mardi 7 mars 2017

Le ménage : la fée, la sorcière et l'homme nouveau, de Christine Castelain Meunier



 Emblème parmi d'autres des inégalités de genre, faisant partie pour chacun·e, qu'on le veuille ou non (certes pas toujours dans les mêmes proportions), du quotidien, le point de repère choisi par la sociologue Christine Castelain Meunier est à la fois pratique et central.

Si l'autrice rappelle, statistiques à l'appui, que sa répartition reste très inégalitaire et que, s'il s'agit d'un travail qui "souffre de sa double transparence : ni reconnu ni salarié", il s'agit bien d'un travail, n'en déplaise aux indicateurs économiques qui le prennent peu en compte ("comme si l'économie avait pu fonctionner tout ce temps sans le travail domestique féminin!"), et d'un travail qui demande du temps et de l'énergie (plus encore dans les pays économiquement en difficulté : "40 milliards d'heures par an pour aller chercher de l'eau les femmes d'Afrique subsaharienne"), le ménage est aussi pour certain·e·s un moyen de s'approprier le lieu de vie, voire dans une certaine mesure de se détendre, de se vider l'esprit. Le livre est précisément, même si des données quantitatives sont parfois rapidement fournies, constitué d'une série d'entretiens qui, au delà de la diversité des situations (couples de différents âges et niveaux sociaux, colocation, homoparentalité, …), montre que la répartition des tâches varie, mais que la perception de cette répartition varie également.

 Sans parler de révolution, cette série d'entretiens dessine une évolution marquée, incarnée avec éloquence par l'hilarité de jeunes de 20 à 23 ans devant la vidéo d'archive, perçue comme une aberration, d'une émission de télé décrivant la maîtresse de maison idéale. L'homme qui revendique aujourd'hui le droit de ne rien faire à la maison sinon bien vouloir mettre les pieds sous la table aura du mal à trouver un·e interlocuteur·ice compréhensif·ve. L'emploi du temps respectif, la préférence (ou la répulsion moindre) pour certaines tâches, sont le point de départ de la répartition de la charge de travail, qu'elle soit explicite (planning, contrat, …) ou implicite. Ceux et celles qui ont grandi en regardant faire leurs parents ou des professionnel·le·s se font plus facilement secouer par leurs conjoint·e·s ou colocataires ("on sent bien le glissement des frustrations d'une génération vers les revendications des générations suivantes"). Participer au ménage n'est plus pour l'homme une atteinte à la virilité, mais est au contraire valorisé comme un atout de séduction, selon des études chiffrées dans des couples hétérosexuels . Si cette évolution est nette (sans tomber dans la caricature : la répartition n'était pas de 100%/0% dans les générations précédentes), l'optimisme ne doit pas faire oublier que la situation demeure très inégalitaire, comme le rappellent les chiffres bruts ou encore, comme l'observe l'autrice à propos des études évoquées plus haut : "reste à se demander pourquoi il n'existe pas d'étude sur le rapport entre le degré de participation des femmes aux tâches ménagères et la qualité des relations conjugales et sexuelles!".

 Si les enjeux sociologiques du livre sont clairs et explicités, il s'agit plutôt sur la forme d'un livre qui reprend des entretiens, la diversité et les similitudes entre les situations individuelles apparaissant surtout en filigrane : le résumé que je viens de faire est donc plutôt un résumé de la conclusion du livre, qu'il faut prendre le temps de lire pour faire connaissance avec Soon Mee, Adèle et Bertrand, Malika, Sandra, ...

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