Emblème parmi d'autres des inégalités de genre,
faisant partie pour chacun·e, qu'on le veuille ou non (certes pas
toujours dans les mêmes proportions), du quotidien, le point de
repère choisi par la sociologue Christine Castelain Meunier est à
la fois pratique et central.
Si l'autrice rappelle, statistiques à l'appui, que
sa répartition reste très inégalitaire et que, s'il s'agit d'un
travail qui "souffre de sa double transparence : ni reconnu ni
salarié", il s'agit bien d'un travail, n'en déplaise aux
indicateurs économiques qui le prennent peu en compte ("comme si
l'économie avait pu fonctionner tout ce temps sans le travail
domestique féminin!"), et d'un travail qui demande du temps et de
l'énergie (plus encore dans les pays économiquement en difficulté :
"40 milliards d'heures par an pour aller chercher de l'eau les
femmes d'Afrique subsaharienne"), le ménage est aussi pour certain·e·s
un moyen de s'approprier le lieu de vie, voire dans une certaine
mesure de se détendre, de se vider l'esprit. Le livre est
précisément, même si des données quantitatives sont parfois
rapidement fournies, constitué d'une série d'entretiens qui, au
delà de la diversité des situations (couples de différents âges
et niveaux sociaux, colocation, homoparentalité, …), montre que la
répartition des tâches varie, mais que la perception de cette
répartition varie également.
Sans parler de révolution, cette série
d'entretiens dessine une évolution marquée, incarnée avec
éloquence par l'hilarité de jeunes de 20 à 23 ans devant la vidéo
d'archive, perçue comme une aberration, d'une émission de télé
décrivant la maîtresse de maison idéale. L'homme qui revendique
aujourd'hui le droit de ne rien faire à la maison sinon bien vouloir
mettre les pieds sous la table aura du mal à trouver un·e
interlocuteur·ice compréhensif·ve. L'emploi du temps respectif, la
préférence (ou la répulsion moindre) pour certaines tâches, sont
le point de départ de la répartition de la charge de travail,
qu'elle soit explicite (planning, contrat, …) ou implicite. Ceux et celles
qui ont grandi en regardant faire leurs parents ou des professionnel·le·s
se font plus facilement secouer par leurs conjoint·e·s ou colocataires
("on sent bien le glissement des frustrations d'une génération
vers les revendications des générations suivantes"). Participer au
ménage n'est plus pour l'homme une atteinte à la virilité, mais
est au contraire valorisé comme un atout de séduction, selon des
études chiffrées dans des couples hétérosexuels . Si cette
évolution est nette (sans tomber dans la caricature : la
répartition n'était pas de 100%/0% dans les générations
précédentes), l'optimisme ne doit pas faire oublier que la
situation demeure très inégalitaire, comme le rappellent les
chiffres bruts ou encore, comme l'observe l'autrice à propos des
études évoquées plus haut : "reste à se demander pourquoi
il n'existe pas d'étude sur le rapport entre le degré de
participation des femmes aux tâches ménagères et la qualité des
relations conjugales et sexuelles!".
Si les enjeux sociologiques du livre sont clairs
et explicités, il s'agit plutôt sur la forme d'un livre qui reprend
des entretiens, la diversité et les similitudes entre les situations
individuelles apparaissant surtout en filigrane : le résumé
que je viens de faire est donc plutôt un résumé de la conclusion
du livre, qu'il faut prendre le temps de lire pour faire connaissance
avec Soon Mee, Adèle et Bertrand, Malika, Sandra, ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire