui n'a si tout va bien pas besoin d'être traduit : les sujets chinois, probablement du fait que leur alphabet soit constitué d'idéogrammes, vont tendre à analyser la globalité de la tâche alors que le sujet occidental va plutôt observer des détails. Le poids de la scolarité est aussi plus conséquent que ce que l'on pourrait supposer. La familiarité, à première vue évidente, avec les puzzles, cubes ou figures géométriques, n'est par exemple pas universelle, certains tests qui semblent adaptés de façon égale à n'importe quelle culture (figure de Rey, Progressive Matrices, …) ne le sont donc pas tant que ça, sans compter que l'essentiel des tests créés et étalonnés sont d'origine américano-européenne.

 En plus de rappels (qui ne seront d'ailleurs pas nécessairement que des rappels) enrichis par l'expérience et la compétence des intervenant·e·s, les échanges présentés dans le livre permettent donc de mettre en valeur les points, argumentés, de désaccords au sein de la profession mais aussi d'esquisser les avancées à faire dans l'approche des tests, la formation des psychologues ou encore la communication avec d'autres professions.

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